Archives du Tag : coopération

​La coopération, facteur clé pour relancer le développement en Méditerranée

L’épidémie de Covid-19 qui secoue la planète depuis décembre a un impact sanitaire et économique retentissant dans les pays du bassin Méditerranéen, confrontés simultanément à la crise des réfugiés, l’instabilité politique et à la faiblesse des systèmes de protection sociale. Dans un format d’analyse concis, rédigé sous forme de document d’orientation politique baptisé « Policy Briefs », le Forum euro-méditerranéen des instituts de sciences économiques et le Centre pour l’Intégration en Méditerranée s’associent. Ils mettent en garde contre les risques liés au Covid-19 et jettent les bases d’une nouvelle voie de coopération euro-méditerranéenne.

 

 42 milliards de dollars de pertes dans les pays arabes liées à la pandémie et 8,3 millions de personnes menacées de pauvreté… Les premières estimations de la Commission économique et sociale des Nations Unies pour l’Asie occidentale donnent une idée de l’ampleur des dégâts causés par la pandémie, par les mesures de confinement et la fermeture des frontières qui met à mal l’industrie touristique.

Constantin Tsakas, secrétaire général du Femise

« Dans la région MENA, une contraction du PIB de 10% pourrait exacerber la tendance à la hausse de la pauvreté jusqu’à atteindre les niveaux d’il y a 30 ans…l’urgence actuelle pourrait transformer les nombreux défis sanitaires, sociaux et économiques existants en une crise humanitaire…», écrit le Femise sous la plume de son secrétaire général Constantin Tsakas. Le Femise et le CMI œuvrent depuis des décennies à la coopération euro-méditerranéenne.

Comme nous l’avions annoncé dans les colonnes d’econostrum, les deux structures ont jeté les bases d’une collaboration vouée à trouver de nouvelles pistes de réflexion, invitant les chercheurs à émettre des propositions à court et long terme. Ainsi dans la première analyse portant sur les « Implications de la crise du coronavirus en Méditerranée et au Moyen-Orient », Constantin Tsakas insiste sur l’importance de la relance de la coopération régionale dans les domaines de la santé et dans des secteurs clés.

​Des choix stratégiques pour prévenir une «pandémie d’inégalités»

L’épidémie a un impact sanitaire et économique retentissant dans les pays du bassin Méditerranéen, confrontés simultanément à la crise des réfugiés, l’instabilité politique et à la faiblesse des systèmes de protection sociale. ©HCR

L’épidémie a un impact sanitaire et économique retentissant dans les pays du bassin Méditerranéen, confrontés simultanément à la crise des réfugiés, l’instabilité politique et à la faiblesse des systèmes de protection sociale. ©HCR

« Les banques centrales doivent continuer de jouer leur rôle, jusqu’à maintenant, elles ont
généralement bien réagi, en injectant les liquidités qu’elles possédaient
 », souligne l’analyse qui pointe la faible marge de manœuvre en termes de revenus budgétaires pour appuyer des plans de relance et soutiens sectoriels.

 

Selon le Brief, le numérique, l’entrepreneuriat social, la finance solidaire et l’accès aux soins de base seraient des choix stratégiques pour prévenir une « pandémie d’inégalités ». En effet, le poids de l’économie informelle dans les pays du bassin Méditerranéen prive de facto 65% des travailleurs de toute protection sociale, entraînant une précarisation croissante de ces populations. Parmi elles, 12 millions de réfugiés, essentiellement des Syriens massés en Jordanie, Liban, Turquie… Des personnes fragiles davantage exposées au coronavirus.

Les initiatives régionales, qu’il s’agisse du tourisme, des énergies renouvelables, de la transformation numérique ou de l’éducation, méritent d’être renforcées car elles aident les pays à relever ensemble les défis posés, conclut le Brief. La pandémie, qui a mis en lumière la nécessité de rapprocher les zones de production des bassins de consommation afin de garantir l’approvisionnement de biens de première nécessité, ouvre aussi de nouvelles perspectives pour repenser intelligemment les chaînes de production, pour une meilleure intégration entre l’UE et les pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée

Ce premier Policy Brief CMI-FEMISE, disponible ici, ouvre la voie pour davantage d’analyses qui seront explorées tout au long de cette série, soulignant le rôle clé de la coopération en Méditerranée.

