Archives du Tag : Autonomisation des femmes

Egalité des Genres : FEMISE signe la Charte de la Mixité Performante d’Altafemina

FEMISE était invité au Festival Altafemina (26 Novembre, Cinéma EuropaCorp, La Joliette, Marseille, France) et a eu l’honneur de signer la Charte de la Mixité Performante Altafemina. Cette charte valorise les organisations (entreprises, associations, institutions) qui s’engagent et agissent concrètement pour la mixité tant lors de leurs événements que dans leurs instances de gouvernance.

 

Constantin Tsakas (FEMISE, IM) & Samah Ben Dhia (Altafemina)

Après une brève présentation des activités du FEMISE, Dr. Constantin Tsakas (Secrétaire Général du FEMISE, Délégué Général de l’Institut de la Méditerranée) a souligné que la signature de cette charte est une première étape pour sensibiliser davantage les pays du Sud de la Méditerranée à la question de la mixité. Des recherches FEMISE ont démontré que des entreprises gérées par des femmes peuvent même illustrer une productivité du travail plus élevée. Néanmoins, les pays du Sud de la Méditerranée* sont caractérisés par des taux de participation des femmes extrêmement bas. Ce taux est de 29% en moyenne, l’écart avec d’autres régions dans le monde est considérable.

Remerciant Altafemina pour cette honneur, Dr Tsakas a ajouté que la mixité est une force pour FEMISE, l’équipe administrative compte autant d’hommes que de femmes et plus de 70% des jeunes chercheurs « ChangeMakers » FEMISE sont des femmes. Il s’agit avant tout de personnes compétentes et dynamiques, indépendamment de leur genre.

Dr Tsakas a aussi présenté les activités de FEMISE qui contribuent à une culture de mixité et à l’égalité des genres en Méditerranée. Parmi elles, il a souligné le récent partenariat avec Emerging Valley, dans lequel FEMISE mobilisera des jeunes femmes méditerranéennes qui dirigent, accompagnent et/ou financent des projets ayant un impact économique et social considérable dans leurs communautés, sociétés et industries. D’autres activités, notamment des vidéos de sensibilisation dans le cadre d’un partenariat avec Altafemina, sont attendues dans les prochains mois.

Le FEMISE est un Think-Tank, un réseau d’instituts de recherche en économie, qui produit des rapports de recherche à destination des décideurs politiques des deux rives de la Méditerranée. Le réseau mobilise plus de 100 centres universitaires de toute la Méditerranée sur 4 axes thématiques : Intégration Commerciale, Développement du Secteur Privé et Innovation, Sensibilisation aux Questions Environnementales et Développement de nouveaux modèles de croissance inclusifs et durables. Les résultats de ces recherches sont diffusés au moyen de plate-formes qui favorisent le dialogue et les débats politiques entre les parties prenantes, lesquelles sont composées de chercheurs, de la communauté internationale et des décideurs politiques. 

* Algérie, Egypte, Israël, Jordanie, Liban, Maroc, Tunisie, Turquie, Territoires Palestiniens

FEMISE MedBRIEF 21: « Catalyseur pour l’autonomisation des femmes et l’égalité des sexes : le cas de l’Égypte »

Doaa Salman and Mohga Bassim

La série MED BRIEF du FEMISE ambitionne de fournir une réflexion novatrice  pour la région euro-méditerranéenne.

Les Policy Briefs contiennent une analyse succincte et politiquement pertinente sur d’importantes questions EuroMed et présentent aux décideurs politiques les points de vue des chercheurs et des partenaires du réseau FEMISE.

 

 

Le MED BRIEF « Catalyseur pour l’autonomisation des femmes et la promotion de l’égalité des sexes dans les pays du sud de la Méditerranée: le cas de l’Égypte », est disponible ici.

Il est disponible en Arabe ici.

 

Résumé

Ce Policy Brief propose et recommande de nouvelles politiques visant à renforcer, de manière urgente, la quête actuelle d’autonomisation des femmes et de réduction des inégalités dans les pays méditerranéens et plus particulièrement en Égypte. Il cherche à fournir un mélange de politiques qui contribuent également à la réalisation des objectifs du développement durable.

La liste des FEMISE MED BRIEF est disponible ici.

