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Med Change Makers e01 : JULIE HARB, Changement Climatique et Economie Libanaise

FEMISE est heureux d’annoncer le lancement de sa nouvelle série d’entretiens «Med Change Makers».

Les «Med Change Makers» sont des entretiens (texte et vidéo) qui permettent aux chercheurs FEMISE dynamiques d’illustrer comment leur recherche aborde une question politiquement pertinente et comment elle contribue au processus d’élaboration des politiques dans la région Euro-Méditerranéenne.

 

Changement Climatique et Economie Libanaise

Entretien avec JULIE HARB, Université St Joseph (Liban), Institut de la Méditerranée et FEMISE

Julie Harb (Université Saint-Joseph de Beyrouth, Institut de la Méditerranée, FEMISE)

La dernière édition du rapport ENERGIES2050 / Institut de la Méditerranée / FEMISE « Les Défis du Changement Climatique en Méditerranée » (disponible en Mai), offre un éclairage sur la place spécifique du bassin méditerranéen dans le nouvel Agenda climatique international.

Julie Harb (Université Saint-Joseph de Beyrouth, Policy Researcher à l’Institut de la Méditerranée / FEMISE) fait partie des jeunes chercheurs qui ont contribué au rapport. Dans cet entretien, qui se focalise sur le cas libanais, Julie Harb souligne la nécessité d’entreprendre davantage d’efforts publics pour la protection environnementale et le besoin d’un changement des mentalités face au changement climatique.

1) Dans l’accord de Paris, les pays se sont engagés par le biais des CDN (contributions nationales déterminées). Tous les pays du sud de la Méditerranée, à l’exception du Liban, ont ratifié l’Accord de Paris. Comment s’explique cela ?

Malheureusement, dans son agenda politique le Liban ne donne pas une grande priorité à la question du changement climatique et à la protection de l’environnement bien que le pays commence à sentir les effets du changement climatique. D’autres questions, comme celle des élections législatives, sont percues comme plus importantes. Par aillers, ratifier l’Accord de Paris imposerait au Liban l’application des dispositions du traité, ce qui influencerait les politiques publiques et les mécanismes de protection. Comme les autorités ne voient pas dans cette question une priorité, l’accord est perçu comme un « poids lourd » en terme de législation mais également en termes de dépenses.

2) Quelles forces et efforts en cours pour la protection de l’environnement et pour limiter l’impact du changement climatique au Liban ? Quels exemples sectoriels à mettre en avant ?

Il faut noter que l’Etat a fait quelques efforts par le passé sur la protection de l’environnement par le biais de certaines législations: c’est le cas par exemple de la loi no. 444/2002 de la protection de l’environnement qui présente la seule législation majeure qui traite directement du changement climatique au Liban ou la loi 341/2001 sur la réduction de la pollution de l’air par les transports qui mentionne indirectement la protection de l’environnement. De même sur le plan exécutif, on note certaines initiatives comme la création d’un Conseil national pour l’environnement qui comprend 7 ministères et 7 entités non publiques censé préparer des plans et des politiques, soutenir, intégrer et suivre toutes les politiques du ministère et tous les conventions et traités. Une unité nationale de coordination sur le changement climatique (UCCC) a été mise en place pour coordonner un total de 40 représentants qui traitent directement ou indirectement du changement climatique.

Sur le plan sectoriel, un projet d’énergies renouvelables a été mis en place pour fournir 20 MW d’énergie solaire et aurait dû être finalisée en 2016. Cependant, à ce jour, cette ferme photovoltaïque ne fournit que 1 MW . Le ministère de l’Énergie et de l’Eau a émis plusieurs lois concernant ce secteur mais malheureusement aucun décret d’application n’a été ajouté au texte.

3) Quelles sont les principales faiblesses pour combattre les effets du changement climatique au Liban ?

Malgré un grand nombre de décisions, lois et initiatives, des problèmes persistent quant à la lenteur du processus qui traitera cette question. La présence de multitudes d’organes et d’organismes responsables de la protection de l’environnement pourrait être la cause de cette lenteur. Le manque de coordination augmente le poids de la bureaucratie et engendre une fragmentation de la question. Néanmoins, je trouve à titre personnel que l’essence du problème réside dans le manque de la volonté des responsables et autorités à traiter cette question.

4) Les ONG et la société civile contribuent-elles au changement de mentalités ?

Depuis quelques années, les ONG et la société civile jouent un rôle très important en éveillant l’attention de la population libanaise sur la question de la protection de l’environnement tout en créant une culture de développement durable, mais aussi en changeant les mentalités, en incitant au recyclage depuis les écoles et institutions éducatives. Toutefois, malgré le grand travail fourni par ces organisations au niveau de la société, cette dernière n’arrive pas à suffisamment influencer les politiques publiques et les décisions politiques. Un travail de plaidoyer plus appuyé serait nécessaire.

5) Quelles sont selon vous les actions prioritaires à adresser et comment ?

