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« A la découverte des Social Change Makers » : L’entreprenariat social comme clef des problématiques en Méditerranée et en Afrique (20 Novembre, Marseille)

A l’invitation de l’Institut de la Méditerranée et de Femise, une dizaine de « Social change makers » impliqués en Méditerranée et en Afrique ont assisté à un atelier d’Emerging Valley (20 Novembre, Marseille). Leurs expériences diverses montrent l’apport de l’entreprenariat social comme vecteur d’accélération du développement socio-économiques mais aussi ses difficultés à s’imposer.

Les entreprises à impact social comme vecteur d'accélération de développement socio-économique (photo : F.Dubessy)

Les entreprises à impact social comme vecteur d’accélération de développement socio-économique (photo : F.Dubessy)

MÉDITERRANÉE / AFRIQUE. « La nécessité est mère de l’invention. Il faut donc essayer de changer les choses par la créativité. » Fondateur et CEO de Yomken.com Tamer Taha a d’emblée posé, lors de l’atelier »A la découverte des Social change makers en Méditerranée et en Afrique », la problématique d’une « région Mena en retard en matière d’innovation avec les autres pays d’un même niveau de développement.« 

Proposée par l’Institut de la Méditerranée, le Femise et l’IRD (Institut de recherche pour le développement) à l’occasion d’Emerging Valley (Marseille, 20 novembre 2018) cette rencontre visait à mettre en avant les initiatives présentes en Afrique et dans les pays méditerranéens de la rive Sud. Comme l’indique Constantin Tsakas, délégué général et secrétaire général de l’Institut de la Méditerranée-Femise, « face au chômage des jeunes, à l’économie informelle, aux inégalités et au manque de diversification économique, les entreprises à impact social ont le potentiel, faiblement exploité, d’être un accélérateur de développement socio-économique en mettant à profit des approches innovantes. »

Pour l’Egytien Tamer Taha, « les innovateurs ont besoin de plus que des fonds. Le marché a besoin de plus que de nouvelles idées. Si nous n’innovons pas, nous risquons de sortir du marché international. » Avec Yomken.com, plate-forme d’innovation ouverte pour les challenges industriels, environnementaux et sociaux, il met en relation dans cinq pays des grandes entreprises et des Tpe-Pme pour répondre à des problèmes à travers des appels à solution. Ces synergies ont, depuis 2012, débouché sur soixante-huit challenges. A l’image de cette machine allemande de découpe de légumes d’une entreprise du Caire qui ne pouvait pas traiter un légume local, l’okra (aussi appelé gombo). Pour 5 000 $, deux jeunes ingénieurs ont réussi à résoudre cette impasse.

Renforcer les start-up africaines

Hatoumata Magassa met en réseau quatre incubateurs africains (photo : F.Dubessy)

Hatoumata Magassa met en réseau quatre incubateurs africains (photo : F.Dubessy)

Shadi Atshan a co-fondé en 2017 un accélérateur pour les entreprises sociales (SEA) en Palestine. Il accueille une quarantaine de start-up et deux incubateurs. En 2018, il s’internationalise avec quatre projets en Jordanie. « Le marché étant limité, ces start-up intéressent peu les investisseurs. Nous les aidons donc aussi à lever des fonds« , explique Shadi Atshan. Hatoumata Magassa intervient elle pour « contribuer au développement économique durable, inclusif et numérique au Maroc, au Burkina-Faso, au Sénégal et au Ghana. » Coordinatrice d’AFIDBA (AFD for inclusive and digital business in Africa)- Bond’Innov (Bondy en France), elle s’occupe de ce projet financé par l’Agence France Développement (AFD) à hauteur de 2 M€ pour accompagner soixante start-up à fort impact social et un dispositif de financement alloué de 500 000 €.

« Nous structurons et renforçons un réseau d’incubateurs dans nos quatre pays d’intervention pour renforcer les start-up africaines« , commente Hatoumata Magassa.