 

Lundi 6 Juillet 2020
Article de  en partenariat avec Econostrum.
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COVID-19 MED BRIEF no1 : Implications de la crise du coronavirus en Méditerranée et au Moyen-Orient

La récente crise du coronavirus menace les santés, les économies et les sociétés de tous les pays. Dans les pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée la lutte contre la pandémie est encore plus compliquée. Une coopération et des stratégies UE-Med dans des secteurs clés sont nécessaires. Par conséquent, le Centre pour l’intégration méditerranéenne (CMI) et le FEMISE ont décidé d’unir leurs forces et de lancer leur série conjointe de Policy Briefs intitulée «COVID-19 MED BRIEFS» pour ouvrir la voie à des analyses et recommandations politiquement pertinentes.

Le premier COVID-19 MED BRIEF, intitulé «Implications de la crise du coronavirus en Méditerranée et au Moyen-Orient», par Constantin Tsakas (FEMISE, IM), est disponible en cliquant ici.

Résumé : La récente crise du coronavirus menace les santés, les économies et les sociétés de tout pays, quel que soit son niveau de développement. Dans les pays du Moyen-Orient et du Sud de la Méditerranée la lutte contre la pandémie est encore plus compliquée. Elle doit se faire avec des moyens sanitaires et économiques limités par rapport à d’autres régions. Par ailleurs, elle a lieu dans un contexte social et géopolitique unique dans ses divisions. Ce Brief suggère de relancer la coopération en Méditerranée suite à la crise et d’élaborer des stratégies UE-Med dans des secteurs clés. Dans ce cadre, il fournit des reflexions, sur le court terme et le long terme, pour prévenir une « pandemie d’inégalités » dans la région. Il propose d’ouvrir l’accès aux soins pour les travailleurs informels, d’investir dans le numérique, de repenser les chaines de production intelligement, d’appuyer l’entreprenariat social et de revoir les conditions du remboursement de la dette des pays de la région. L’objectif de ce Brief est d’ouvrir la voie pour davantage d’analyses thématiques et de prescriptions, qui pourront être explorées tout au long de cette série produite conjointement par le CMI et FEMISE.

Ce Policy Brief est produit dans le cadre de la série de Policy Briefs «Répondre aux défis du COVID-19 en Méditerranée» qui est réalisée en partenariat entre le FEMISE et le Centre pour l’Intégration Méditerranéenne (CMI).

Voisinage UE-Med étendu : les experts FEMISE prônent pour une ouverture vers l’Afrique

Conférence Annuelle du FEMISE 2018 sur: « Voisinage étendu : Relation et Coopération de l’UE-Med vers l’Afrique »

Les enjeux et défis économiques, démographiques, migratoires et climatiques rendent nécessaires une coopération étendue entre la région Euro-Med et l’Afrique subsaharienne qui pourrait être très bénéfique à l’ensemble des parties prenantes. C’est le point de vue défendu par les experts du réseau FEMISE qui ce sont réunis à Malte les 7-8 et 9 Février 2018 lors de la Conférence Annuelle du réseau.

Les recommandations de la conférence pour déterminer les priorités et les mesures nécessaires envers une coopération EuroMed-Afrique Subsaharienne sont les suivantes :