La résolution de la question des déchets qui a débuté en 2015 et qui jusqu’à ce jour n’a pu être réglée d’une façon efficace devrait être inscrite en premier dans l’agenda de la protection environnementale par les autorités. En tant que citoyenne libanaise je trouve que cette résolution nécessite un plan précis de long terme préparé en amont ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Une deuxième priorité serait celle du nettoyage de la mer : en effet, face à la crise des déchets, l’état a pris la décision de créer des zones de déchets à côté de la mer, ce qui signifie qu’en période de tempêtes,ces déchets ont été dispersés dans la mer nuisant à l’écosystème marin et à la qualité de vie des populations.

Par ailleurs, les ONG libanaises en manque de soutien devraient établir davantage de partenariats avec des organisations internationales qui agissent en matière de changement climatique et qui pourraient adapter leurs solutions localement et accroître la capacité d’adaptation de l’économie libanaise.

Propos recueillis par Constantin Tsakas

 

 

Migration et crise des réfugiés : les experts FEMISE débattent sur l’aube d’une nouvelle ère

Conférence Annuelle du FEMISE 2017 sur: « Migration et crise des réfugiés dans l’UE-Med: l’aube d’une ère de responsabilité partagée? »

Compte-rendus des Sessions plénières

Première Session : L’impact de la crise des réfugiés sur les relations de voisinage

Plusieurs millions de Syriens fuient leur pays depuis le début de la guerre en 2011. Les Etats riverains accueillent majoritairement ces populations, le Liban en tête. Quel sera l’impact économique de cette diaspora syrienne? Les réfugiés rentreront-ils dans leur pays une fois la paix retrouvée ? Ce sont les questions qui ont été posées lors de la première session plénière de la Conférence annuelle du FEMISE (Casablanca, 29-30 avril 2017)

Osama Kadi, FEMISE conference 2017

Dévastée par la guerre déclenchée en mars 2011, la Syrie a perdu plus de la moitié de sa population en six ans. Sur les 25 millions d’habitants que comptait le pays à la veille du conflit, 15 millions ont quitté le pays ou été tués, emprisonnés ou handicapés. « Près de 20 000 ingénieurs sont partis dès la première année de la guerre », précise Osama Kadi, président de la Task Force Economique Syrienne (SETF) dans son intervention a cette première session plénière. Les Syriens ne choisissent pas de quitter leur patrie. La guerre les a contraints à trouver refuge dans des pays voisins, à traverser la Méditerranée au péril de leur vie. 50 000 personnes sont mortes noyées en cherchant à fuir depuis 2011 dans des embarcations de fortune (présentation disponible ici).

Le pays est profondément fragmenté et l’économie a perdu son capital et ses ressources humaines. Les conditions de vie sont dévastatrices: plus de 85% de la population restante vit sous le seuil de pauvreté, la plupart des enfants ne sont pas scolarisés, l’espérance de vie a chuté de façon spectaculaire à 56 ans, l’accès aux soins de santé est difficile (le ratio médecins/population est inférieur à 1: 4000) et plus de deux millions de maisons ont été détruites. La plupart des ressources énergétiques ont été endommagées ou reprises par des groupes islamistes.

FEMISE conference 2017, Casablanca

Cependant, M. Kadi envoie un message d’espoir en parlant de la reconstruction post-conflit. Il soutient que celle-ci reposerait sur 4 piliers: la sécurité, la justice et la réconciliation, le bien-être social et économique et la gouvernance et participation. Au milieu des grands défis à relever, et en fonction de la façon dont le conflit sera résolu, il a suggéré quatre secteurs qui pourraient obtenir des retours rapides: le secteur de l’énergie, l’agriculture et les industries à forte intensité de main-d’œuvre. M. Kadi a également fournit certaines idées sur les plans de réformes à court et long terme, inspirées du «plan Marshall» qui a reconstruit l’Europe occidentale après la Seconde Guerre mondiale.

Un statut de réfugié pour rejoindre le secteur formel

Mohamed Ali Marouani, FEMISE conference 2017

Complétant ce panorama, Mohamed Ali Marouani, Professeur d’économie à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne confirme les points saillants: « Nous sommes trop focalisés sur les aspects humanitaires et pas suffisamment sur les enjeux économiques. Au Liban, les réfugiés Syriens habitent dans des régions pauvres caractérisées par un taux de chômage élevé. Comment améliorer leur qualité de vie ? Si les réfugiés ne parviennent pas s’insérer dans le tissu économique, ils demeureront dans le secteur informel et ne pourront pas générer des échanges », analyse Mohamed Ali Marouani, qui plaide en faveur de leur intégration dans le marché de l’emploi formel lors de son discours sur l’impact économique de la crise syrienne sur les pays voisins et notamment le Liban (présentation disponible ici).