Natalia Resimont coordonne elle le projet « Femmes du monde » de l’ONG française « Quartiers du monde », un réseau d’entrepreneures solidaires présentes au Burkina-Fasso, à Madagascar, au Maroc, au Mali et au Sénégal. « Nous créons des outils pédagogiques pour intégrer la perspective du genre. Sans elle, l’économie sociale et solidaire ne déconstruit pas les inégalités entre les genres et elle ignore en plus une série de modèles et de structures qui maintiennent, actualisent et reproduisent le système patriarcal : la division sexuelle de la gouvernance du travail, les violences faites aux femmes, les masculinités hégémoniques…« , précise-t-elle. L’ONG a publié un guide en Espagnol et en Français (et bientôt en Arabe et en Anglais), fruit de cinq ans de travail sur la question.

Créer des sociétés civiles collaboratives

« Pour mener de véritables initiatives économiques, ces femmes doivent d’abord se reconstruire. Nous intégrons cela dans notre accompagnement« , indique Natalia Resimont. Par exemple, « Femmes du monde » a créé un incubateur dans une petite commune du Mali plutôt que dans une grande ville, pour répondre au problème de mobilité des femmes.

Au Liban, Natalia Menhall de Beyond RD, un groupe d’activistes pour le développement de l’entreprenariat social, milite pour « mettre en place des systèmes de gouvernance inclusifs et inspirer des solutions politiques innovantes. » Avec comme objectif, de « créer des sociétés civiles collaboratives et des partenariats centrés sur l’humain conformément aux priorités, en mettant en place des opportunités d’apprentissage pour les personnes, les institutions et les communautés. »

Selon elle, « même si le concept est nouveau, le phénomène est déjà présent dans la région Mena grâce à une culture existante de solidarité et de conscience sociale.« 

Une fabrique à initiatives

Sihle Tshabalala et Natalia Menhall s'investissent, chacun à leur façon, dans l'élimination des obstacles au développement social (photo : F.Dubessy)

Sihle Tshabalala et Natalia Menhall s’investissent, chacun à leur façon, dans l’élimination des obstacles au développement social (photo : F.Dubessy)

« Au lieu d’attendre que les changements viennent à nous, nous avons décidé d’avoir un rôle actif« , insiste Natalia Menhall. « L’entreprenariat social est un outil qui se présente au citoyen pour proposer des solutions pouvant se généraliser« , précise-t-elle en constatant qu’après une étude dans sept pays de la région Mena, « les obstacles au développement de l’entreprenariat demeurent très proches. Soit les outils n’existent pas, soit ils ne sont pas adaptés ou concentrés dans les régions urbaines. » Beyond développe un programme de master en entreprenariat social. « Dans certains pays, les banquiers doivent passer du profit purement économique au profit aussi social« , souligne-t-elle.

Sihle Tshabalala s’intéresse à la jeunesse désavantagée née dans les township d’Afrique du Sud. Il la connaît bien pour en être issu. Durant un séjour en prison, il s’intéresse au codage informatique puis adapte une méthode d’apprentissage destinée aux universitaires pour l’enseigner à cette population illettrée et former des codeurs.

Directeur d’Inter-Made, un incubateur social dédié aux projets à impact social et environnemental basé à Marseille depuis dix-sept ans, Cédric Hamon offre des compétences, de la formation et de la mise en réseau aux start-upper. « Nous disposons également d’une fabrique à initiatives car tous les besoins sociaux ne trouvent pas de start-up pour les résoudre« , indique-t-il alors qu’il prend pied sur l’autre rive de la Méditerranée, en Tunisie. Cédric Hamon commercialise même une offre de formation sur la résolution des besoins sociétaux par l’entreprenariat. « L’obstacle c’est que vous vendez des solutions à des personnes qui n’ont pas compris qu’il y avait un problème… Donc vous créer chez eux un autre problème« , reconnaît-il tout en précisant, « Nous ne manquons pas de fonds, nous ne manquons pas de projets, nous manquons de projets financés. » Reste, comme l’indique Constantin Tsakas, qu' »un projet social demeure difficile à vendre.« 