 

Le Policy Brief a été réalisé avec l’aide financière de l’Union européenne dans le cadre du programme FEMISE. Le contenu de ce document relève de la seule responsabilité des auteurs et ne peut en aucun cas être considéré comme reflétant la position de l’Union européenne.

FEMISE MED BRIEF no17 : « Réduire l’écart entre genres: vers des politiques qui favorisent des sociétés méditerranéennes inclusives »

Karine Moukaddem

La série de Policy Briefs du FEMISE intitulée MED BRIEF ambitionne de fournir une réflexion novatrice  pour la région euro-méditerranéenne. Les Policy Briefs contiennent une analyse succincte et politiquement pertinente sur d’importantes questions EuroMed et présentent aux décideurs politiques les points de vue des chercheurs FEMISE et des partenaires du réseau.

Le dernier FEMISE MED BRIEF est intitulé « Réduire l’écart entre les genres: élaborer des politiques qui favorisent des sociétés méditerranéennes inclusives », il est disponible ici (en version anglaise).

Il est disponible en Arabe ici.

 

Résumé: Ce MED Brief présente les conclusions préliminaires d’une évaluation lancée récemment sur les mesures politiques liées aux questions d’autonomisation des femmes dans le sud de la Méditerranée. Afin d’expliquer la persistance de nombreuses disparités entre les sexes, j’examine les raisons de l’inefficacité des politiques nationales en matière d’égalité, en comparant les effets recherchés des mesures juridiques appliquées avec la situation la plus récente en matière de parité hommes-femmes dans les différents pays de la région.
La lutte contre les préjugés inconscients et contre l’inefficacité des politiques passe par l’augmentation de la portée des réussites féminines, le mentorat, la promotion de la collaboration entre les parties prenantes et l’intégration de l’autonomisation des femmes dans des partenariats public-privé.

La liste des FEMISE MED BRIEF est disponible ici.

 

Le Policy Brief a été réalisé avec l’aide financière de l’Union européenne dans le cadre du programme FEMISE. Le contenu de ce document relève de la seule responsabilité des auteurs et ne peut en aucun cas être considéré comme reflétant la position de l’Union européenne.

Med Change Makers e07 : Karine MOUKADDEM, Egalité des sexes et autonomisation des femmes en région MENA

 

FEMISE a récemment lancé sa série d’entretiens «Med Change Makers».

Les «Med Change Makers» sont des entretiens (texte et vidéo) qui permettent aux chercheurs FEMISE dynamiques d’illustrer comment leur recherche aborde une question politiquement pertinente et comment elle contribue au processus d’élaboration des politiques dans la région Euro-Méditerranéenne.

 

Aller vers l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes au Sud-Med et en région MENA

Entretien avec Karine Moukaddem, SciencesPo, Institut de la Méditerranée et FEMISE

Le FEMISE place la question de l’Inclusivité au coeur de sa stratégie de recherche. La question de l’autonomisation des femmes en Méditerranée, et plus généralement en MENA, est d’importance capitale pour aller vers un modèle de développement soutenable et inclusif. 

Auteur d’un MED BRIEF FEMISE à paraître, Karine Moukaddem fournit une évaluation des mesures politiques existantes en matière d’autonomisation des femmes dans la rive sud de la Méditerranée. Elle montre que derrière l’existence d’un «paradoxe méditerranéen» se trouvent des obstacles structurels qu’il est crucial de surmonter. Entretien :

1. Vous parlez du «paradoxe méditerranéen» en décrivant la situation des femmes dans le sud de la Méditerranée. Qu’est-ce que cela implique et quelles sont ses causes profondes?

Le paradoxe méditerranéen est facile à expliquer: d’une part, le niveau d’instruction des femmes s’est considérablement amélioré dans la région et le nombre de filles inscrites dans les écoles et les universités a considérablement augmenté. En revanche, les femmes semblent toujours se battre pour trouver une place sur le marché du travail. Les taux de participation des femmes au marché du travail dans la région restent inférieurs à ceux des autres pays en développement et stagnants. En d’autres termes, il semble que la participation des femmes au marché du travail dans la région sud-méditerranéenne soit limitée par d’autres facteurs que l’accès à l’éducation.

En ce qui concerne les causes profondes du paradoxe, plusieurs obstacles ont été identifiés comme entravant l’inclusion économique des femmes.