Le Liban figure en première ligne. Les réfugiés syriens représentent désormais 30% de la population libanaise. Il s’agit du taux de réfugiés syriens le plus élevé au monde. A titre de comparaison, ils ne représentent que 3% de la population turque. L’afflux massif de 1,2 million de Syriens pèse sur l’économie libanaise. Le pays fait face à une chute de 20% de ses exportations et à une hausse du taux de chômage.. Son analyse se concentre sur quatre impacts possibles: d’abord, l’impact du partage de la frontière avec la Syrie en tant que pays en conflit (qui aura un impact considérable sur son activité commerciale et son économie), en second lieu, l’impact de l’afflux massif de réfugiés entrés au Liban avec un besoin particulier d’accès au marché du travail, en troisième lieu, l’impact d’un cas extrême d’arrêt de l’aide et donc une dépendance totale sur le revenu généré par le travail et en quatrième, l’impact positif de l’augmentation de l’investissement par l’aide étrangère. Son analyse a montré que les coûts engendrés par la baisse du commerce (et du tourisme) au Liban sont élevés compte tenu de l’importance de ces secteurs pour l’économie libanaise. Les flux de réfugiés ont un impact négatif sur le chômage (en particulier pour les segments les plus bas de la main-d’œuvre libanaise). La croissance globale est plus élevée, mais si l’on tient compte des réfugiés, la croissance par capital serait inférieure. Cela s’explique principalement par l’impact négatif des chocs sur les investissements.

Ibrahim Ahmed ElBadawi, FEMISE conference 2017

Si la Turquie refuse de donner aux Syriens le statut de réfugiés, les privant de la citoyenneté turque, l’Égypte et le Soudan se révèlent exemplaires. « Les Syriens possèdent un emploi en Egypte. Leur intégration constitue un modèle à étudier », suggère Ibrahim Ahmed Elbadawi, président du Femise et Directeur de l’Economic Research Forum du Caire. « Les Syriens se sentent en sécurité en Égypte et développent des relations commerciales. Reste à savoir si à la fin de la guerre, ils retourneront en Syrie », s’interroge Osama Kadi. « Le patrimoine dont ils bénéficient dans le pays d’accueil déterminera leur choix. Ils ont tout perdu en Syrie.

Raed Safadi, FEMISE conference 2017

Comment les aider à retrouver la motivation de reconstruire leur pays en ruine », fait remarquer Raed Safadi lors de sa présentation intitulée « Impact of the refugees on Neighbors : the Good, the Not so Good .. and the Bad ». .Il préconise le fait que la population combinée de la Jordanie, de la Turquie et du Liban (pays voisins) représente 94 millions avec un PIB de 900 dollars; tandis que la population de l’UE est de 500 millions, avec un PIB de 18,4 billions de dollars et qu’aux USA la population est de 319 millions d’habitants avec un PIB de 17,4 billions de dollars. Il explique que l’impact des réfugiés pourrait être une aubaine à condition que ces derniers comblent les lacunes démographiques, s’intègrent au marché du travail et deviennent productifs et apportent davantage d’échanges et d’investissements bilatéraux. Les réfugiés pourraient constituer un fardeau s’ils entravent les services publics et privés, provoquent un surpeuplement et augmentent les conflits sociétaux. L’impact du conflit syrien a entraîné des défis macroéconomiques plus importants dans les pays voisins que le seul afflux de réfugiés syriens, bloquant des chaînes et des destinations à l’exportation, entravant le tourisme et engendrant l’insécurité régionale. Cependant, il existe des répercussions positives de ces réfugiés, notamment en Turquie ou 26% des entreprises nouvellement créées sont détenues par des Syriens. Dr. Safadi insiste sur la nécessité de prendre en considération à la fois l’aide humanitaire et l’assistance au développement (présentation disponible ici).

Deuxième Session: Unifier la vision méditerranéenne de la migration en faveur de la migration et des réfugiés

Si la première session plénière a mis en lumière une gestion disparate des réfugiés selon les pays d’accueil, la deuxième session plénière de la conférence du Femise, le 29 avril 2017 à Casablanca, s’est attachée à trouver des solutions concrètes pour apporter une vision commune. Trop de divergences existent entre la perception et la gestion des réfugiés au nord et au sud de la Méditerranée, freinant la mise en place d’une chaîne de solidarité. Menace pour les uns et opportunités pour les autres…

Hugo de Seabra, FEMISE conference 2017

Immigrés économiques, réfugiés politiques et libre circulation des personnes… 6 000 immigrés frappaient chaque jour aux portes de l’Europe en 2015, au plus fort de la crise. Devant l’ampleur du phénomène, les États improvisaient en apportant une réponse empirique. « L’Etat providence a exacerbé les divisions en Europe. Nous devons bâtir un terrain commun et développer une approche inclusive », plaide Hugo de Seabra de la Fondation Calouste Gulbenkian au Portugal, à l’initiative du sommet de Lisbonne de novembre 2016 sur « L’amélioration des réponses en Europe à la crise des réfugiés ». Il ajoute que pour unifier la vision Européenne il faudra des orientations stratégiques pour: créer la volonté politique pour une stratégie prospective de l’UE en matière de migration; développer un mécanisme cohérent et équitable pour gérer les flux migratoires, pour promouvoir une intégration axée sur le travail qui renforce l’appartenance sociale et mobilise l’ensemble de la société pour davantage d’inclusivité. Chacune de ces directions exigera des politiques bien conçues, élaborées dans son discours (présentation disponible ici).

