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La crise financière affecte l’économie réelle des pays Méditerranéens

Samy MouleyCrise financière internationale et printemps arabe, comment les pays Méditerranéens ont-ils été touchés par ces deux phénomènes simultanés ? Le Femise vient de publier une étude au terme d’une enquête de conjoncture menée auprès des PME et PMI en Algérie, Tunisie et Maroc. Diagnostic comparé et préconisations…

À la différence des économies occidentales, la crise financière internationale a eu davantage d’effets sur les économies réelles du Maghreb que sur le système financier à proprement parler.

Cela s’est traduit de façon contrastée selon les pays par un ralentissement du commerce international, un impact sur les transferts de revenus, une perte des réserves de change, un déficit de la balance des paiements et une augmentation de la dette publique.

« La crise a entraîné des difficultés d’accès aux financements bancaires et aux marchés boursiers. Les crédits ne représentent pas plus de 19% des sources de financement des PME et PMI. Les entreprises ont recours pour 51% à leur propre capacité d’autofinancement et le marché boursier atteint péniblement 2% ! Le pays le plus touché a été la Tunisie avec de fortes tensions inflationnistes. L’indice des prix à la consommation a grimpé de 2,2 points en un an. En revanche, la dynamique économique au Maroc a été soutenue à la faveur de la diminution des collatéraux exigibles (garanties hypothécaires). Les trois pays subissent de plein fouet les conséquences de la crise de la zone euro », souligne Sami Mouley Professeur de finance internationale à l’université de Tunis et coordonnateur du rapport de recherche Femise (FEM34-09, disponible sur le site du FEMISE).

Impact sur l’industrie textile et mécanique

Intitulé « Perspectives économiques des pays méditerranéens dans la post crise financière globale : Enquête de conjoncture auprès des PME-PMI en Tunisie et diagnostics comparés Algérie – Maroc », le rapport du Femise rappelle que les PME-PMI de la zone représentent 95% du tissu économique des entreprises. Avec l’octroi de crédits conditionnés à des garanties hypothécaires et non sur la rentabilité des projets, les entreprises, faute de crédit, ont dû renoncer à leurs investissements, freinant la croissance.

« Nous avons mené une enquête de terrain par secteur d’activité. Paradoxalement, il s’avère que les secteurs les plus touchés par la crise sont ceux régis par le démantèlement tarifaire avec l’Union européenne comme par exemple les industries manufacturières », souligne encore le professeur Mouley. La période post-crise a eu un impact significatif sur l’industrie textile et mécanique.

En Algérie, le climat de post crise financière a induit le développement de pratiques anticoncurrentielles rattachées à la corruption, en particulier dans l’octroi de licences et brevets. L’avenir ? Sami Mouley estime que de nouvelles modalités opérationnelles de coopération Euromed doivent se mettre en place, dépassant le dispositif de l’Union pour la Méditerranée.

Les mécanismes de gestion anticipée de crise, à définir pour les pays de la zone euro, devraient être étendus aux pays méditerranéens. « Il faudrait réfléchir à introduire un régime de change commun entre l’euro et ces trois pays, avec des mécanismes de viabilité des positions extérieures (protection de la balance des paiements) », suggère encore Sami Mouley afin de prévenir de nouvelles crises financières.

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Article de Nathalie Bureau du Colombier, Econostrum. L’article fait partie d’une série d’articles conjoints réalisés dans le cadre d’un partenariat entre Femise et Econostrum pour l’année 2012, qui alimentent également la rubrique « Grand Angle»  du site d’information Econostrum. Vous pouvez retrouver cette rubrique et toutes les informations à l’adresse suivante : www.econostrum.info. L’inscription à la newsletter d’econostrum est accessible par : http://www.econostrum.info/subscription/

Nouvelle étude FEMISE : Immigrer fait grimper le PIB !

photo-econostrumDRL’assouplissement des restrictions à la liberté de circulation des travailleurs contribuerait à une hausse sensible du PIB mondial. Cette hausse a été estimée par les économistes du FEMISE à 56 billions de dollars. La libéralisation du travail dans les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord a un réel impact à l’échelle macroéconomique. Revue de détail…

Quitter un pays pauvre, en guerre, abandonner les siens pour se construire un avenir meilleur dans un pays en croissance… Depuis la fin de la Seconde Guerre, l’immigration est un véritable phénomène, relancé depuis deux ans par le printemps arabe. Ces derniers mois, les Syriens ont fui massivement leur pays pour gagner la Tunisie. Les jeunes diplômés égyptiens ont quitté aussi leur terre natale, non pas pour fuir la répression, mais tout simplement parce que leur formation est en inadéquation avec le marché du travail.