Premièrement, l’analyse de la structure du marché du travail dans la région montre que, même si le marché des opportunités d’emploi dans le secteur public se contracte, les opportunités dans le secteur privé formel n’augmentent pas. Par conséquent, l’augmentation du nombre de femmes scolarisées se traduit par une augmentation du chômage féminin ou une baisse de la participation féminine dans les secteurs formels. Deuxièmement, le niveau de participation des femmes au marché du travail semble être influencé par le développement économique et l’amélioration de la législation sur l’égalité des sexes (ou son absence), ainsi que par la propriété étrangère privée de la société et de ses activités exportatrices. D’autres obstacles, tels que le manque de transports en commun sûrs, efficaces et bon marché, empêchent les femmes de se rendre au travail.

Cependant, de telles explications économiques et pratiques n’expliquent pas tout le paradoxe; certains facteurs clés sont culturels. Cet argument indique que les femmes des sociétés conservatrices auraient tendance à participer moins à l’activité économique du pays en raison de l’impact important des normes sociales sur leur dilemme entre le travail à l’extérieur de la maison et le travail de femme au foyer. L’effet négatif considérable des normes sociales traditionnelles se traduirait par plusieurs biais conscients et inconscients qui dissuadent les femmes de choisir une carrière professionnelle.

Pour comprendre la situation complexe des femmes aujourd’hui, tous ces arguments sont importants. La situation est un mélange d’obstacles explicites concrets et implicites psychologiques qui interagissent aux niveaux macro et micro. Les femmes de la région sud-méditerranéenne sont confrontées à des inégalités structurelles auto-renforçant à plusieurs niveaux et profondément enracinées dans le système.

2. a) La situation des femmes dans la région de la Méditerranée du Sud s’est-elle améliorée en termes d’autonomisation économique concrète?

Oui, la situation s’est améliorée dans la région principalement grâce aux progrès de l’éducation et au renforcement des législations. Cependant, les inégalités sont toujours présentes dans la région et l’autonomisation économique concrète semble loin d’être atteinte. La région sud-méditerranéenne semble être en retard sur les questions d’égalité de genre par rapport à d’autres régions et la situation s’améliore plus lentement que dans d’autres régions en développement telles que l’Asie de l’Est et le Pacifique ou l’Amérique latine et les Caraïbes. Selon les estimations du BIT, la participation des femmes à la population active a atteint 59% en Asie de l’Est et dans le Pacifique en 2017, tandis qu’en Amérique latine, ce taux a atteint 51,5%. En ce qui concerne la région MENA (Moyen-Orient et Afrique du Nord), la participation des femmes à la population active est inférieure à la moitié et ne dépasse pas 20,6% en 2017. La région est également en retard en ce qui concerne d’autres indicateurs de la participation économique et politique des femmes.

b) Vous dites que la situation ne s’améliore pas au bon rythme malgré les mesures adoptées, pourquoi?

La réponse est simple. En ce qui concerne l’élaboration des politiques en matière d’égalité des sexes, deux aspects sont essentiels pour comprendre l’inefficacité des mesures disponibles et adoptées: d’un côté, des obstacles entravent la pleine mise en œuvre des mesures. D’autre part, ces mesures ne sont pas exhaustives de la situation des femmes dans la région.

Premièrement, le manque de volonté sociale de changement freine souvent les mesures. En raison des biais inconscients et d’autres canaux implicites et explicites, les initiatives «top-down » sont souvent mal comprises par les habitants, ne sont pas acceptées par la société tout entière et sont considérées comme inadéquates. Les mentalités et les normes sociales ne sont pas ouvertes au changement structurel. Ainsi, malgré les efforts nationaux et internationaux, les locaux trouveront un moyen de dévier ou de prétendre changer la situation sans conséquences réelles pour l’autonomisation.

De plus, les mesures adoptées sont souvent des projets ponctuels non coordonnés et des ajustements législatifs qui ne tiennent pas compte de la situation dans son ensemble. Les symptômes du problème de l’inégalité sont abordés, mais pas les racines. Les mesures manquent souvent de cohérence, de durabilité / durabilité et ne font pas partie d’une approche holistique de la question. Par exemple, il ne suffit pas d’appliquer des quotas, le système lui-même doit œuvrer à la réforme du rôle attribué aux femmes et à la destruction des stéréotypes et des normes structurelles. En outre, il n’existe pas une seule femme de la région sud-méditerranéenne, mais des profils différents, aux besoins différents et confrontés à différents degrés de discrimination. Par exemple, les femmes rurales accumulent des inégalités et les réponses pour les autonomiser /renforcer leurs capacités ne sont pas les mêmes que pour les femmes vivant dans la capitale.