L’Instagram des déchets

Constantin Tsakas, organisateur et animateur de cet atelier, a conscience de la difficulté à vendre l'entreprenariat social (photo : F.Dubessy)

Constantin Tsakas, organisateur et animateur de cet atelier, a conscience de la difficulté à vendre l’entreprenariat social (photo : F.Dubessy)

Autre implication sociale, celle de Mouhsin Bour Qaiba. Tout part d’un constat pour le co-fondateur de Clean City : A Casablanca, chaque habitant génère une tonne de déchets non recyclés par an. Ce Marocain créé donc ce qu’il baptise « l’Instagram des déchets » pour faire pression sur les autorités et lance une application pour le tri à la source avec possibilité de commande de sacs de couleurs différentes

Depuis, Clean City a conquis d’autres pays. Son CEO réfléchit désormais à donner des Token (cryptomonnaie) aux citoyens qui signalent par des photos publiées sur son site des problèmes au lieu de points permettant des réductions sur des achats comme actuellement. « Nous avons désormais 20 000 utilisateurs actifs dans le monde entier et 14 000 réclamations générées. Notre objectif est d’atteindre les 2 millions d’utilisateurs actifs« , ambitionne Mouhsin Bour Qaiba.

« Nous voulions montrer des visages, des hommes et des femmes et insister sur l’aspect ordinaire de leur vie. » Roman-Oliver Foy, président de l’association Friends of the Middle East (France, Liban), présente depuis deux ans des initiatives d’entrepreneurs sociaux dans le monde arabe à travers des conférences-débats.

Prochainement, il lancera des vidéos de dix minutes sur ces expériences avec toujours l’objectif d’inspirer les entrepreneurs potentiels au Sud et au Nord et de sensibiliser les décideurs politiques tout en favorisant la diffusion des innovations. « Les décideurs politiques doivent voir ce qu’est un entrepreneur social et solidaire« , insiste-t-il.

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Voir aussi l’article et le reportage vidéo d’ECOMNEWSMED sur l’atelier : 

Atelier : A la découverte des « Social Change Makers » en Méditerranée et en Afrique, 20 Novembre, Marseille

C’est parti pour l’ouverture officielle des inscriptions à Emerging Valley 2018 qui se déroulera les 20 et 21 novembre à Marseille (au Palais du Pharo et à thecamp) !   

 

Atelier IM-FEMISE: A la découverte des « Social Change Makers » en Méditerranée et en Afrique

FEMISE et l’Institut de la Méditerranée (IM) sont ravis de s’associer à ce grand évenement pour organiser l’atelier A la découverte des « Social Change Makers » en Méditerranée et en Afrique (20 novembre 2018 à 15h00). L’entrepreneuriat social se réfère à la pratique qui combine innovation, dynamisme et la possibilité de relever d’importants défis sociaux et environnementaux. Le soutien des Etats et des multinationales à travers le monde a été très encourageant pour ce modèle d’activité social innovant. Un réel potentiel, encore faiblement exploité, existe aussi dans le cadre de la coopération entre l’UE et l’Afrique et notamment avec les pays Méditerranéens de la Rive Sud.

Les entrepreneurs sociaux mobilisés par FEMISE et l’IM présenteront des initiatives innovantes, capables de relever d’importants défis sociaux et environnementaux en Egypte, Palestine, Maroc, Afrique du Sud, Liban, en région MENA et en France. La Concept Note de l’Atelier est disponible en cliquant ici.

Inscrivez-vous !