« L’impact macroéconomique de la libéralisation du travail dans les pays d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient », vient de faire l’objet d’une étude du Forum euroméditerranéen des Instituts de Sciences économiques (FEMISE) menée par Roby Nathanson, coordonnateur de ce rapport et directeur général du « Macro Centre for Political Economics » en Israël.

Le rapport (FEM34-06) met en lumière la nécessité pour les populations européennes vieillissantes de trouver les moyens de maintenir leur niveau de main d’œuvre. Il s’avère selon l’étude qu’une hausse de 1% du nombre d’immigrés n’a qu’un faible impact sur les populations nationales, avec une diminution de leurs salaires de 0,1%. L’étude précise en outre que l’impact des immigrés sur le taux de chômage des pays hôtes est quasi nul.

Un citoyen européen gagne entre quatre et huit fois plus qu’un ressortissant des pays MENA

En revanche, l’immigration influe positivement sur la productivité du pays d’accueil. Elle constitue un facteur de croissance. Les pays d’origine de ces migrants bénéficient pour leur part des transferts de fonds.

Qui sont ces candidats au voyage ? Au lendemain de l’indépendance, nombreux étaient les ouvriers du Maghreb à venir travailler en France, essentiellement dans le BTP. Aujourd’hui, de plus en plus de jeunes diplômés du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord, veulent tenter l’aventure en Europe et de préférence dans un pays francophone afin de réussir leur intégration. Un citoyen européen gagne entre quatre et huit fois plus qu’un ressortissant des pays MENA (Moyen-Orient – Nord Afrique) !

Un Eldorado aux portes de la Méditerranée ? Pas vraiment. Trouver un emploi n’est pas évident en particulier chez les ouvriers qui émigrent vers la France, l’Italie mais aussi en Finlande. Les migrants occupent généralement les emplois refusés par les nationaux.

Ancienne colonie, proximité culturelle, les immigrants d’Afrique du Nord représentent 63% des étrangers en France.

Le taux de chômage chez les ressortissants immigrés est supérieur aux nationaux en particulier s’agissant de la main-d’œuvre non qualifiée. La situation est particulièrement délicate en Belgique, aux Pays-Bas, en Espagne, en Suède où le taux de chômage est supérieur de 3,5 points aux nationaux. À l’inverse, les conditions d’emploi en Hongrie, en Grèce, en Irlande et au Portugal s’avèrent être plus favorables pour les étrangers.

Télécharger le rapport

Photo : Econostrum

Article de Nathalie Bureau du Colombier, Econostrum. L’article fait partie d’une série d’articles conjoints réalisés dans le cadre d’un partenariat entre Femise et Econostrum pour l’année 2012, qui alimentent également la rubrique « Grand Angle»  du site d’information Econostrum. Vous pouvez retrouver cette rubrique et toutes les informations à l’adresse suivante : www.econostrum.info. L’inscription à la newsletter d’econostrum est accessible par : http://www.econostrum.info/subscription/

La transition démocratique, gage de stabilité économique pour la zone euro-med

Photo CTLe traditionnel rapport annuel du FEMISE a revêtu cette année un écho tout particulier. Publié dix mois après les premières révoltes du Printemps arabe, ce rapport revient sur les facteurs ayant conduit à la révolution dans les pays méditerranéens et analyse l’impact économique de cette année de transition vers la démocratie.

