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« A la découverte des Social Change Makers » : L’entreprenariat social comme clef des problématiques en Méditerranée et en Afrique (20 Novembre, Marseille)

A l’invitation de l’Institut de la Méditerranée et de Femise, une dizaine de « Social change makers » impliqués en Méditerranée et en Afrique ont assisté à un atelier d’Emerging Valley (20 Novembre, Marseille). Leurs expériences diverses montrent l’apport de l’entreprenariat social comme vecteur d’accélération du développement socio-économiques mais aussi ses difficultés à s’imposer.

Les entreprises à impact social comme vecteur d'accélération de développement socio-économique (photo : F.Dubessy)

Les entreprises à impact social comme vecteur d’accélération de développement socio-économique (photo : F.Dubessy)

MÉDITERRANÉE / AFRIQUE. « La nécessité est mère de l’invention. Il faut donc essayer de changer les choses par la créativité. » Fondateur et CEO de Yomken.com Tamer Taha a d’emblée posé, lors de l’atelier »A la découverte des Social change makers en Méditerranée et en Afrique », la problématique d’une « région Mena en retard en matière d’innovation avec les autres pays d’un même niveau de développement.« 

Proposée par l’Institut de la Méditerranée, le Femise et l’IRD (Institut de recherche pour le développement) à l’occasion d’Emerging Valley (Marseille, 20 novembre 2018) cette rencontre visait à mettre en avant les initiatives présentes en Afrique et dans les pays méditerranéens de la rive Sud. Comme l’indique Constantin Tsakas, délégué général et secrétaire général de l’Institut de la Méditerranée-Femise, « face au chômage des jeunes, à l’économie informelle, aux inégalités et au manque de diversification économique, les entreprises à impact social ont le potentiel, faiblement exploité, d’être un accélérateur de développement socio-économique en mettant à profit des approches innovantes. »

Pour l’Egytien Tamer Taha, « les innovateurs ont besoin de plus que des fonds. Le marché a besoin de plus que de nouvelles idées. Si nous n’innovons pas, nous risquons de sortir du marché international. » Avec Yomken.com, plate-forme d’innovation ouverte pour les challenges industriels, environnementaux et sociaux, il met en relation dans cinq pays des grandes entreprises et des Tpe-Pme pour répondre à des problèmes à travers des appels à solution. Ces synergies ont, depuis 2012, débouché sur soixante-huit challenges. A l’image de cette machine allemande de découpe de légumes d’une entreprise du Caire qui ne pouvait pas traiter un légume local, l’okra (aussi appelé gombo). Pour 5 000 $, deux jeunes ingénieurs ont réussi à résoudre cette impasse.

Renforcer les start-up africaines

Hatoumata Magassa met en réseau quatre incubateurs africains (photo : F.Dubessy)

Hatoumata Magassa met en réseau quatre incubateurs africains (photo : F.Dubessy)

Shadi Atshan a co-fondé en 2017 un accélérateur pour les entreprises sociales (SEA) en Palestine. Il accueille une quarantaine de start-up et deux incubateurs. En 2018, il s’internationalise avec quatre projets en Jordanie. « Le marché étant limité, ces start-up intéressent peu les investisseurs. Nous les aidons donc aussi à lever des fonds« , explique Shadi Atshan. Hatoumata Magassa intervient elle pour « contribuer au développement économique durable, inclusif et numérique au Maroc, au Burkina-Faso, au Sénégal et au Ghana. » Coordinatrice d’AFIDBA (AFD for inclusive and digital business in Africa)- Bond’Innov (Bondy en France), elle s’occupe de ce projet financé par l’Agence France Développement (AFD) à hauteur de 2 M€ pour accompagner soixante start-up à fort impact social et un dispositif de financement alloué de 500 000 €.

« Nous structurons et renforçons un réseau d’incubateurs dans nos quatre pays d’intervention pour renforcer les start-up africaines« , commente Hatoumata Magassa.

Natalia Resimont coordonne elle le projet « Femmes du monde » de l’ONG française « Quartiers du monde », un réseau d’entrepreneures solidaires présentes au Burkina-Fasso, à Madagascar, au Maroc, au Mali et au Sénégal. « Nous créons des outils pédagogiques pour intégrer la perspective du genre. Sans elle, l’économie sociale et solidaire ne déconstruit pas les inégalités entre les genres et elle ignore en plus une série de modèles et de structures qui maintiennent, actualisent et reproduisent le système patriarcal : la division sexuelle de la gouvernance du travail, les violences faites aux femmes, les masculinités hégémoniques…« , précise-t-elle. L’ONG a publié un guide en Espagnol et en Français (et bientôt en Arabe et en Anglais), fruit de cinq ans de travail sur la question.

Créer des sociétés civiles collaboratives

« Pour mener de véritables initiatives économiques, ces femmes doivent d’abord se reconstruire. Nous intégrons cela dans notre accompagnement« , indique Natalia Resimont. Par exemple, « Femmes du monde » a créé un incubateur dans une petite commune du Mali plutôt que dans une grande ville, pour répondre au problème de mobilité des femmes.