Harmoniser les délais d’octroi d’asile en Europe

Pierre Vimont, FEMISE conference 2017

« Une vraie réflexion de fond doit être menée sur le partage du fardeau. Nous devons adopter une véritable politique de l’immigration avec des règles harmonisées notamment sur les délais d’octroi de l’asile entre les différents pays européens », suggère Pierre Vimont, Senior Fellow à Carnegie Europe. La crise des réfugiés a fissuré l’Europe, exacerbant les tensions et engendrant la montée du populisme. Il a fallu attendre 2015 pour que Bruxelles se décide à élaborer une stratégie sur l’immigration.

« L’Europe a cherché à reprendre le contrôle en fermant les frontières tout en essayant de convaincre les pays du sud de garder sur leur sol les immigrés en contrepartie d’un soutien économique et financier », analyse Pierre Vimont. Il ajoute : « L’Europe souhaiterait dupliquer l’accord trouvé avec la Turquie à la Libye, ce qui est impossible compte tenu de la situation politique et sociale ». Il suggère plusieurs pistes de travail : définir une politique rigoureuse, organiser une première étape en Afrique permettant d’entrer légalement en Europe et accroître le soutien financier au Liban, à la Turquie et à la Jordanie.

Pour autant, l’Europe n’a-t-elle pas amplifié le phénomène ? « 70 % des 6 millions de réfugiés syriens sont restés dans la région. L’Europe a accueilli seulement 1,3 million de réfugiés. Sur les 770 000 bénéficiaires du droit d’asile en 2016, 450 000 se trouvent en Allemagne et 35 000 en France », temporise Senén Florensa, président exécutif de l’IEMED à Barcelone.

FEMISE researchers debating, FEMISE conference 2017

Au fil du temps, depuis le début de la crise en 2011, de nouvelles routes se sont ouvertes, déplacées ou fermées. En 2016, 55% des réfugiés transitaient par la Grèce et 45% par l’Italie.
Terre d’accueil des immigrés économiques, l’Espagne a cessé d’être attractive lorsqu’elle fut frappée par la crise avec un marché de l’emploi saturé. De pays de transit, le Maroc a changé de statut pour devenir un pays d’accueil. Il souligne qu’il existe des stratégies qui se chevauchent en matière de gestion des migrations dans la région UE-Med: de la stratégie UE-27, à la stratégie 5 + 5 de l’union pour la Méditerranée, à l’IEVP et la conférence euro-africaine sur les migrations et le développement, tout ceci compliquant l’image. Il conclut en disant qu’il faut aller d’une situation «de plus en plus de développement pour moins de migration» vers «une meilleure migration pour plus de développement» et que les politiques de migration devraient être davantage connectées aux politiques de développement.

Troisième Session — Quelles actions sont encore nécessaires pour faire face à la crise des réfugiés?

Le conflit syrien constitue le plus important défi humanitaire à relever. Un exode de plus de cinq millions de Syriens installés en Égypte, en Irak, au Liban, en Jordanie et en Turquie. Les 13,5 millions qui font le choix de rester nécessitent une aide d’urgence. Les Nations Unies, à travers le Haut Commissariat aux Réfugiés (HCR) et l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM), tentent d’apporter des réponses concrètes en aidant les populations en détresse. Agir immédiatement tout en anticipant la paix, la reconstruction, le retour des réfugiés… Les intervenants de la dernière session de la conference Femise, livrent leur vision de l’avenir.

Charbel Nahas, FEMISE conference 2017

À l’issue de la guerre, les économistes envisagent plusieurs scénarios. « La guerre civile engendre des effets irréversibles. Faut-il intégrer les réfugiés syriens totalement ou partiellement dans les pays d’accueil ? Devons nous organiser leur rapatriement ? », s’interroge Charbel Nahas, économiste et ancien ministre du travail au Liban. Usure, lassitude voire même banalisation d’un conflit qui s’éternise… Alors que la guerre civile en Syrie entre dans sa septième année, les aides se raréfient. À ce jour, sur les 200 M USD nécessaires pour bâtir des abris et fournir de l’aide non alimentaire, seulement 7 M USD ont été reçus.

Une guerre civile est à la fois démobilisation et destruction des stocks de ressources. La population syrienne se retrouve brutalement excédentaire. Sa migration est un effet prévisible. L’équilibre entre le stock de population et le stock de capital se trouve rompu au Liban. Derrière le couple complémentarité ou substituabilité des travailleurs libanais (et autres résidents) et syriens se pose la question de la variable d’ajustement : adaptation du travail, de l’économie ou de la société. Des choix lourds de conséquences se posent : intégrer les Syriens, totalement, partiellement, avec des statuts différenciés, organiser leur sortie… Dans chaque cas, c’est le modèle institutionnel sociopolitique qui est redéfini et le contexte régional avec lui. Contrairement à la théorie économique pure, la taille des états compte, mais en termes de rapport de force relatifs. Le mouvement des biens n’est pas équivalent au mouvement des facteurs, des hommes et des ressources naturelles en particulier. Si vision commune il peut y avoir, elle doit être clairement politique. Le Femise peut sans aucun doute y jouer un rôle. Le Liban, pour son malheur a connu guerre civile et reconstruction avant la Syrie. L’expérience libanaise, parce qu’elle présente un cas d’adaptation extrême, doit impérativement être prise en compte.