Ben Ali en cavale, Hosni Moubarak malade… Les grands leaders du Maghreb sont tombés, cédant sous le poids de la clameur populaire. La flambée du prix des matières premières (farine, sucre, huile), conséquence des agissements d’une poignée de spéculateurs de Chicago, a affamé Tunisiens, Egyptiens et autres peuples voisins. Le chômage, la corruption ont eu raison de ces gouvernements autoritaires.

Dans son rapport annuel intitulé « Une nouvelle région méditerranéenne : vers la réalisation d’une transition fondamentale », le Femise fait état des relations très étroites qu’entretenaient les chef d’entreprises tunisiens et égyptiens avec le pouvoir législatif. Certains siégeaient d’ailleurs au Parlement. Près de 180 entreprises tunisiennes étaient contrôlées par le clan Ben Ali !

La transition démocratique dans la région euroméditerranéenne est en chemin avec la Tunisie comme chef de file. La deuxième République tunisienne est en marche. Au même titre que les pays de l’Est dans les années 90, ces révolutions impactent l’économie avec une production industrielle à l’arrêt durant plusieurs semaines et des exportations affaiblies alors que depuis 2008 les pays méditerranéens connaissaient des taux de croissance de près de 5%.

NÉCESSITÉ DE ROMPRE AVEC LES ANCIENNES PRATIQUES

Les premières semaines d’émeutes en Tunisie ont coûté 1,6 milliard d’euros au pays soit près de 4% du PIB. Le cas égyptien est similaire avec des pertes dans la production industrielle et un coup d’arrêt de la fréquentation touristique. Le Maroc bénéficie d’un report de la clientèle se traduisant par une hausse de 8,5 % de ses revenus touristiques en dépit du Printemps Arabe et de l’attentat de Marrakech.

Les Investissements directs étrangers (IDE) orientés à la hausse ces dernières années, accusent le coup avec une fuite des capitaux dès les premiers jours de janvier. « Les IDE ont chuté de 21% en Tunisie au début de l’année 2011 et en Egypte le recul estimé a été de 68% ! Lors de  la crise économique de 2008, nous avions noté un ralentissement des IDE et  une reprise au bout d’un an. A présent, les investisseurs ont besoin d’être convaincus que ces pays ont rompu avec les anciennes pratiques. Sur le court terme, ces Etats vont traverser une période d’instabilité. L’expérience empirique démontre que l’ouverture démocratique apporte de la stabilité sur le long terme. Il faut recréer de la confiance dans les Etats », commente Constantin Tsakas, économiste du Femise et contributeur au rapport.

Il est également urgent de résoudre la question du chômage chez les jeunes et de l’inadaptation des formations aux besoins du monde industriel. L’arrêt de la production a contraint les employeurs à licencier avec un impact non négligeable sur le nombre de chômeurs qui devrait augmenter de 6,5% dans toute la région. Ainsi, le taux de chômage  régional devrait atteindre 10,3% et avoisiner les 12,2% en Egypte et 16% en Tunisie.

Avec la rente pétrolière, l’Algérie reste un cas à part, tandis que la Jordanie et le Maroc ont su très vite « recadrer » leur régime en tenant compte de la clameur de la rue. Les efforts de ces deux pays ainsi que ceux entrepris dans le passé par la Turquie, aujourd’hui pays relativement avancé sur la « courbe en J », pourraient servir d’exemple dans la région méditerranéenne.

Afin de soutenir les Etats à stabiliser leurs économies et les aider à passer le cap de la transition économique, les Etats occidentaux ont décidé, lors du sommet de Deauville en septembre dernier, d’accorder 40 mds € à la Tunisie et à l’Egypte. Aide à laquelle le FMI est venu abonder de 40 mds € pour la région euro-med.