Découvrez certains de nos Panelistes à l’Atelier IM-FEMISE en cliquant sur leur fiche

Emerging Valley 2018

Placé sous le Haut Patronage du Président de la République Emmanuel MACRON et premier évènement  labellisé Digital Africa, EMERGING Valley réunit cette année

·         Plus de 100 Startups, incubateurs et investisseurs venus de 20+ pays africains se réuniront dans la deuxième ville de France pour connecter l’innovation africaine et européenne : Sénégal, Bénin, Afrique du Sud, Kenya, Nigeria, Côte d’Ivoire, Maroc, Egypte,

·         La venue de délégations pays (Brésil,Tunisie) venus trouver partenaires, clients, structures d’accompagnement pour créer de la valeur autour de l’Afrique à Marseille

·         Des dizaines de keynotes, sessions plénières, workshops pour découvrir et faire du business avec les champions de l’innovation africaine dans deux lieux exceptionnels : Le Palais du Pharo et thecamp

·         Du business et du réseautage avec des investisseurs, VC et Angels venus d’Europe, d’Afrique et de la Méditerranée

·         Un programme d’accélération en simultané durant le sommet avec le Social and Inclusive Business Camp de l’AFD autour de l’impact social et le financement

·         Le lancement en exclusivité de la plateforme Digital Africa le 21 novembre à thecamp, un dispositif de soutien aux start-ups africaines lancée par le Président de la République Emmanuel MACRON pour soutenir la dynamique entrepreneuriale sur le continent africain à travers le digital

Venez les rencontrer en vous inscrivant sur ce lien 

* La contribution financière de l’IM et de FEMISE envers cette conférence est faite dans le cadre du Contrat FEMISE-UE sur: : « Support to Economic Research, studies and dialogues of the Euro-Mediterranean Partnership  » . Tous les points de vue exprimés lors de cet événement relèvent de la seule responsabilité des intervenants.

L’Entrepreneuriat Social comme moyen de soutenir la croissance et l’emploi dans les pays MED

Un modèle de croissance complet et durable, qui crée des emplois et favorise l’inclusion sociale, voilà ce dont ont besoin les pays de la rive Sud de la Méditerranée. Cependant, malgré les efforts dans chaque pays, le chômage et les inégalités de tout type restent élevés, ce qui souligne la nécessité de nouvelles approches. À cet égard, l’Entrepreneuriat Social (ES)[1] peut offrir des perspectives significatives et peut aider à aborder les problèmes endémiques des pays MED car il: i. inclut tous les groupes et a un excellent potentiel de création d’emplois, ii. est basé sur le développement régional, iii. aborde le manque de diversification; iv. offre des réponses de solidarité intergénérationnelles.

Aspirant à contribuer à ôter les obstacles au développement des entreprises sociales et à soutenir les entrepreneurs sociaux, FEMISE a entrepris un effort ambitieux pour relier les acteurs de l’Entrepreneuriat Social (SE) dans la région Euro-Med. Ces efforts ont été initiés lors de la préparation du rapport FEMISE financé par la BEI en 2014, rapport qui portait sur l’entrepreneuriat social au Maghreb, et continuent avec le rapport EuroMed FEMISE 2018 qui portera sur le développement du secteur privé (à paraître). Ces efforts ont posé les bases d’une stratégie pluriannuelle sans précédent pour l’émergence d’écosystèmes ES qui associent les communautés de coopération UE-MED avec les principaux acteurs d’impact social et de soutien à l’entrepreneuriat.

Au préalable de la publication de son rapport EuroMed 2018, FEMISE a interviewé certains de ses principaux acteurs partenaires pour obtenir leurs propositions d’idées préliminaires sur les actions qu’ils considèrent comme prioritaires pour une meilleure coopération entre les structures d’entrepreneuriat social, pour mieux connaître les bonnes pratiques internationales qui pourraient être transposables dans le contexte Sud-Méditerranéen et pour avoir un aperçu des initiatives de leurs structures respectives dans la promotion de l’inclusivité et de l’utilité sociale. Voici quelques extraits d’interviews avec trois acteurs clés de l’entrepreneuriat social en UE-MED.