Sophie Nennemacher, FEMISE conference 2017

« Lors du sommet de New York en septembre 2016, les pays avaient pris des engagements financiers concrets pour soutenir les pays en crise. Les États membres se sont aussi engagés à adopter en 2018 un pacte mondial pour une migration sûre, ordonnée et régulière. Ce sommet a été un échec. Nous constatons une désaffection financière des États à mobiliser des fonds pour les réfugiés. Le HCR lance un nouvel appel de fonds et tente d’inciter de nouveau les pays à soutenir les réfugiés », explique Sophie Nennemacher, agent régional de la politique de migration de l’OIM. Elle souligne également la nécéssité d’une plus grande cohérence entre action humanitaire et planification du développement pour construire une communauté de résilience (présentation disponible ici).

Pourtant, des textes protégeant les migrants en situation de vulnérabilité existent bel et bien. « La convention des Nations Unies sur les migrants a été peu ratifiée car elle confère aux migrants beaucoup de droits », explique l’experte en migrations. Elle décrit la vulnérabilité des réfugiés qui correspond à une population «en retrait». Elle fournit des détails sur les efforts de l’OIM sur ce front et sur la «matrice de suivi des déplacements» pour suivre les mouvements des personnes déplacées.

Après les sommets de New York, de Malte, Kampala accueillera mi-mai un sommet organisé à l’initiative des États de l’Union africaine.

Les scénarios de l’après-guerre

Fin septembre, les gouvernements, les représentants de la société civile et le secteur privé se retrouveront également au Caire pour tenter de dégager un consensus et d’avancer sur la question. « Les États sont appelés à faire valoir leurs idées pour défendre la cause des migrants, lutter contre la traite des humains, ouvrir des voies légales d’immigration et instaurer des axes de coopération », ajoute Sophie Nennemacher. La représentante de l’OIM précise que des outils existent pour suivre les déplacements des migrants et pour évaluer les besoins des populations (gestion des camps de réfugiés, aide sociale et psychosociale). L’expert rappelle en outre l’effet multiplicateur des aides sur la consommation et leur effet stimulant sur l’économie.

Philippe Poinsot, coordinateur des Nations Unies et représentant du PNUD au Maroc, cite l’exemple du royaume chérifien : « L’hospitalité est très ancrée dans le monde musulman. Les réfugiés bénéficient des mêmes droits que les Marocains ».

Pour un album photo de la Conférence veuillez cliquer ici

Debates, FEMISE Conference 2017, Casablanca

From left to right: Constantin Tsakas, Jala Youssef, Ibrahim ElBadawi, Patricia Augier, Maryse Louis

flag_yellow_highThis event received financial support from the European Union through the FEMISE project on “Support to Economic Research, studies and dialogues of the Euro-Mediterranean Partnership”. Any views expressed in this seminar are the sole responsibility of the speakers.

Séminaire Politique sur le thème « Libérer le potentiel du secteur privé dans les pays méditerranéens du Sud »

fem-aub-logoFEMISE a le plaisir d’annoncer que son prochain séminaire politique portera sur le thème « Libérer le potentiel du secteur privé dans les pays méditerranéens du Sud » et se tiendra le 5 Décembre 2016, à Beyrouth, Liban. Le séminaire est organisé en collaboration avec nos partenaires Institute of Financial Economics, à l’Université américaine de Beyrouth (AUB).

L’objectif de ce séminaire politique FEMISE-AUB est d’identifier les différents défis du secteur privé des pays sud de la Méditerranée. D’une part, la région souffre de grandes instabilités macroéconomiques; et d’autre part, le secteur fait face à des procédures administratives complexes qui rendent l’accès au financement pour les PME difficile. Le séminaire tentera de répondre à la question suivante: “Quelles mesures pourraient être prises pour débloquer les potentiels du secteur privé dans les pays du Sud Med?”. Pour répondre à cette question, trois sessions et une table ronde sont prévues.

Veuillez trouver la note conceptuelle avec plus de détails sur le contenu du séminaire en cliquant ici.

L’agenda est également disponible, en cliquant ici.

flag_yellow_highCet événement a reçu le soutien financier de l’Union européenne à travers le projet FEMISE  “Support to Economic Research, studies and dialogues of the Euro-Mediterranean Partnership”. Les opinions exprimées dans ce séminaire sont de la seule responsabilité des auteurs.

Transferts de fonds des émigrés libanais, un coup de pouce pour vivre mieux

Les flux des capitaux transférés par les émigrés Libanais à leurs proches sous forme de remises d’investissements ou de dépôts bancaires constituent une composante essentielle de l’économie libanaise. Ils représentent une part importante des ressources du pays. En publiant une étude sur cette thématique, Chogig Kasparian, professeur à l’université Saint-Joseph de Beyrouth, vient combler les lacunes en la matière. L’exploitation des données statistiques a d’ailleurs été immédiate.