Lire le rapport annuel

Photo Econostrum-MPV

Article de Nathalie Bureau du Colombier, Econostrum. L’article fait partie d’une série d’articles conjoints réalisés dans le cadre d’un partenariat entre Femise et Econostrum pour l’année 2011, qui alimentent également la rubrique « Grand Angle»  du site d’information Econostrum. Vous pouvez retrouver cette rubrique et toutes les informations à l’adresse suivante:www.econostrum.info. L’inscription à la newsletter d’econostrum est accessible par: http://www.econostrum.info/subscription/

Grandeur et décadence des régimes autoritaires en Méditerranée

Photo LacenLes têtes sont tombées en Méditerranée signant la fin de plusieurs décennies de régimes autoritaires et d’une corruption infiltrée dans toutes les couches de la société. À présent, le challenge consiste à définir de nouvelles règles du jeu sur des bases assainies. L’espoir se fait jour d’une gouvernance empreinte de transparence et assortie d’organismes de contrôle.

Pas si simple de tirer un trait sur cinquante années de régimes autoritaires… Pas si simple non plus de se défaire d’une culture basée sur la peur, l’oppression, l’interdiction de la liberté d’expression, les bakchichs et la corruption. Égypte, Tunisie, Libye et peut-être demain Syrie et Algérie, vont expérimenter les balbutiements d’une démocratie.

« Les peuples aspirent à se forger une nouvelle identité. Ils sont en rupture avec les systèmes occidentaux qu’ils considèrent comme complices des régimes autoritaires dans le but d’assouvir leurs intérêts. Répression et abus persistent dans certains pays. Les nouvelles constitutions permettront d’expérimenter la démocratie. Les peuples regardent le régime turc et se disent qu’Islam et démocratie ne sont pas incompatibles », souligne Lahcen Achy, professeur d’économie à l’INSEA (Institut National de Statistiques et d’Économie appliquée à Rabat).

Contributeur au dernier rapport annuel sur le partenariat Euro-Méditerranéen du Femise « Une nouvelle région méditerranéenne : vers la réalisation d’une transition fondamentale », Lahcen Achy rappelle que les régimes autoritaires étaient assis sur un fort interventionnisme étatique calqué sur le modèle socialiste : gratuité des transports, de la santé, accès aux universités, aux fonctions militaires, subventions à la consommation… Le tout dans un contexte où les expropriations de grands propriétaires terriens et anciens colons étaient courantes.

L’Algérie, un cas à part

Le vent a tourné fin des années 90 avec les grandes vagues de privatisation. Les régimes socialistes découvrent alors la dure loi de la globalisation et de la concurrence internationale. Les salaires dans la fonction publique fondent comme neige au soleil et la corruption devient un sport national en Égypte, au Maroc, en Algérie, car elle permet d’arrondir les fins de mois. Dans l’administration le laxisme domine. La productivité est alors un terme inconnu des fonctionnaires.

La corruption s’organise à grande échelle au sein de la Sonatrach par exemple. Les appels d’offres pour la réalisation de grandes infrastructures sont truqués. Le fossé des inégalités se creuse.

« Ces régimes ont de nombreux points communs basés sur le partage des rentes avec l’autoritarisme en contrepartie. La Libye se démarque. Le pays ne possède pas d’administration, tout était concentré entre les mains de Khadafi. La Syrie a multiplié les services de sécurité et le pays n’a pas de réelle gouvernance. L’Algérie semble plus complexe. Pétrole et gaz font de l’Algérie un pays indépendant et riche sans pour autant que le peuple en perçoive les fruits. La situation sociale apparaît préoccupante. Les militaires détiennent le pouvoir et faire tomber Abdelaziz Bouteflika ne changera rien », analyse Lahcen Achy qui rappelle que les manifestations en début d’année ont été violemment réprimées.

Les Algériens gardent en mémoire les années de terreur et les 100 000 victimes du Front islamique du Salut dans les années 90, arrivé au pouvoir… après des élections.

Télécharger le rapport annuel du Femise

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Article de Nathalie Bureau du Colombier, Econostrum. L’article fait partie d’une série d’articles conjoints réalisés dans le cadre d’un partenariat entre Femise et Econostrum pour l’année 2011, qui alimentent également la rubrique « Grand Angle»  du site d’information Econostrum. Vous pouvez retrouver cette rubrique et toutes les informations à l’adresse suivante:www.econostrum.info. L’inscription à la newsletter d’econostrum est accessible par: http://www.econostrum.info/subscription/