Thomas Vailleux est un entrepreneur social français basé entre Paris, Lyon et Beyrouth. Il a initié et co-fondé Friends of the Middle East  une entreprise sociale favorisant la compréhension des habitants issus du Moyen-Orient. Avec une équipe libanaise, il écrit et co-réalise « Changemakers in the Arab World », un film documentaire sur les entrepreneurs sociaux du Maghreb et du Moyen-Orient. Avec MakeSense, il a récemment conçu un programme d’accélération de trois semaines dédié au prototypage de 10 solutions portées entrepreneurs sociaux libanais.

Thomas Vailleux: Les pays sud-méditerranéens ne sont pas tous égaux devant la volonté de leurs dirigeants politiques et le développement de l’entrepreneuriat social. Néanmoins, il me paraît capital de faire du partage régional des bonnes pratiques, des retours d’expérience, des réseaux et des savoirs un modus operandi, une méthodologie de travail collaborative qui incarne les valeurs portées par le secteur. Il s’agirait alors de mettre en place une plateforme de collaboration régionale pour favoriser l’échange et renforcer la coopération entre acteurs partageant des intérêts communs, notamment en vue d’une ouverture au marché régional (par partenariats, par exportations, par implantation régionale, etc.). Cette plateforme peut prendre la forme d’une plateforme web et d’un calendrier de rencontres régionales ciblant des objectifs déjà identifiés comme étant clés par des acteurs comme le think tank libanais régional Beyond Reform & Development.

A l’échelle des structures d’accompagnement, des méthodologies innovantes et efficaces ont été inventées ou réinventées pour outiller les entrepreneurs sociaux et professionnaliser la démarche si spécifique et duale d’un entrepreneur social (social vs business). Ces méthodologies sont portées par des structures d’accompagnement à forte croissance, coopérant avec les domaines publics et privés, comme MakeSense à l’international ou Ticket for Change en France dont les fondateurs ont d’ailleurs été récompensés à de multiples reprises. Par ailleurs, la mise en place de dispositifs législatifs facilitant la création d’une entreprise sociale et réduisant les taxes pesant sur le porteur de projet en raison du caractère social de l’entreprise, en Italie et en France par exemple, semblent être indispensables au changement d’échelle du secteur. Enfin, dans les pays pionniers du secteur, raconter les histoires des solutions et des porteurs de projet s’est vite imposé comme un moyen de fédérer des communautés de « changemakers » partageant une vision commune du monde pour les mettre en action.

Friends of the Middle East est une association basée à Paris et Beyrouth dont l’un des objectifs est des de partager un autre visage de la région à travers les histoires du vécu de ses citoyens, notamment entrepreneurs sociaux. A travers notre projet de film documentaire (« Changemakers in the Arab World »), nous favorisons l’inclusion des publics marginalisés en les représentant dans notre film. Nos partenariats avec des ONGs et des fondations locales et régionales permettront à des jeunes de zones marginalisées d’être sensibilisés avec pour but de les éloigner de la violence et des extrémismes pour les rapprocher du « faire-ensemble ». Notre programme de « projections-action ! » dans plusieurs pays est d’ailleurs pensé pour engager les spectateurs dès la fin de la projection à travers des ateliers de résolution de problèmes et des mises en relation avec les acteurs de l’écosystème.

Shadi Atshan est un entrepreneur palestinien et cofondateur de Leaders Organization et FastForward Accelerator. Shadi a dirigé un groupe de professionnels talentueux pour établir ce qui est devenu la plus grande organisation de promotion de l’entrepreneuriat en Palestine (Leaders Organization ou Qeiadat). Il a développé le portefeuille d’activités de l’organisation à partir de zéro pour en faire un portefeuille de plus de 10 millions USD en moins de 8 ans. Actuellement Leaders Organization opère en Palestine, en Jordanie et en Belgique. Son travail a contribué à la création de plus de 45 startups technologiques. Aujourd’hui, Leaders Organization accueille le seul parc technologique de la Palestine « eZone », le premier accélérateur de start-ups de Palestine « FastForward », le premier accélérateur d’entreprises sociales de Palestine « SEA » et la Maison Palestinienne à Silicon Valley « PHSV » à San Francisco – USA.