  • Investir dans la jeunesse doit être une priorité pour l’Afrique et l’Union Européenne. La dynamique démographique du continent africain et sa population jeune (60% des africains ont moins de 25 ans) entrainent une pression croissante sur le système éducatif. L’éducation demeure un bouclier contre les mariages forcés et peut offrir l’opportunité de sortir de la pauvreté.
  • Il faut saisir l’opportunité de la coopération avec l’Afrique pour créer des infrastructures, engager des investissements d’envergure dans des secteurs clés, comme le développement durable et l’énergie par exemple, améliorer la résilience de ces pays face aux changements, notamment climatiques et renforcer les principes de bonne gouvernance protégeant la société civile.
  • L’intégration doit être complétée par une augmentation de la compétitivité, une attraction des IDE, une croissance plus forte, et un élargissement des marchés entrainant des économies d’échelle. Attirer les IDE est une priorité, mais il important que ces IDE se focalisent sur des secteurs qui aideront les pays à se développer.
  • L’Europe doit prendre conscience de l’urgence d’accélérer l’industrialisation et le développement humain en Afrique. Les solutions actuellement proposées par l’UE, soit émanant de la politique sécuritaire et migratoire, soit de la politique commerciale (en demandant aux pays Subsahariens de réduire leur protection tarifaire vis à vis des produits européens) sont loin d’être à la hauteur des enjeux. D’une façon générale, les priorités des uns (développement au Sud) et des autres (migration au Nord) devraient être traitées avec une vision plus globale, en tenant compte de la complexité des situations et des processus d’interactions (industrialisation-emplois-sécurité-migration, etc.).
  • L’industrialisation du continent africain pourrait aller plus vite si elle pouvait s’appuyer sur une zone plus intégrée pour créer des chaînes de valeur régionales et faciliter leur insertion au niveau mondial, en particulier, dans des chaines de valeur pilotées par des firmes européennes. Dans ce domaine, l’Europe peut aider les pays de diverses façons : connaissance des marchés, acquisition des normes, transferts de technologie formation du capital humain, soutien aux investissements, amélioration des infrastructures et de la logistique, etc.
  • Il devient urgent d’avoir une politique beaucoup plus active et volontariste vis à vis du secteur privé : Il faut mettre l’entreprise au centre des préoccupations de tous, sur tout le continent africain, que l’on puisse entendre de façon plus audible la voix des entrepreneurs, leurs besoins, changer leur image et donner l’envi aux jeunes d’entreprendre. Faciliter, par tous les moyens, les échanges commerciaux intra-régionales en constitue un moyen. L’Open innovation doit favoriser la rencontre entre les idées des startups africaines et les financements de l’Euro-Méditerranée.
  • Il faut encourager une coopération plus poussée avec la société civile et les autorités locales pour donner une plus grande cohérence aux évolutions politiques et sociétales et répondre au besoin de donner du sens aux actions mises en place, au niveau national et local. Il faut construire un dialogue de facilitation pour proposer des solutions pour que les acteurs revoient leurs ambitions à la hausse : territorialiser les engagements des États pour permettre aux gouvernements locaux et aux villes de s’emparer de ces enjeux et des compétences actuellement dépendantes des États. Ceci doit se faire dans une approche multi-acteur et multi-compétence pour permettre une transition globale de la société.
  • Le développement économique dans l’ensemble du continent africain ne doit pas se faire au détriment de l’environnement et de la qualité de vie des Hommes : Il est important de restaurer les aires protégées touchées par l’urbanisation, d’implémenter des mesures pour lutter contre la déforestation, de protéger les zones côtières et de garantir un accès à l’eau potable pour l’alimentation des ménages et pour répondre aux besoins de l’agriculture.

Pour un compte rendu détaillé des présentations et discussions, veuillez cliquer ici.

Des « Video Brief » avec certains des intervenants sont également disponibles ci-dessous.

Adhésion de FEMISE à ANIMA

Les coordonnateurs de FEMISE, Institut de la Méditerranée (France) et Economic Research Forum (Caire), ont le plaisir de vous annoncer l’adhésion de FEMISE au réseau ANIMA Investment Network en tant que Membre Stratégique.

 

femise-anima

ANIMA Investment Network est une plateforme multi-pays de coopération pour le développement économique en Méditerranée. Le réseau ANIMA, basé à Marseille (France), fédère des agences nationales et régionales de promotion des territoires, des organisations internationales, des associations d’entrepreneurs, des pôles d’innovation, des investisseurs et des instituts de recherche.

L’identité de FEMISE est liée à la consolidation d’un réseau d’instituts de recherche capables de mettre en place des interactions Nord-Sud et Sud-Sud. Au sein du réseau, nous avons lancé une dynamique de transfert de savoir-faire et de connaissances. Nos travaux et actions se font toujours en étroite collaboration entre économistes des deux rives ce qui fait notre force.