Chogig Kasparian, professeur à l’université Saint-Joseph de Beyrouth,  a coordonné une étude financée par le Femise réalisée dans le cadre de l’Observatoire universitaires de la réalité socio-économique. (Photo N.B.C)

Chogig Kasparian, professeur à l’université Saint-Joseph de Beyrouth, a coordonné une étude financée par le Femise réalisée dans le cadre de l’Observatoire universitaires de la réalité socio-économique. (Photo N.B.C)

60% des émigrés Libanais expédient régulièrement de l’argent à leurs familles restées au pays. Quel est leur profil ? À quoi ces fonds sont-ils destinés ? « L’argent sert principalement à satisfaire les besoins de la vie quotidienne, les dépenses d’éducation et de santé. L’investissement dans la création d’entreprise demeure marginal », explique Chogig Kasparian. Professeur à l’université Saint-Joseph de Beyrouth, elle a coordonné une étude financée par le Femise et réalisée dans le cadre de l’Observatoire universitaires de la réalité socio-économique (OURSE). (Pour accéder à cette étude, cliquez ici)« Nous manquons de données statistiques sur ce phénomène. Cet ouvrage devrait éclairer le gouvernement sur la politique sociale à mener. Dernièrement, des représentants du Fonds monétaire international se sont rendus au Liban pour exploiter ces nouvelles données », explique l’économiste.Au terme d‘un an et demi de recherches, l’ouvrage intitulé « L’impact des transferts des émigrés sur le niveau de vie des ménages : étude comparative entre le Liban, le Maroc et l’Algérie » a été publié en octobre 2015.« L’immigration libanaise est constituée généralement de médecins, d’ingénieurs, d’informaticiens. Si historiquement, la France a accueilli beaucoup de Libanais pour des raisons de proximité culturelle, ils sont aujourd’hui attirés par les pays du Golfe. Les femmes qui auparavant suivaient leurs maris sont devenues indépendantes. Nous constatons ainsi des migrations autonomes de Libanaises qui partent faire carrière à Dubaï », souligne Chogig Kasparian qui a mené une enquête auprès de 2 000 ménages, 1 000 recevant des transferts de fonds de l’étranger et 1 000 n’en recevant pas.
 

Premier pays de la région MENA pour les transferts de fonds

Transferts de fonds des émigrés libanais, un coup de pouce pour vivre mieux
L’étude, qui intègre également un petit nombre de localités rurales ou semi rurales, souligne l’écart de revenus entre les ménages recevant des fonds (-38,4%) et les autres.

Le Liban arrive en tête des pays de la région MENA pour l’importance des transferts de fonds. Ils atteignaient 22,4% du PIB en 2009 devant le Maroc et l’Algérie. Cette étude devrait permettre d’effectuer des rapprochements avec les données déjà disponibles sur le même sujet au Maroc et en Algérie. Il s’agit en effet de faire ressortir les particularités ou similitudes s’agissant de l’impact des transferts de fonds sur le niveau de vie des ménages.

Entretien réalisé par NBC lors de la conférence annuelle du Femise (13-14 Février, 2016, Athènes, Grèce). Pour en savoir plus sur la conférence,  cliquez ici.

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L’impact des transferts des émigrés sur le niveau de vie des ménages: étude comparative entre le Liban, le Maroc et l’Algérie

L’émigration libanaise, historiquement très ancienne, a toujours joué un rôle important dans la vie économique et sociale des ménages. Plus récemment, les flux migratoires des Libanais allant à l’étranger ont continué à augmenter pour différentes raisons, suivant la conjoncture politique et économique nationale, régionale et même internationale. Les transferts de fonds de l’étranger vers le Liban ont donc toujours constitué une part importante des ressources du pays. En se référant aux estimations faites par la Banque mondiale[1], le Liban occupe le premier rang parmi les pays de la région (MENA) quant à l’importance des transferts par rapport au PIB (22,4% en 2009). Le Maroc comme l’Algérie sont aussi parmi les pays pour lesquels les remises de fonds constituent une part importante du PIB (respectivement 6,6% et 1,4%).

Les flux des capitaux transférés par les émigrés sous forme de remises d’investissements ou de dépôts bancaires constituent une composante essentielle de l’économie libanaise et représentent une part importante des ressources du pays.

L’importance de l’émigration apparait aussi dans la société. En effet un bref aperçu historique de l’émigration libanaise met en relief la tradition des Libanais à émigrer et à créer des réseaux et filières migratoires dès les premières vagues d’émigration. Cette mise en perspective historique de l’émigration libanaise permet de ressortir, pour les trois vagues principales d’émigration des Libanais depuis la fin du dix-neuvième siècle, le caractère massif de ces mouvements, la multiplicité des destinations et l’inégale participation des régions et des communautés religieuses dans la dynamique migratoire.

Cette recherche s’est focalisée sur l’analyse de l’impact des remises des émigrés sur les ménages libanais, et s’est aussi penchée sur les rapprochements avec le Maroc et l’Algérie où les transferts des émigrés constituent aussi une part importante des revenus des ménages concernés. Elle a été réalisée en trois phases : la première phase a consisté à mener une enquête auprès de 2000 ménages libanais dont 1000 recevant des transferts de l’étranger 1000 ne recevant pas (Juin-Octobre 2012). Cette enquête avait pour principal objectif d’évaluer et d’estimer l’importance des montants reçus, de connaitre quels sont les domaines de leur utilisation et de leur destination et enfin d’étudier leur impact sur la structure de la consommation des ménages comparée à celle des ménages de même catégorie socio-économique ne recevant pas d’aide extérieure.