Shadi Atshan: Faciliter le développement de la structure de l’entrepreneuriat social dans son ensemble, et plus particulièrement dans les pays du sud de la Méditerranée, devrait être une priorité sur trois niveaux, commencant d’un sens plus large et allant vers des stratégies micro-niveau. Une stratégie plus élargie devrait être conçue pour induire l’idée de responsabilité sociale et créer des bénéfices à travers l’activité de start-ups rentables dans toute la région. Une fois cette stratégie intégrée, des ateliers et des conférences devraient être introduits dans chaque pays, pour créer et cibler les lacunes sociales déjà existantes dans l’économie et créer des solutions rentables. Enfin, les incubateurs, les accélérateurs et les associations liées à l’entreprenariat, devraient intégrer des programmes sur mesure visant en particulier les programmes d’entreprenariat social et offrant la formation et le mentorat nécessaires pour inciter à la création de start-ups réussies.

Deux bonnes pratiques internationales que l’on retrouve directement dans les initiatives d’entrepreneuriat social, et qui débouchent sur la création de nouvelles entreprises dans la région Sud-Med, sont le recyclage et la transition vers l’énergie solaire. Ces bonnes pratiques garantissent une efficacité accrue, un coût plus faible et une plus grande durabilité à long terme pour la région dans son ensemble. Qui plus est, elles encouragent les jeunes entrepreneurs à créer de nouvelles start-up axées sur le progrès social. Afin de faciliter un tel environnement de durabilité et de pensée créative, certains programmes et aspects doivent être introduits. Le premier concerne des programmes de recherche et de développement pour encourager les entrepreneurs à créer des idées novatrices et de nouveaux produits. Le deuxième est un réseau d’experts internationaux sur le terrain, pour aider les start-ups à recevoir le mentorat et le conseil dont elles ont besoin et pour qu’elles puissent passer au niveau supérieur. Enfin, l’introduction d’un réseau de business-Angels dans la région pour investir dans les entrepreneurs, notamment dans des start-ups d’initiative sociale afin de leur permettre de développer et de créer des avantages à long terme.

L’inclusion sociale et l’utilité sociale font partie des principales initiatives de Leaders Organisation, et par conséquent, l’un des programmes qu’entreprend l’organisation est celui de l’Accélérateur d’Entreprises Sociales (SEA). Le concept a émergé suite au manque de soutien aux entreprises sociales, l’accélérateur etant censé trouver des solutions durables pour ce problème. L’accent a été particulièrement mis pour viser les femmes et les jeunes, avec l’ambition et le potentiel de créer des entreprises sociales durables qui auront un impact sur leurs communautés qui bénéficient d’un programme de soutien innovant et étendu. Ce projet va encore plus loin dans la promotion de l’engagement, les femmes et les jeunes issus de communautés marginalisées ayant des problèmes potentiels d’identité (dans la société, la politique, l’économie et l’environnement) développent leurs propres entreprises sociales et reçoivent un soutien. Le programme a offert une formation à plus de 150 entrepreneurs âgés de 22 à 30 ans, et a accueilli et soutenu 7 start-ups, avec un taux de participation de 42% chez les femmes.

