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COP23 et changement climatique en Méditerranée : l’Institut de la Méditerranée et FEMISE se positionnent comme acteurs académiques incontournables

En Méditerranée les conséquences des changements climatiques seront toujours plus fortes qu’ailleurs. La réduction des émissions de gaz à effet de serre et la prise en compte des besoins en adaptation des pays riverains sont plus que jamais des nécessités.

Acteurs engagés dans la mise en œuvre du développement durable dans l’espace euro-méditerranéen, l’Institut de la Méditerranée et le FEMISE collaborent depuis deux ans avec l’Association ENERGIES 2050 sur des thématiques liées aux questions climatiques, environnementales et énergétiques. Dans le cadre de leur partenariat, ces trois associations réalisent un rapport, actualisé sur base annuelle, qui porte sur les enjeux climatiques en Méditerranée, mettant en perspective les réalités économiques des pays de la rive Sud et suggérant des pistes d’action et des recommandations politiques. L’édition 2016, sous la direction d’ENERGIES2050, a été présentée dans le cadre de la COP22 à Marrakech (disponible au téléchargement ici). Une version préliminaire (draft) de la prochaine édition (2017/18), co-écrite par les trois partenaires, sera présentée à la COP23 (Bonn, 9 Novembre 2017) lors d’un atelier commun afin d’y intégrer ultérieurement les échanges avec les acteurs présents. La totalité du programme d’activités ENERGIES 2050 à la COP23 de Bonn, incluant l’atelier commun avec l’Institut de la Méditerranée et FEMISE, est disponible en cliquant ici.

Délégué général de l’Institut de la Méditerranée et secrétaire général du FEMISE, le Dr. Constantin Tsakas offre un aperçu des pistes de réflexions pour l’avenir.

Quelle sera la plus-value de cette édition 2017 du rapport Climat par rapport à la précédente ?

Cette édition explorera davantage les progrès effectués par les pays partenaires du Sud de la Méditerranée (PM) pour faire face aux menaces du changement climatique. Plus précisément, ce nouveau rapport permettra de les positionner vis-à-vis de l’Accord de Paris.

Comme vous le savez, ce dernier engage tous les signataires à contenir le réchauffement climatique « bien en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels », à atteindre la neutralité carbone, à coopérer dans le renforcement d’une « éducation au changement climatique »… Son caractère ouvert et évolutif permet de renforcer les engagements pour atténuer les effets du changement climatique au fil du temps. L’édition 2017 du rapport permettra donc d’évaluer un peu mieux la cohérence des actions d’atténuation et d’adaptation passées et présentes des PM.

Les PM sont-ils bien placés sur l’échelle internationale en ce qui concerne leurs efforts d’atténuation et d’adaptation ?

Dr. Constantin Tsakas, Délégué général de l’IM et secrétaire général du FEMISE

Des pays comme le Maroc sont nettement en avance en termes de politiques et d’actions. Le Maroc a été l’un des premiers pays de la région à signer et ratifier l’Accord de Paris. Mais même avant cette date, ce pays avait déjà mis en place des lois sur la protection et la conservation de l’environnement, sur la lutte contre la pollution atmosphérique et sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement. En outre, en 2008 le gouvernement avait mis en œuvre le «Plan Vert pour le Maroc» qui représentait une politique de long terme (2008-2020) axée sur la durabilité du secteur agricole. D’autres pays comme la Tunisie, sont plus en retard mais semblent faire preuve d’une certaine volonté d’aller de l’avant. Avant de ratifier l’Accord de Paris (Mars 2017), le gouvernement tunisien avait pris des initiatives pour limiter les effets du changement climatique sur le plan niveau national. En termes de législation, la Tunisie était l’un des rares pays à reconnaître le changement climatique dans sa Constitution.

Cela dit, nombreux sont les pays qui semblent se réformer principalement sur papier ou qui sont confrontés à des réticences liées aux intérêts économiques déjà établis. L’Accord de Paris et les lois sur la protection de l’environnement sont souvent perçus comme des obstacles à l’activité économique et les régimes politiques hésitent à adopter des réformes pro-environnementales. De façon générale, on note une nette différence entre ce qui a été convenu et les résultats obtenus. On note par ailleurs une faible coopération entre les pays méditerranéens lors des grands sommets, ce qui signifie que même s’il existe parfois des initiatives nationales elles sont condamnées à ne pas se traduire par une réponse régionale de taille.