Dans un climat régional qui évolue, il est apparu naturel au FEMISE de s’associer à ANIMA, réseau qui a des valeurs que nous partageons et qui présente des objectifs et un savoir faire complémentaires. Cette adhésion permettra de faciliter les synergies pour produire et maximiser l’impact des recommandations auprès des responsables politiques UE-Med. Elle permettra également d’accroitre la capacité de dissémination/communication et de se positionner sur davantage de dossiers qui pourraient bénéficier d’un « pooling » de compétences complémentaires.

Une première association entre les deux structures historiques de Marseille dans le cadre d’un projet sur la région euro-méditerranéenne sera annoncée dans les prochaines semaines.

Ce premier projet marque le début d’une collaboration de long terme qui ouvre des opportunités nouvelles pour nourrir la dynamique Euro-Méditerranéenne.

Les relations entre les institutions multilatérales et les Etats-nations du bassin méditerranéen : Compte rendu Conférence Toulon

PROSPECTIVES EN MÉDITERRANÉE :

CONTACTS, TENSIONS, VULNÉRABILITÉS

Les relations entre les institutions multilatérales et les Etats-nations du bassin méditerranéen : quels espaces de coopération et sources de tensions ?

Conférence PROSMED organisée par l’Université de Toulon avec l’appui du FEMISE*, Vendredi 03 juin 2016, 13h30 – 17h, Université de Toulon

Conférence PROSMED avec soutien FEMISE, Photo FEMISE

Conférence PROSMED avec soutien FEMISE, Photo FEMISE

Le processus de Barcelone signé en 1995 a posé les bases des relations de coopération entre l’UE et les pays du Sud de la Méditerranée. Cependant, 20 ans plus tard, il devient clair que le processus n’a pas rencontré le succès espéré. Les conditions politiques, sociales et économiques dans les deux rives ne sont plus les mêmes et cela se traduit par des relations distendues entre l’UE et les pays du Sud de la Méditerranée. Aujourd’hui, il devient de plus en plus difficile d’avoir une véritable vision sur l’avenir de la coopération Euro-Mediterranéenne. Suite à ce constat, les organisateurs de l’Université de Toulon (UTLN) et du FEMISE, ont souhaité s’entourer d’experts (Service Européen d’Action Extérieure, Banque Européenne d’investissement, FEMISE, Institut de la Méditerranée) pour traiter des questions de coopération entre l’Union Européenne et les pays du Sud de la Méditerranée. Quelles sont les difficultés actuelles, quelles coopérations peut-on à présent envisager et quel avenir pour la région Euro-Med ?

Conférence PROSMED avec soutien FEMISE, Photo Univ. Toulon

Conférence PROSMED avec soutien FEMISE, Photo Univ. Toulon

Après une introduction d’accueil par Dr. Y. Kocoglu (Université de Toulon) et L. Lévêque (Université de Toulon), Dr. Constantin Tsakas (Secrétaire Général du FEMISE et Délégué Général de l’Institut de la Méditerranée) a souligné que le thème de cette conférence était au cœur des problématiques du FEMISE.

Le réseau FEMISE est un « outil » qui fait le lien entre une grande institution qui est la Commission Européenne et les pays du Sud de la Méditerranée. Les pays du Sud semblent parfois mieux apprécier les recommandations de la société civile (ex. les Universités, les centres de recherche du réseau FEMISE) qui sont issues d’une approche plus souple et avec une image parfois plus complète des réalités économiques et sociales des pays du Sud. Ainsi FEMISE, qui compte 95 membres dont à peu près la moitié au Sud et en lien permanant avec les responsables politiques, est cette « voix » commune qui représente le point de vue des deux rives et qui permet parfois de faire passer des messages plus facilement.