Au Liban, Natalia Menhall de Beyond RD, un groupe d’activistes pour le développement de l’entreprenariat social, milite pour « mettre en place des systèmes de gouvernance inclusifs et inspirer des solutions politiques innovantes. » Avec comme objectif, de « créer des sociétés civiles collaboratives et des partenariats centrés sur l’humain conformément aux priorités, en mettant en place des opportunités d’apprentissage pour les personnes, les institutions et les communautés. »

Selon elle, « même si le concept est nouveau, le phénomène est déjà présent dans la région Mena grâce à une culture existante de solidarité et de conscience sociale.« 

Une fabrique à initiatives

Sihle Tshabalala et Natalia Menhall s'investissent, chacun à leur façon, dans l'élimination des obstacles au développement social (photo : F.Dubessy)

Sihle Tshabalala et Natalia Menhall s’investissent, chacun à leur façon, dans l’élimination des obstacles au développement social (photo : F.Dubessy)

« Au lieu d’attendre que les changements viennent à nous, nous avons décidé d’avoir un rôle actif« , insiste Natalia Menhall. « L’entreprenariat social est un outil qui se présente au citoyen pour proposer des solutions pouvant se généraliser« , précise-t-elle en constatant qu’après une étude dans sept pays de la région Mena, « les obstacles au développement de l’entreprenariat demeurent très proches. Soit les outils n’existent pas, soit ils ne sont pas adaptés ou concentrés dans les régions urbaines. » Beyond développe un programme de master en entreprenariat social. « Dans certains pays, les banquiers doivent passer du profit purement économique au profit aussi social« , souligne-t-elle.

Sihle Tshabalala s’intéresse à la jeunesse désavantagée née dans les township d’Afrique du Sud. Il la connaît bien pour en être issu. Durant un séjour en prison, il s’intéresse au codage informatique puis adapte une méthode d’apprentissage destinée aux universitaires pour l’enseigner à cette population illettrée et former des codeurs.

Directeur d’Inter-Made, un incubateur social dédié aux projets à impact social et environnemental basé à Marseille depuis dix-sept ans, Cédric Hamon offre des compétences, de la formation et de la mise en réseau aux start-upper. « Nous disposons également d’une fabrique à initiatives car tous les besoins sociaux ne trouvent pas de start-up pour les résoudre« , indique-t-il alors qu’il prend pied sur l’autre rive de la Méditerranée, en Tunisie. Cédric Hamon commercialise même une offre de formation sur la résolution des besoins sociétaux par l’entreprenariat. « L’obstacle c’est que vous vendez des solutions à des personnes qui n’ont pas compris qu’il y avait un problème… Donc vous créer chez eux un autre problème« , reconnaît-il tout en précisant, « Nous ne manquons pas de fonds, nous ne manquons pas de projets, nous manquons de projets financés. » Reste, comme l’indique Constantin Tsakas, qu' »un projet social demeure difficile à vendre.« 

L’Instagram des déchets

Constantin Tsakas, organisateur et animateur de cet atelier, a conscience de la difficulté à vendre l'entreprenariat social (photo : F.Dubessy)

Constantin Tsakas, organisateur et animateur de cet atelier, a conscience de la difficulté à vendre l’entreprenariat social (photo : F.Dubessy)

Autre implication sociale, celle de Mouhsin Bour Qaiba. Tout part d’un constat pour le co-fondateur de Clean City : A Casablanca, chaque habitant génère une tonne de déchets non recyclés par an. Ce Marocain créé donc ce qu’il baptise « l’Instagram des déchets » pour faire pression sur les autorités et lance une application pour le tri à la source avec possibilité de commande de sacs de couleurs différentes

Depuis, Clean City a conquis d’autres pays. Son CEO réfléchit désormais à donner des Token (cryptomonnaie) aux citoyens qui signalent par des photos publiées sur son site des problèmes au lieu de points permettant des réductions sur des achats comme actuellement. « Nous avons désormais 20 000 utilisateurs actifs dans le monde entier et 14 000 réclamations générées. Notre objectif est d’atteindre les 2 millions d’utilisateurs actifs« , ambitionne Mouhsin Bour Qaiba.

« Nous voulions montrer des visages, des hommes et des femmes et insister sur l’aspect ordinaire de leur vie. » Roman-Oliver Foy, président de l’association Friends of the Middle East (France, Liban), présente depuis deux ans des initiatives d’entrepreneurs sociaux dans le monde arabe à travers des conférences-débats.

Prochainement, il lancera des vidéos de dix minutes sur ces expériences avec toujours l’objectif d’inspirer les entrepreneurs potentiels au Sud et au Nord et de sensibiliser les décideurs politiques tout en favorisant la diffusion des innovations. « Les décideurs politiques doivent voir ce qu’est un entrepreneur social et solidaire« , insiste-t-il.

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Voir aussi l’article et le reportage vidéo d’ECOMNEWSMED sur l’atelier :