3. Comment l’État peut-il créer les conditions permettant aux femmes de réaliser leur potentiel inexploité?

Pour parvenir à une autonomisation structurelle, l’État pourrait mettre en œuvre des lois exhaustives et l’autonomisation des femmes devrait être une priorité dans les agendas nationaux, pas seulement une aspiration. Des stratégies nationales sont nécessaires pour créer les conditions permettant aux femmes de réaliser leur potentiel dans tous les secteurs de l’économie, de la société et de la politique nationale. La création d’un cadre national souple tenant compte des besoins des femmes dans chaque secteur d’activité et dans chaque contexte permettrait d’institutionnaliser l’autonomisation des femmes. Ces principes conduiraient à un meilleur cadre pour les réformes législatives, en particulier dans des domaines tels que le droit de la famille, et à une modification des programmes d’enseignement afin de soutenir le changement social.

Toutefois, pour assurer une réelle autonomisation des femmes, l’État devrait coordonner son action avec les autres parties prenantes de l’écosystème. En mettant l’accent sur l’éducation des enfants, une action coordonnée pourrait contribuer à changer le rôle perçu des femmes dans la société, en particulier puisque les préjugés commencent à se développer à un très jeune âge (environ 3 à 5 ans). Pour rendre le message plus cohérent et légitime, l’État devrait collaborer avec les dirigeants locaux, tels que les chefs religieux et d’autres personnes influentes, afin d’inciter à imiter les bonnes pratiques et d’étendre l’influence des mesures adoptées. Cependant, travailler avec l’ensemble de l’écosystème ne signifie pas travailler à améliorer l’image des femmes aux dépens des hommes. Cela signifie inclure les hommes dans le débat et les sensibiliser aux avantages de l’égalité des sexes pour l’ensemble de la société.

4. De quelles manières le secteur privé peut-il apporter des solutions pour améliorer la manière dont nous investissons dans les femmes?

Au-delà de la compréhension des externalités économiques positives de l’égalité de genre, le secteur privé pourrait contribuer à améliorer l’élaboration des politiques en établissant des partenariats public-privé dans plusieurs domaines liés à l’autonomisation des femmes, tels que le secteur numérique, en formant les femmes au codage et en investissant dans la formation professionnelle, les zones rurales et la collecte de données.

De plus, pour assurer l’autonomisation économique des femmes, les entreprises pourraient offrir des environnements de travail alternatifs et flexibles qui tiennent compte des perceptions modernes du partage des responsabilités au sein du ménage. Cela pourrait signifier la possibilité d’offrir aux hommes et aux femmes la possibilité de travailler à domicile 1 jour par semaine ou un congé de paternité payé en plus du congé de maternité ou la possibilité d’amener les enfants au bureau 2 jours par semaine, etc… En matière de politique, les entreprises pourraient également intégrer les principes d’égalité des sexes dans leur fonctionnement interne en fixant un quota favorisant la parité dans leurs conseils d’administration.

De plus, les entreprises peuvent avoir un impact sur les stéréotypes et les normes sociales grâce aux stratégies de marketing et aux publicités. Si le message des annonces dépend de plus en plus des principes d’égalité des sexes, les stigmates pourraient diminuer considérablement.

5. Vous parlez de modèle exemplaire et de mentorat. Comment peuvent-ils contribuer à l’autonomisation des femmes?

C’est un point vraiment important. Le système de modèles et le mentorat est essentiel pour susciter le changement social non seulement en responsabilisant les jeunes femmes et en augmentant leur estime de soi et leur confiance en soi, mais aussi en montrant aux hommes le potentiel des femmes et en permettant aux jeunes hommes de s’habituer à l’égalité des chances.

À plus petite échelle, le mentorat peut prendre la forme de petites initiatives locales travaillant avec les femmes pour améliorer leur estime de soi ou explorer toutes les options professionnelles potentielles qui s’offrent à elles. C’est le cas des portraitistes et des mentors qui souhaitent aider les femmes à devenir plus indépendantes et plus fortes.