Des relations entre l’UE et les pays du Sud qui ce sont distendues

Pr. Jean-Louis Reiffers (Institut de la Méditerranée), Photo Univ. Toulon

Pr. Jean-Louis Reiffers (Institut de la Méditerranée), Photo Univ. Toulon

Le Professeur Jean-Louis Reiffers (Pr. Emerite Université du Sud Toulon Var, Président du Comité Scientifique de l’Institut de la Méditerranée) ouvre le débat en insistant sur l’évolution des relations entre l’UE et les pays du Sud depuis le processus de Barcelone signé en 1995. Il rappelle que ce processus visait à établir des accords commerciaux privilégiés entre l’UE et les pays du sud et que ce processus comportait également un volet de réformes institutionnelles. Le processus de Barcelone n’a pas connu le succès espéré et les relations entre l’UE et les pays du sud de la méditerranée se sont distendues avec deux glissements importants. D’une part, l’attention de l’UE a été plus orientée à l’est suite à l’élargissement de l’UE vers les pays de l’est. D’autre part, la montée des puissances régionales au Moyen-Orient (Qatar, Arabie Saoudite, Turquie) a détourné les pays du sud de la méditerranée vers de nouveaux partenaires économiques et politiques.

Le Professeur Reiffers souligne avec insistance la nécessité de prendre en compte le fait que le commerce international génère également des « perdants » ceux dont les sources de revenus vont être mis à mal par les changements consécutifs à l’ouverture commerciale et les accords signés entre l’UE et les pays du sud ne tiennent pas assez compte de ce résultat et ne prévoient donc pas des politiques de redistribution qui permettrait d’assurer une croissance soutenable pour la population.

Enfin, M. Reiffers souligne qu’un élément est systématiquement absent des accords entre l’UE et les pays du sud de la méditerranée : il s’agit du capital humain. Le facteur travail a été analysé sous l’angle sécuritaire et de la menace d’immigration par l’UE et non sous l’angle d’un potentiel à développer par les politiques de formation et de qualification.

Politique de Voisinage : Ambitions et Limites

En deuxième partie, M. Mingarelli (Service Européen d’Action Extérieure) revient également sur le processus de Barcelone qui a marqué une volonté de donner une impulsion aux relations bilatérales par des accords d’association, et un dialogue entre la Commission Européenne et les pays partenaires sur des secteurs d’intérêt commun (énergie, transport, …).

Hugues Mingarelli (Conseiller au sein du Service européen pour l'action extérieure), Photo SAEE

Hugues Mingarelli (Conseiller au SEAE), Photo SEAE

M. Mingarelli souligne qu’en 2005, la Politique européenne de voisinage couvrait l’Europe orientale, le Caucase du Sud, l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient. L’un des objectifs est d’intégrer les économies de certains pays partenaires (Maroc, Tunisie) dans le marché unique de l’UE. Puis, les mouvements sociopolitiques initiés par les « printemps arabes » ont surpris l’UE mais également les autres puissances comme les USA ou la Russie. L’UE a, durant cette phase, proposé une aide à la transition politique avec par exemple de l’assistance technique sur l’amendement/rédaction de la constitution, sur l’organisation des élections, sur la mise en place d’une justice transitionnelle, sur une aide pour promouvoir les acteurs de la société civile (presse, syndicats, associations..).

Enfin, les conflits armés (Libye, Irak, Syrie) associés aux risques terroristes, aux mouvements de révoltes sociales et à la crise des migrants créent un climat de tensions fortes dans la région dans lequel il est difficile pour l’UE de dessiner un espace de coopération clair et serein avec les pays du sud. En 5 ans, les différents conflits dans la région (notamment en Syrie) ont provoqué des millions de déplacés dont 10 millions uniquement pour le conflit syrien soit 1/3 de la population.

Le besoin de redonner une Vision Régionale

Henry Marty-Gauquié (BEI), Photo Univ. de Toulon

Henry Marty-Gauquié (BEI), Photo Univ. de Toulon

La Méditerranée est plus fragmentée que jamais. C’est le constat que dresse M. Henry Marty-Gauquié (Directeur Honoraire BEI France) soulignant que la Méditerranée est particulièrement sensible et vulnérable aux chocs et crises exogènes. Ceci tient à sa composition socio-économique (mixité et interdépendance culturelle, sociale et économique entre le Nord et le Sud ; la faible résilience à l’adversité économique[1]) et à son positionnement géostratégique.