La deuxième phase a consisté à retenir un petit nombre de localités rurales ou semi rurales (12) réparties dans les différentes régions libanaises et connues pour avoir une tradition d’émigration, pour observer la localité et ses habitants dans une approche qualitative. Cette approche avait pour objectif de déceler l’impact des aides extérieures sur les transformations de la collectivité locale et de repérer aussi, les transferts du savoir-faire, d’investissement professionnel et de nouvelles valeurs à l’échelle du groupe dans son ensemble.

La troisième phase devrait permettre de faire des rapprochements avec les données d’enquêtes déjà disponibles, concernant le même sujet au Maroc et en Algérie, pour essayer de ressortir les particularités et/ou les ressemblances entre ces trois pays en ce qui concerne l’impact des transferts de l’étranger sur les niveau de vie des ménages.

 Pour la réalisation de l’enquête auprès des ménages, principale source d’informations dans cette étude, l’échantillon des ménages a été tiré à partir des données de l’enquête nationale effectuée en 2009 dans le cadre de l’OURSE (Observatoire universitaire de la réalité socio-économique) de l’Université Saint Joseph de Beyrouth, sur « L’émigration des jeunes Libanais et leurs projets d’avenir ». 200 ilots ont été tirés en donnant à chaque îlot une probabilité proportionnelle au nombre de ménages dans l’îlot recevant une aide extérieure, dans chaque ilot 10 ménages ont été sélectionnés 5 recevant des transferts de l’étranger et 5 ne recevant pas, comme ménages témoins.

Cette technique a permis de concentrer l’enquête dans un nombre relativement réduit d’îlots, ce qui permet de réduire les coûts, tout en assurant une représentativité des différentes régions dont les caractéristiques en matière d’émigration et de niveau de vie sont très variables.

Dans les 2000 ménages interrogés, 7471 membres résidents ont été répertoriés pour lesquels les informations individuelles ont été recueillies. Le nombre d’émigrés apparentés aux ménages s’est élevé à 3356 individus pour lesquels les informations individuelles ont été, aussi, collectées.

Le questionnaire divisé en 10 parties, comprend des variables de catégorisation des ménages, les caractéristiques socio-professionnelles des membres, et des variables se rapportant aux caractéristiques des émigrés en rapport avec les transferts. La collecte des données s’est déroulée entre Juillet et Octobre 2012, avec en plus des difficultés habituelles de toute enquête à sujet délicat concernant les revenus et les dépenses, les difficultés dues à l’état d’insécurité régionale et nationale. De multiples contrôles et de tests de cohérence et de vraisemblance faits au bureau pendant et après la fin de la collecte, ont permis d’épurer les fichiers et d’assurer un degré de fiabilité globalement satisfaisant.

Cette enquête a permis de connaitre les caractéristiques socio-économiques des ménages profitant des transferts de l’étranger comparées à celles des ménages sans transferts : taille et composition, nombre d’enfants résidant avec le ménage au Liban et ne résidant pas avec le ménage, existence des proches émigrés, profil démographique du chef de ménage, son lieu de résidence, son niveau d’instruction, son activité. Nombre de scolarisés, nombre d’actifs, nombre de travailleurs par ménage. D’autres variables se rapportant aux différentes sources de revenus et leurs montants, aux divers postes de dépenses, ainsi qu’à la satisfaction des ménages quant à leur revenu, l’importance et la nécessité des transferts reçus dans la vie quotidienne, les postes de dépenses les plus lourds ainsi que les modalités d’utilisation des transferts reçus ont pu être dégagés à partir d’un nombre important de variables prévues à cet effet.

Elle a permis aussi de révéler les caractéristiques des membres des ménages suivant un axe comparatif entre les ménages profitant des transferts de l’étranger et les ménages sans transferts : type de résidence, âge et genre, état matrimonial, occupation, niveau d’études, informations supplémentaires sur les universitaires concernant la spécialisation, le pays d’obtention du diplôme, le financement des études , l’apport des transferts de l’étranger pour la poursuite des études, connaissance des langues étrangères, situation quant à l’activité économique, métiers exercés, statut professionnel, secteur d’activités économiques, revenus. Les chômeurs ont été interrogés sur des informations plus ciblées concernant : les causes et la durée de chômage, les difficultés rencontrées et les modalités de recherche d’emploi.

 Cette enquête a aussi permis de ressortir les caractéristiques des émigrés en relation avec les transferts. Pour les différents critères pouvant avoir un impact sur le transfert il a été possible de déterminer le poids des émigrés dans chacune des modalités de la variable considérée et de nuancer l’existence de transfert en fonction de sa régularité ou pas et de sa destination : envoie de transfert ou pas, régulièrement ou pas, envoyait n’envoie plus, envoie à un autre ménage. Ces catégories ont été combinées avec l’âge et le genre de l’émigré, le lien avec le chef de ménage, l’état matrimonial, les raisons de départ, le pays de destination, le niveau d’instruction, l’activité économique, les liens entretenus avec la famille au Liban et le pays en général, les investissements faits au Liban et à l’étranger et enfin l’intention de retour. Des questions plus ciblées sur les transferts ont permis de connaitre les montants envoyés, par quel moyen et depuis quand. D’autres questions ont permis de connaitre aussi la situation familiale de l’émigré en rapport avec l’émigration lié aux transferts : la nationalité et le lieu de résidence du conjoint, la présence d’enfants au Liban ou à l’étranger.