À plus grande échelle, des initiatives telles que la création d’une chaîne de télévision mettant en vedette des femmes de la région ou le lancement d’un comité régional pour l’égalité des sexes, regroupant des femmes influentes de différents horizons, pourraient contribuer à accroître la visibilité des exemples de réussite. Cela permettrait aux jeunes femmes de s’identifier à ces femmes et de s’épanouir pour réaliser leur potentiel inexploité. Ceci est dû à un aspect crucial du système de modèle exemplaire, il aide les femmes non seulement à explorer leurs options en termes d’objectifs mais également en termes de moyens et de voies pour les atteindre.

Les normes sociales peuvent être changées et la création d’un cercle vertueux pour l’autonomisation des femmes, au sein de l’écosystème lui-même, basée sur le modèle exemplaire, la solidarité et le mentorat peut être une étape précieuse pour y parvenir.

 

Propos recueillis par Constantin Tsakas

This activity received financial support from the European Union through the FEMISE project on “Support to Economic Research, studies and dialogues of the Euro-Mediterranean Partnership”. Any views expressed are the sole responsibility of the speakers.

Med Change Makers e05 : Katarzyna SIDLO, Autonomisation des femmes et économie collaborative

 

FEMISE a récemment lancé sa série d’entretiens «Med Change Makers».

Les «Med Change Makers» sont des entretiens (texte et vidéo) qui permettent aux chercheurs FEMISE dynamiques d’illustrer comment leur recherche aborde une question politiquement pertinente et comment elle contribue au processus d’élaboration des politiques dans la région Euro-Méditerranéenne.

 

Stimuler les taux de participation des femmes au marché du travail dans la région MENA. L’économie collaborative peut-elle être utile?

Entretien avec Katarzyna Sidlo, Analyste Politique à CASE, chercheuse FEMISE

Le FEMISE a récemment publié le Policy Brief « Stimuler les taux de participation des femmes au marché du travail dans la région MENA. L’économie collaborative peut-elle être utile? ».

Auteur du MED BRIEF, Dr. Katarzyna Sidlo fait partie des chercheurs FEMISE qui participent activement aux activités du réseau. Son travail évalue le potentiel de l’économie collaborative pour accroître le taux d’activité des femmes dans la région MENA (Moyen-Orient et Afrique du Nord). Plus précisément, il examine les moyens par lesquels l’économie collaborative peut permettre aux femmes qui le souhaitent de rejoindre le marché du travail.

  1. Comment définissez-vous l’économie collaborative ? Pouvez-vous nous donner des exemples de telles initiatives dans différents secteurs ?

L’économie collaborative (ou de partage) fait référence aux modèles commerciaux qui créent un marché ouvert pour l’accès aux biens et aux services grâce à l’utilisation de la technologie moderne. Elle couvre une variété de secteurs, émerge rapidement dans le monde entier et offre de nouvelles opportunités aux citoyens, qui sont en mesure d’obtenir auprès des uns et des autres ce dont ils ont besoin, au lieu de s’adresser à de grandes organisations (du moins c’est la théorie). Parmi les exemples les plus connus d’entreprises d’économie collaborative, citons les applications telles que Uber ou Careem, le site Web d’hébergement entre particuliers Airbnb, les plateformes de crowdsourcing Kickstarter ou Indiegogo ou la place de marché en ligne Etsy. Beaucoup de ces noms sont déjà familiers.

  1. Pensez-vous que l’économie collaborative est une solution envisageable dans les pays de la région MENA, compte tenu des obstacles à l’accès à Internet et de la perception du public ?