Au cours des 15 dernières années, la Méditerranée a subi une accumulation de chocs, souvent d’origine non méditerranéenne, mais ayant particulièrement atteint la région (ex. les attentats du 11 septembre avec diabolisation de l’islam, le contrecoup de la crise économique mondiale en 2008 et les tensions résultant de ses ampliations successives, le sursaut démocratique arabe et la guerre en Libye avec des conséquences sur le Sahel et le Machrek etc)

Pour M. Henry Marty-Gauquié, deux facteurs ont eu un effet particulièrement aggravant sur l’acuité des tensions en Méditerranée ? Il s’agit i. de la conflictualité généralisée générée par la mondialisation : crises économique, tensions sociétales, incapacité des nations occidentales à anticiper et gérer les crises etc et ii. de l’incapacité du monde arabe à gérer sa transition démocratique et à assurer son redressement économique.

Cela a contribué à une perte de vision sur les objectifs régionaux de coopération et de développement, au retour au bilatéral et aux relations différenciées entre l’UE et ses partenaires du Sud. Cela a induit la disparition de l’intérêt mutuellement avantageux à coopérer et à atteindre des objectifs d’intégration régionale.

Henry Marty-Gauquié, souligne que l’Union européenne reste un acteur majeur, mais qui n’est plus décideur en Méditerranée. Après 8 années de crise économique et de mise en danger de la cohésion européenne, l’UE semble donner la priorité à l’amélioration de sa stabilité économique et à la survie du projet européen, plutôt qu’au développement de son espace économique extérieur (Politique de voisinage).

Pour M. Henry Marty-Gauquié , l’UE ne sera capable de reprendre une position de leadership sur son voisinage Sud qu’à moyen ou long terme, lorsque des progrès auront été réalisés dans les domaines suivants :

  • Que la situation intérieure de l’UE se soit stabilisée (économiquement et politiquement) et que les opinions publiques se soient à nouveau emparées du désir d’intégration européenne, permettant la définition de nouvelles priorités pour la gestion de son voisinage (Sud et Oriental), ainsi que des instruments pour incarner la réalisation de ces objectifs (politiques et financiers) ;
  • Que la situation conflictuelle au Machrek, ainsi que la gestion des flux migratoires, aient trouvé des solutions stabilisatrices, permettant de diminuer la conflictualité dans la région (et dans les opinons européennes) ;
  • Que la volonté de coopérer autour de la gestion des « biens publics régionaux » en Méditerranée ait repris forme, au moins à l’échelle sous-régionale, par la prise d’une initiative politique majeure, intelligible pour les opinions et dotée de moyens politiques et financiers crédibles ;
  • Qu’une telle initiative intègre les dimensions régaliennes que les séquences conflictuelles ont fait émerger ces dernières années en Méditerranée : sécurisation contre les risques essentiels (alimentaire, sanitaire, énergétique et climatique), gestion des frontières, des flux migratoires, de l’équilibre des territoires, des générations et des genres. Ce qui suppose en préalable que les Etats membres de l’Union définissent entre eux un nouveau « pacte social » (ou constitutionnel) sur la gestion partagée de ces objectifs.
Conférence PROSMED avec soutien FEMISE, Photo Univ. Toulon

Conférence PROSMED avec soutien FEMISE, Photo Univ. Toulon

En dernière partie, le professeur Philippe Gilles (Professeur, Université de Toulon), après avoir synthétisé les débats, termine en mettant en perspective l’évolution des relations entre l’UE et les pays du sud par l’apport de la théorie économique. Il insiste sur la nécessité de considérer la redistribution des gains à l’échange et sur l’effritement des accords de partenariats qui ne seraient plus perçus comme mutuellement avantageux. Les pays du sud ne voient pas bien les avantages qu’ils pourraient tirer des accords proposés par l’UE alors que les contraintes en termes réglementaires et changements institutionnels sont fortes avec des conséquences immédiates notamment sur les normes de production. La question du conflit entre la souveraineté nationale et les accords régionaux, qui est présente également en Europe avec la montée de mouvements eurosceptiques, est très forte dans les pays du sud confrontés à des risques plus importants sur le plan sécuritaire. Aussi, avant même de penser aux perspectives d’intégration commerciale et financière, qui sont aujourd’hui vecteurs d’incertitudes, la priorité reste la consolidation de l’ordre intérieur.