Dans la deuxième phase, l’étude qualitative effectuée dans une douzaine de villages, (choix des localités par sélection ciblée), axée sur les liens des émigrés avec le lieu d’origine, a permis de découvrir l’intérêt porté par les émigrés, non pas seulement à leur famille, mais à la communauté locale dans sa totalité et ceci à travers les différentes actions collectives menées grâce aux transferts financiers et au savoir-faire des émigrés originaires de la localité.

Etant donné l’importance du phénomène migratoire dans la société libanaise et dans son économie, (45% des ménages ont au moins un proche émigré depuis 1975), et la pénurie des informations sur les transferts, les informations recueillies dans ce projet ont comblé un vide et permis de mieux estimer l’importance des transferts dans le budget des ménages, de préciser les domaines d’utilisation de ces transferts et d’évaluer leur impact sur le niveau de vie des ménages.

 

Pourquoi les médecins du Moyen-Orient, du Maghreb et des pays de l’Est émigrent vers l’Europe?

Medecin-euromed2bSyriens, Libanais, Marocains, Roumains… Qui sont ces médecins qui décident de plier bagages et d’exercer en Europe ? Quelles sont leurs motivations ? Comment les pays qui assistent à cette fuite des cerveaux peuvent-ils tirer parti de cette expatriation ? FEMISE apporte des réponses à ces questions dans un rapport de recherche qui vient d’être publié sur le site FEMISE (FEM34-07).

L’attrait d’une vie meilleure, de conditions de vie satisfaisantes, d’un bon salaire, un système éducatif évolué, la proximité avec le pays d’origine… Autant de paramètres pouvant motiver des médecins du Moyen-Orient, du Maghreb et des pays de l’Est à exercer la médecine en Europe. « Les candidats au départ sont attirés par les avantages relatifs offerts par les pays de l’Union Européenne. Gagner plus leur permet d’être à l’aise et de vivre mieux. Il faut également considérer les avantages non pécuniaires, la possibilité d’évoluer professionnellement et de faire carrière », souligne Ahmed Driouchi, Professeur d’Economie à l’université Al Akhawayn, à Ifrane, au Maroc, auteur du rapport Femise.

Intitulée « Qu’apprenons nous de la nouvelle économie de l’émigration des docteurs en médecine vers l’UE : Les cas d’Europe centrale et d’Europe de l’Est, du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord », l’étude du Femise pointe du doigt une émigration à deux vitesses.

Les médecins issus du Moyen-Orient et du Maghreb ne bénéficient pas souvent d’un système d’équivalence. A leur arrivée en Europe, ils pourraient occuper des postes de moindre importance en attendant de passer les équivalences et les tests d’admission. L’entrée dans l’Union Européenne des pays de l’Est entre 2002 et 2007 a accru le champ de la mobilité en garantissant la portabilité des qualifications des professions de santé. Cette reconnaissance des diplômes de médecins, dentistes, infirmiers et autres professions de santé favorise l’émigration.

Des médecins dans les régions françaises

C’est ainsi que des médecins Roumains s’installent dans la plupart des régions françaises. Bien souvent les médecins issus des pays francophones optent pour la France ou la Belgique. Leurs homologues anglophones sont davantage attirés par la Grande-Bretagne. Après une période d’adaptation, leurs capacités intellectuelles leur permettent de s’intégrer.

Les taux d’émigration des médecins sont très élevés au Liban (19,6%) et en Syrie (17,5%). En Jordanie ils atteignent 9,9%, en Algérie 7,1%, au Maroc 6,6% et en Égypte 5,6%. Le Maroc a d’ailleurs fait l’objet d’une étude approfondie. Les chercheurs du Femise expliquent, au fil des 400 pages de l’étude, qu’il existe pour chaque pays un seuil de migration à ne pas dépasser pour éviter l’écueil de la fuite des cerveaux.

« Nous avons questionné les médecins marocains qui avaient choisi de rester dans leur pays. L’étude confirme des variables comportementales. Tout dépend de la situation personnelle des individus et de leur stratégie. Le modèle empirique démontre les avantages relatifs par les pays de destination», conclut le professeur Ahmed Driouchi.

Illustration Femise

Article de Nathalie Bureau du Colombier, Econostrum. L’article fait partie d’une série d’articles conjoints réalisés dans le cadre d’un partenariat entre Femise et Econostrum pour l’année 2012, qui alimentent également la rubrique « Grand Angle»  du site d’information Econostrum. Vous pouvez retrouver cette rubrique et toutes les informations à l’adresse suivante: www.econostrum.info. L’inscription à la newsletter d’econostrum est accessible par: http://www.econostrum.info/subscription/