Premièrement, selon la Banque mondiale, 59% des habitants de la région MENA sont des utilisateurs d’Internet. L’accès à Internet en tant que tel n’est donc pas un problème partout dans la région, même si, dans de nombreux endroits, le haut débit est coûteux, lent et généralement peu fiable et que dans beaucoup d’autres, en particulier dans les zones urbaines, il n’est tout simplement pas encore disponible facilement. Plus important encore, j’examinerais le problème posé dans la question sous un angle different : la possibilité de tirer parti de ce que l’économie collaborative peut offrir peut être un argument supplémentaire en faveur de l’extension des efforts visant à fournir un accès à Internet à autant de personnes que possible. Si Internet n’est pas disponible dans un village du sud de l’Égypte, il n’y aura pas non plus beaucoup d’offres d’emploi. En fournissant aux habitants d’un tel village un accès à Internet, vous leur donnez également la possibilité d’entrer sur le marché du travail. Par exemple, ils pourraient étudier gratuitement sur l’une des nombreuses plateformes MOOC (Massive Open Online Cours) disponibles – de plus en plus en arabe également – et acquérir des compétences qui leur permettront de trouver un emploi. Ils pourraient aussi donner des cours d’arabe en ligne (une plateforme, NaTakallam, propose de tels cours dispensés par des réfugiés), sans avoir à émigrer et à quitter leurs villages ou même leurs maisons.

Je suis fermement convaincue que même si un petit pourcentage de personnes dans une société donnée utilise cette chance, cela en vaudra la peine. Ainsi, bien que l’économie de partage ne résolve en aucun cas la totalité, ni même la plupart des problèmes liés à la faible participation des femmes (et des hommes) au marché du travail – cela ne serait pas le cas même si pratiquement toutes les personnes de la région avaient accès à un Internet rapide, abordable et fiable – cela pourrait grandement contribuer à atténuer ce problème.

  1. Quels sont les principaux obstacles à la participation des femmes au marché du travail dans la région MENA et comment l’économie collaborative apporte-t-elle des solutions innovantes pour y répondre ?

Les femmes de la région MENA qui souhaitent intégrer le marché du travail se heurtent à de nombreux obstacles, allant des problèmes pratiques (manque d’emplois, déplacements difficiles) aux problèmes de nature socioculturelle (restrictions des activités en dehors de la maison, responsabilités de prise en charge). Le l’économie partagée peut aider à en surmonter un certain nombre. Plus important encore, elle permet aux femmes d’effectuer un travail – et même de créer leur propre entreprise – dans le confort de leur foyer. Grâce à cela, même les femmes qui, pour diverses raisons liées à la famille ou à la culture, ne veulent pas travailler en dehors du foyer, peuvent gagner leur propre revenu (et l’autonomisation économique est un grand pas en avant vers l’autonomisation sociale et politique). Un autre bon exemple est celui des services de voiture de transport avec chauffeur, qui offrent une alternative plus sûre, plus fiable et moins chère (par rapport aux taxis traditionnels) aux transports en commun, défectueux ou carrément inexistants, souvent considérés comme inappropriés pour les femmes non accompagnées. L’Arabie saoudite en est un exemple extrême, où avant la levée de l’interdiction pour les femmes de conduire, celles-ci représentaient 80% des clients d’Uber et 70% des clients de Careem.

  1. L’une des recommandations de l’article était d’améliorer les cadres juridiques dans chaque pays de la région MENA afin de permettre le fonctionnement optimal des entreprises de l’économie de partagée. Quelles mesures concrètes peuvent être mises en œuvre avec succès dans la région dans son ensemble et dans des contextes spécifiques ?

L’un des principaux avantages de l’économie de partage est sa flexibilité. Cependant, cette flexibilité peut souvent aussi signifier un manque de clarté, par exemple en termes de responsabilité, de fiscalité, de protection du consommateur, de licence ou d’assurance. Pensez à des services tels que Uber, Careem ou Lyft : en cas d’accident, quelle assurance devrait couvrir les dommages? Étant donné que les conducteurs utilisent leurs véhicules privés, ils peuvent ne pas posséder une assurance commerciale, mais plutôt une assurance personnelle, ce qui peut conduire les assureurs à refuser la demande. La société propriétaire de la plate-forme sur laquelle les conducteurs sont jumelés avec des clients devrait-elle être responsible ? Les conducteurs, même leurs employés ou clients, utilisent-ils les fonctionnalités de la plate-forme ? La réponse à cette question détermine les réponses à de nombreuses questions ultérieures relatives à la protection sociale (congés de maternité, retraites, assurance maladie, etc.) des prestataires de services collaboratifs. Un autre problème est bien sûr lié à la fiscalité.