En conclusion, il ressort de la conférence que les relations entre l’UE et ses voisins du Sud auraient fort besoin d’un nouveau souffle porté par une vision (un projet) politique de moyen-long terme.

[1] La société méditerranéenne est organisée autour du lien familial qui assure la solidarité face à l’adversité. Les politiques publiques de redistribution sont faibles et peu différenciées. Ces caractéristiques expliquent la vulnérabilité des sociétés méditerranéennes à la corruption et à l’économie souterraine.

* Le FEMISE a participé à cette manifestation avec l’aide financière de l’Union Européenne dans le contexte du projet UE-FEMISE sur: « Support to economic research, studies and dialogue of the Euro-Mediterranean Partnership”.

Quels espaces de coopération entre institutions européennes et États du bassin méditerranéen ?

Hugues Mingarelli, Conseiller au sein du Service européen pour l’action extérieure (SEAE) a présenté son analyse sur les différentes formes de coopération entre l’UE et le sud de la Méditerranée le 3 juin 2016 lors d’un cycle de conférences PROSMED organisé à l’Université de Toulon avec le soutien du Femise *.

Hugues Mingarelli, Conseiller au sein du Service européen pour l'action extérieure. Photo SAEE

Hugues Mingarelli, Conseiller au sein du Service européen pour l’action extérieure. Photo SAEE

Quels outils l’UE peut-elle partager avec les pays du Sud  de la Méditerranée pour favoriser leur intégration ? 

Hugues Mingarelli : L’UE peut partager son expérience en matière de transition politique et économique, et les faire bénéficier de toute l’expérience qu’elle possède en matière de coopération régionale. Elle peut également mettre à disposition son expertise pour favoriser une presse indépendante, pour garantir une justice efficace, la tenue d’élections décentes, pour que les droits de l’homme soient pris en compte dans le travail de la police.

Est-ce que l’Accord de Libre Echange Complet et Approfondi (ALECA) envisagé entre la Tunisie et l’UE semble adaptable à d’autres pays? 

Hugues Mingarelli : Il faut chercher des solutions taillées sur mesure pour chacun des pays partenaires. L’idée de l’ALECA est de se libérer des bannières douanières généralement peu élevées pour les pays déjà membres de l’OMC. Il s’agit également de donner l’occasion aux pays qui le souhaitent la possibilité d’intégrer notre marché intérieur par la reprise des normes et standards de l’Union. Actuellement, des négociations avec la Tunisie et le Maroc se poursuivent, mais si d’autres pays du Moyen-Orient sont intéressés par ce genre d’approches, c’est-à-dire par une insertion progressive dans le marché de l’Union, je crois qu’ils ont tout intérêt à discuter avec l’UE de la possibilité d’accords de ce type-là.

Comment l’actualité et les changements politiques au  Sud influent-ils sur le processus d’intégration ?

Hugues Mingarelli : L’aspiration à la démocratie a provoqué dans un certain nombre de pays un désir redoublé de profiter de l’expérience que peut avoir l’UE en matière de transition démocratique. Mais dans certains pays cela a débouché sur une grande instabilité, comme par exemple en Libye. Et lorsque l’instabilité atteint un certain niveau, il devient difficile de promouvoir la transition et de profiter de ce que l’UE peut proposer comme expérience dans ce domaine.

Quel rôle les institutions de la société civile, à l’exemple du FEMISE, peuvent-elles jouer ? 

Hugues Mingarelli : Nous avons compris depuis longtemps déjà que nous ne pouvons plus nous contenter de rapports d’Etat à Etat, d’organisations internationales à Etat mais qu’il est important justement que la société civile prenne sa place dans les processus de transition politique et économique. Il faut continuer à travailler dans cette direction.

 

* Le FEMISE a participé à cette manifestation avec l’aide financière de l’Union Européenne dans le contexte du projet UE-FEMISE sur: « Support to economic research, studies and dialogue of the Euro-Mediterranean Partnership”.

 Propos recueillis par Laetitia Moreni, Econostrum.

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