Une étude cross-culturelle de l’influence de la consommation sur le bien-être subjectif dans la région Euro-Méditerranéenne

FEM34-14 | Avril 2013

Titre

« A Cross-Country Assessment of Well-Being and Quality of Life in the Euromed Region: Models and Measurements »

Par

Boris Bartikowski, Euromed Management, Kedge Business School, France

Contributeurs

Dwight Merunka, Aix Marseille University, France Bertrand Sogbossi Bocco, Abomey-Calavi University, Cotonou, Benin Sofiane Ghali, University of 7 November at Carthage, Tunis, Tunisia M. Joseph Sirgy, Virginia Tech University, Virginia, USA

Note :

Ce rapport a été réalisé avec le soutien financier de l’Union Européenne au travers du Femise. Le contenu du rapport relève de la seule responsabilité des auteurs et ne peut en aucun cas être considéré comme reflétant l’opinion de l’Union Européenne.

Résumé :

L’objectif général de la recherche est de comprendre le processus par lequel les revenus et la consommation influencent le Bien-Être Subjectif (BES). Les recherches passées liées à l’impact des conditions économiques sur le BES se concentrent essentiellement sur le rôle du niveau de revenus. Ces recherches montrent que le revenu est faiblement mais positivement corrélé au BES. Dans la présente recherche, nous conceptualisons le revenu comme étant un moyen d’accès aux activités de consommation et que la consommation permet aux individus de satisfaire leurs besoins, ce qui influence le BES.

Par conséquent, contrairement aux études précédentes qui suggèrent des politiques publiques ayant un impact sur le revenu des personnes, cette recherche se centre sur la consommation et la satisfaction des besoins en tant qu’antécédents au BES ce qui entraîne des conséquences théoriques et pratiques.

Dans la lignée de théories de la consommation, nous étudions les phénomènes de consommation en termes de déprivation perçue. Nous distinguons trois types de déprivation : consommation utilitaire (nourriture, eau, habitat, etc.), consommation de loisir (biens et services qui procurent des expériences plaisantes) et consommation de statut (biens et services liés au développement du concept de soi). En nous fondant sur la théorie de la hiérarchie des besoins de Maslow et sur la théorie des besoins psychologiques de Deci et Ryan, nous distinguons différents besoins. En particulier, nous différencions les besoins d’ordre inférieur liés à l’équilibre biologique et à la sécurité (besoins de base) des besoins d’ordre supérieur liés aux relations sociales et à l’appartenance à des groupes (besoins sociaux), liés à l’estime de soi (besoins d’estime) et liés à la réalisation de soi (besoins d’actualisation).

En conséquence, nous prédisons que le BES est influencé par la consommation, mais seulement dans la mesure où cette consommation implique la satisfaction des besoins (Figure 1).

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Figure 1 : Modèle conceptuel

 

Le test du modèle est effectué sur des données collectées en 2012 sur des échantillons représentatifs de la population de 4 pays : la Tunisie, le Maroc, la France et le Bénin. La comparaison inter-pays de la déprivation de consommation révèle que la population française ressent le moins de déprivation (pour les trois types de consommation), suivie des populations tunisiennes, marocaines et béninoises. Les mesures possèdent de bonnes propriétés psychométriques et un niveau approprié d’invariance cross-culturelle, ce qui permet de faire des comparaisons entre les pays.

L’analyse empirique démontre que la consommation est un déterminant important du BES, mais seulement via la médiation de la satisfaction des besoins. En particulier, les résultats empiriques montrent que l’effet direct de la consommation sur le BES disparaît lorsque la satisfaction des besoins est introduite dans le modèle, ce qui suggère que la relation directe entre consommation et le BES passe totalement par le biais de la satisfaction des besoins. Ce résultat est confirmé au niveau agrégé (4 pays réunis), au niveau de chacun des pays (France, Tunisie, Maroc et Bénin) et au niveau de groupes homogènes de revenus. En conséquence, les responsables publics devraient se concentrer sur la satisfaction des besoins des populations et agir sur ses antécédents, la consommation étant l’un de ces antécédents.

Les résultats montrent que le BES est essentiellement déterminé par la satisfaction des besoins de base (nourriture, logement, sécurité) et des besoins d’estime de soi (respect, statut et autonomie). La satisfaction des besoins d’actualisation contribue beaucoup moins au BES. De manière inattendue, la satisfaction des besoins sociaux ne contribue pas au BES. En conséquence, les déterminants clés du BES sur lesquels les responsables publics doivent agir sont la satisfaction des besoins de base et des besoins d’estime de soi.

Les trois types de consommation agissent différemment sur la satisfaction des besoins. Bien qu’il y ait des différences entre les pays et les groupes de revenus, il apparaît que la déprivation de biens de base détermine essentiellement la satisfaction des besoins de base ; la déprivation de consommation de loisir impacte négativement La satisfaction des besoins basiques mais surtout ceux d’estime de soi ; la déprivation de consommation de biens de statut est essentiellement reliée négativement à la satisfaction des besoins d’estime de soi.

Les autorités publiques sont concernées par la promotion du Bien-Être des populations et par la manière de planifier et d’ajuster au mieux les politiques destinées à la satisfaction des besoins de ces populations. Ces autorités ont besoin d’informations empiriques solides pour fonder leurs actions. Elles ont à leur disposition différents moyens pour stimuler la consommation, par exemple au travers de politiques fiscales, de programmes de subvention ou de régulation du commerce ou de politiques de communication. Les autorités locales peuvent connaître l’efficacité de leurs services à satisfaire les besoins des résidents. Ceci inclut les services de lute contre les incendies, les services de santé, les bibliothèques ainsi que les services de lutte contre l’alcoolisme et les substances addictives, les services d’intervention en période de crise, le planning familial et autres services qui contribuent à la satisfaction de différents besoins (Sirgy et al. 1995). Les mesures et les modèles développés dans cette recherche peuvent être utilisés comme un outil de diagnostic pour mesurer périodiquement l’efficacité de ces services.

Les mesures de la satisfaction des besoins peuvent aussi être utilisées pour conduire des programmes d’évaluation au niveau régional ou national. L’approche par la satisfaction des besoins est utile pour que les responsables industriels et publics formulent des politiques et développent des actions dans divers secteurs institutionnels (santé, transports, équipements de loisir, etc.). Ils peuvent aussi encourager le secteur marchand à développer les biens et services dirigés vers la satisfaction de besoins spécifiques dans une démarche visant le développement du Bien-Être et de la qualité de vie.