Patrizia Bussi coordonne le réseau européen des entreprises sociales d’insertion(ENSIE) basé à Bruxelles, représentant les entreprises sociales et en particulier plus de 2500 entreprises sociales d’insertion par l’activité économique en Europe (27 membres dans 19 États membres de l’UE, Suisse et Serbie). ENSIE vise à contribuer au développement durable grâce à différentes actions telles que la création de liens entre le marché du travail et l’inclsuion sociale des groupes défavorisés en améliorant leurs opportunités d’emploi et leur productivité. Au cours de son temps à ENSIE, Patrizia a également travaillé pour deux entreprises italiennes d’économie sociale: le Consorcio Sociale Abele Lavoro et la coopérative sociale de type-A Stranaidea. Elle a été membre du groupe consultatif multipartite sur les affaires sociales (GECES), membre du sous-groupe de mesure d’impact social du GECES et membre du groupe italien GECES, Gruppo Multilaterale sull’imprenditoria sociale. Elle participe actuellement au GECES en tant qu’observateur. Depuis 2014, elle représente ENSIE dans le dialogue structuré avec le groupe d’experts des Fonds structurels et d’investissement européens (ESIF SD).

Patrizia Bussi: Je pense qu’il est nécessaire, dans chaque pays de la Méditerranée du Sud, de rechercher les structures de l’entrepreneuriat social et de l’économie sociale déjà existantes, les aidant à travailler ensemble afin qu’elles puissent être visibles et reconnues au niveau national et pour qu’elles puissent coopérer pour libérer les potentiels inexploités de leurs territoires. À la suite de ces étapes importantes, une coopération progressive doit être construite entre l’ensemble des structures au sud de la Méditerranée.

L’identification de bonnes pratiques internationales susceptibles d’être transposables n’est pas une tâche simple. Certaines pratiques ont déjà montré leur succès, comme le programme Incorpora au Maroc, ou certaines activités ayant un impact social en Tunisie, lancées par le groupe français SOS. Ces expériences confirment l’importance de la prise en compte des réalités territoriales (économiques, sociales, historiques, culturelles) et d’adapter les bonnes pratiques internationales à ces réalités.

ENSIE représente, soutient et développe en Europe des réseaux et des fédérations d’Entreprises sociales d’insertion par l’activité économique (Work Integration Social Enterprises-WISEs): des outils efficaces pour l’accès à la réinsertion sociale et professionnelle sur le marché du travail et pour l’inclusion sociale de groupes vulnérables. L’étude «Impact WISEs» de 2016 a examiné le cas de 807 WISE, présentes dans 9 pays de l’Union européenne et incluant 12 954 travailleurs défavorisés. L’étude a révélé que 48,5% des travailleurs défavorisés ont pu trouver un emploi dans la même entreprise, dans une autre WISE ou sur le marché du travail classique, tandis que 16,5% sont devenus des entrepreneurs autonomes ou ont trouvé une formation professionnelle qualifiante.

 

Les multiples entretiens réalisés par FEMISE ont montré la nécessité de soutenir le développement d’une politique habilitante et d’un environnement réglementaire pour l’entreprenariat social dans les pays MED. Ils ont également souligné qu’il est essentiel de sensibiliser et d’accroitre la capacité des acteurs de l’écosystème pour soutenir la croissance des entreprises sociales qui contribuent à la création de valeur et à la création d’emplois dans les pays MED. Ils ont également souligné l’importance de la communication et du partage de meilleures pratiques.

Sur la base de ces observations, FEMISE a mobilisé sa communauté scientifique pour son rapport 2018 qui portera sur le développement du secteur privé et qui comprendra un chapitre sur le potentiel de l’entrepreneuriat social dans les pays méditerranéens. Le chapitre se focalisera sur la panoplie d’outils (notamment financiers) pour soutenir et développer l’entrepreneuriat social dans cette région et présentera des actions potentielles au niveau EU-MED qui pourraient soutenir et développer l’ES. Le rapport devrait être disponible au dernier trimestre 2018.

Article par Constantin Tsakas

[1] Pour un panorama de l’Entrepreneuriat Social dans certains pays MED, veuillez lire le rapport FEMISE-BEI (2014) « Économie Sociale et Solidaire: Vecteur d’inclusivité et de création d’emplois dans les pays partenaires méditerranéens? » disponible ici.