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Trop chères et mal ciblées, les subventions égyptiennes à la nourriture sont peu efficaces

Réflexions méditerranéennes

Après des décennies de stabilité ou de baisse, la tendance des prix des denrées alimentaires est à la hausse avec un pic entre 2006 et 2008 qui a généré de lourds problèmes dans de nombreux pays. Une étude réalisée sous l’égide du Femise, montre les limites des dispositifs de subventions existants en Egypte, et leur nécessaire réforme pour en réduire les coûts et mieux cibler les ménages les plus pauvres.

Avril 2008, des émeutes de la faim éclatent dans plusieurs pays du monde. A Haïti, au Burkina Faso, en Mauritanie ou encore en Egypte, les populations les plus pauvres manifestent, souvent violemment, contre la hausse des prix alimentaires. Entre 2006 et mi 2008, les prix ont flambé : 80% de hausse sur les produits laitiers et 42% sur les céréales pour la seule année 2007). En Egypte par  exemple, les dépenses de base des ménages ont augmenté de 50% entre janvier et avril 2008 (selon le Programme alimentaire mondial). Pour les plus bas revenus, la situation devenait insupportable.

Pourtant l’Egypte a décidé depuis déjà de nombreuses années de subventionner plusieurs produits et services. Alors que le pays importe au moins la moitié de sa consommation et que la nourriture représente plus de 15% de toutes ses importations, le gouvernement a instauré une subvention universelle pour le pain « baladi », sans restriction de quotas, et des cartes de rationnement mensuel destinées à certains foyers éligibles.

Des aides coûteuses

Mais les problèmes de 2008, dus à la conjugaison de plusieurs facteurs, structurels et conjoncturels  – pétrole cher, hausse de la consommation de viande en Asie, réorientation de parcelles vers la production de biocarburants, climat déréglé et spéculations – ont permis de mettre en évidence les limites de ces dispositifs d’aide.

Pour les chercheurs du Center for Social and Economic Research (CASE) et du Centre Egyptien pour les études économiques (ECES), dans une étude réalisée sous l’égide du Femise (FEM33-14) le dispositif égyptien est non seulement très coûteux mais aussi très peu efficace pour les populations les plus pauvres. Ainsi la hausse des prix des produits alimentaires de 2006-2008 a presque doublé le budget des subventions qui est passé de 1,3% du PIB en 2006-2007 à 2,1% du PIB en 2008-2009. Une situation intenable si les prix alimentaires restent élevés. En outre, faute de bien cibler les subventions alimentaires, la majorité des aides actuelles va aux foyers relativement riches et entre un quart et un tiers des populations pauvres n’en bénéficient pas.

Transferts directs plutôt que subventions

D’où l’idée de trouver de nouvelles réponses politiques en analysant les répercussions de telle ou telle mesure. Selon les projections des chercheurs, la baisse ou la suppression des droits de douane semble pouvoir améliorer légèrement la situation des plus pauvres. Mais le plus important pour eux est de réformer le système actuel des subventions en les remplaçant par des transferts d’argent aux ménages les plus pauvres. Ils suggèrent aussi d’instaurer un  soutien direct aux agriculteurs afin de permettre à ces derniers de mieux gérer les fluctuations mondiales des prix des denrées alimentaires. Les idées sont là, mais la réforme ne semble pas encore à l’ordre du jour.

Les investisseurs internationaux ont tendance à privilégier les territoires dans lesquels l’investissement local est déjà élevé, montre une étude du Femise. Or dans les pays du Sud de la Méditerranée, l’investissement intérieur reste faible. L’explication est à chercher du côté de la qualité institutionnelle.

Dans les pays du Sud de la Méditerrané les investissements directs étrangers (IDE) restent faibles. Pour l’expliquer, des chercheurs de l’université Paris-XII, du Centre d’économie de Paris-Nord (CEPN), du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), du Centre de recherche en économie appliquée au développement (CREAD) à Alger et de la Faculté de sciences économiques et de gestion El Manar à Tunis se sont penchés sur l’articulation des IDE avec l’investissement intérieur privé, dans une étude réalisée sous l’égide du Femise (à paraître).

Les investisseurs internationaux ont tendance à privilégier les territoires dans lesquels l’investissement local est déjà élevé, affirment les chercheurs. S’appuyant sur un modèle économétrique portant sur 68 PED (pays émergents et en développement), ils constatent que la dynamique de l’investissement intérieur exerce « un effet d’entraînement significatif et particulièrement robuste sur les IDE », au même titre que le risque pays et le stock d’IDE existant. Les investisseurs étrangers recherchent en effet le même environnement que celui qui a entraîné les investissements locaux, « celui qui offre des perspectives de croissance et de profit suffisantes ».

La qualité institutionnelle accroit l’investissement domestique

D’où l’idée de privilégier les politiques de stimulation de l’investissement intérieur, qui reste relativement faible dans les pays du Sud de la Méditerranée. Les chercheurs expliquent cette situation par l’influence des facteurs institutionnels. Selon eux, une meilleure qualité institutionnelle engendre plus d’investissement domestique, de croissance et de stabilité économique.

L’étude cite l’exemple de l’Algérie qui, malgré sa rente pétrolière, reste pénalisée dans sa croissance par le retard pris par les réformes des institutions et son « climat des affaires « . A l’inverse, en Tunisie, pays caractérisé par « la stabilité politique et sociale, les performances économiques et l’amélioration de l’environnement des affaires », les IDE représentent 10 % des investissements productifs, génèrent le tiers des exportations et engendrent de 15% des emplois.

« Pour résumer, un pays plus consensuel, ayant une meilleure gouvernance publique, faiblement corrompu, plus ouvert internationalement et ayant des institutions financières développées, sera, toutes choses égales par ailleurs, un pays avec un investissement national élevé », conclue l’étude.

Reste à savoir quelles institutions devraient être aménagées pour favoriser, encore plus, l’investissement domestique dans les pays émergents et en développement. L’étude laisse la question ouverte.

Article de Marie-Pierre Vega, Econostrum. L’article fait partie d’une série d’articles conjoints réalisés dans le cadre d’un partenariat entre Femise et Econostrum pour l’année 2010, qui alimenteront également la rubrique « Réflexion Méditerranéenne » du site d’information Econostrum. Vous pouvez retrouver cette rubrique et toutes les informations à l’adresse suivante : www.econostrum.info. L’inscription à la newsletter d’econostrum est accessible par : http://www.econostrum.info/subscription/