Malheureusement, il n’y a pas de réponse facile. L’Union européenne s’interroge par exemple sur la publication de directives au niveau de l’UE, mais la question de savoir si et dans quelle mesure l’économie partagée doit être régulée fait encore l’objet d’un débat animé. La grande question est bien sûr de savoir comment réglementer afin de ne pas sur-réglementer et donc de supprimer la flexibilité qui rend la participation à l’économie partagée si pratique

Dans la région MENA, les pays devraient réfléchir à des solutions qui fonctionnent le mieux dans leurs circonstances spécifiques. Par exemple, un système d’assurance maladie volontaire pourrait être mis en place pour aider les personnes qui gagnent leur revenu dans l’économie collaborative à obtenir une protection sociale (une étude intéressante sur ce sujet concernant la Tunisie et réalisée par Khaled Makhloufi, Mohammad Abu-Zaineh et Bruno Ventelou a été publiée récemment par le FEMISE). En Jordanie, où le gouvernement travaille à une réforme fiscale, la question de l’application de l’impôt sur les sociétés aux plates-formes collaboratives pourrait être examinée.

  1. Quel rôle voyez-vous pour la société civile et les ONG dans l’expansion de l’économie collaborative? Une coopération et des synergies entre différents acteurs / parties prenantes seraient-elles possibles selon vous ?

L’économie collaborative a une dimension à but lucratif et une dimension à but non lucratif. A propos de la participation croissante des femmes au marché du travail dans la région MENA et du rôle des OSC et des ONG, nous devrions probablement nous concentrer sur ces dernières. Le spectre des possibilités est vraiment large. Les deux types d’organisations pourraient par exemple aider les femmes à organiser leurs propres programmes de covoiturage, en s’entraidant pour se rendre au travail de manière pratique et quotidiennement. Elles pourraient créer des espaces de travail collaboratifs, où les femmes entrepreneurs pourraient créer et gérer leurs entreprises dans un environnement convivial, sûr et inspirant. Elles pourraient créer des cours en ligne en dialectes arabes locaux, fournir une formation gratuite aux femmes qui envisagent de créer leur propre entreprise, ou qui travaillent à la traduction en arabe de cours déjà disponibles sur diverses plates-formes MOOC et qui fournissent des connaissances et des compétences facilitant la recherche d’emploi. Tout cela – et bien plus encore – peut bien entendu être réalisé en collaboration entre différentes parties prenantes. Après tout, c’est ce qu’est l’économie collaborative.

Le MED BRIEF est disponible au téléchargement en cliquant ici.

Propos recueillis par Constantin Tsakas

This activity received financial support from the European Union through the FEMISE project on “Support to Economic Research, studies and dialogues of the Euro-Mediterranean Partnership”. Any views expressed are the sole responsibility of the speakers.

FEMISE MED BRIEF no8 : Les femmes dans le marché du travail en MENA. L’économie collaborative peut-elle être utile?

La série de Policy Briefs du FEMISE intitulée MED BRIEF ambitionne de fournir une réflexion novatrice  pour la région euro-méditerranéenne. Les Policy Briefs contiennent une analyse succincte et politiquement pertinente sur d’importantes questions EuroMed et présentent aux décideurs politiques les points de vue des chercheurs FEMISE et des partenaires du réseau.

Le huitième numéro de MED BRIEF « Stimuler les taux de participation des femmes au marché du travail dans la région MENA. L’économie collaborative peut-elle être utile? » est disponible (en GB) en cliquant ici.

Dr. Katarzyna Sidło, CASE (Center for Social and Economic Research), FEMISE

Ce Policy Brief évalue le potentiel de l’économie collaborative pour accroître la participation des femmes dans le marché du travail dans la région MENA (Moyen-Orient et Afrique du Nord). Plus précisément, il examine les façons dont l’économie collaborative peut permettre aux femmes qui le souhaitent de rejoindre le marché du travail, mais qui pour diverses raisons pratiques (manque d’emploi, déplacements difficiles), sociétales (restrictions sur les activités à l’extérieur du foyer), ou pour des raisons familiales (responsabilités familiales) ont été incapables de le faire.

Egalement disponible en Arabe en cliquant ici.

La liste des FEMISE MED BRIEF est disponible ici.

Le Policy Brief a été réalisé avec l’aide financière de l’Union européenne dans le cadre du programme FEMISE. Le contenu de ce document relève de la seule responsabilité des auteurs et ne peut en aucun cas être considéré comme reflétant la position de l’Union européenne.