Justement, comment remédier au manque de coordination de PM en matière de politique environnementale ?

Plusieurs programmes et institutions œuvrant en Méditerranée existent pour les aider dans le processus de mise en œuvre des politiques d’atténuation et de sensibilisation au changement climatique. L’Union pour la Méditerranée offre une vision générale pour un développement à faible émission de carbone. La Convention des Nations Unies pour la protection du milieu marin et des régions côtières de la Méditerranée (Convention de Barcelone) fournit un cadre juridique et institutionnel indispensable à une action concertée entre les pays MED. Des réseaux méditerranéens d’experts (FEMISE, MedECC, ANIMA, Plan Bleu) peuvent également être mobilisés comme passerelles entre la communauté scientifique et les décideurs politiques des PM car ils ont un grand potentiel de diffusion d’études politiquement pertinentes. Enfin, des Fonds sont actifs dans la région et peuvent soutenir de manière significative la mise en place de projets climatiques.

Que souhaitez-vous accomplir avec la présence de l’Institut de la Méditerranée et du FEMISE lors de la COP23 ?

La présence de l’Institut de la Méditerranée et du FEMISE lors de la COP23, grâce au partenariat avec ENERGIES 2050, nous permettra d’échanger avec les acteurs de la société civile, les représentants des secteurs public et privé et les experts territoriaux présents à cet évènement. Ces échanges entre académiques, opérationnels et opérateurs de tous genres permettront d’obtenir des retours sur les opportunités exceptionnelles que l’environnement présente en termes de croissance, d’investissement, de création d’emplois et de cohésion sociale. Les débats enrichiront le rapport que nous co-publierons avec notre partenaire ENERGIES 2050.

Suite à la COP23, l’édition 2017-2018 du rapport « Les défis du changement climatique dans une Méditerranée en transition – De l’accord de Paris au défi de la mise en œuvre » sera ainsi finalisée pour être ensuite présentée lors d’un évènement de lancement organisée par l’Institut de la Méditerranée en partenariat avec ENERGIES 2050 et FEMISE (Marseille, fin premier trimestre 2018). Là aussi, une discussion autour des conclusions du rapport avec les acteurs territoriaux à Marseille leur permettra de communiquer autour de leurs politiques environnementales. Certaines de leurs recommandations pourront ensuite être illustrées dans le cadre de l’édition 2019 dans un processus qui reste avant tout évolutif. L’atelier de Marseille illustrera aussi la dynamique engendrée par nos trois associations et présentera les dernières recherches de nos réseaux respectifs sur les questions climatiques.

Propos recueillis par FEMISE Staff

Les relations entre les institutions multilatérales et les Etats-nations du bassin méditerranéen : Compte rendu Conférence Toulon

PROSPECTIVES EN MÉDITERRANÉE :

CONTACTS, TENSIONS, VULNÉRABILITÉS

Les relations entre les institutions multilatérales et les Etats-nations du bassin méditerranéen : quels espaces de coopération et sources de tensions ?

Conférence PROSMED organisée par l’Université de Toulon avec l’appui du FEMISE*, Vendredi 03 juin 2016, 13h30 – 17h, Université de Toulon

Conférence PROSMED avec soutien FEMISE, Photo FEMISE

Conférence PROSMED avec soutien FEMISE, Photo FEMISE

Le processus de Barcelone signé en 1995 a posé les bases des relations de coopération entre l’UE et les pays du Sud de la Méditerranée. Cependant, 20 ans plus tard, il devient clair que le processus n’a pas rencontré le succès espéré. Les conditions politiques, sociales et économiques dans les deux rives ne sont plus les mêmes et cela se traduit par des relations distendues entre l’UE et les pays du Sud de la Méditerranée. Aujourd’hui, il devient de plus en plus difficile d’avoir une véritable vision sur l’avenir de la coopération Euro-Mediterranéenne. Suite à ce constat, les organisateurs de l’Université de Toulon (UTLN) et du FEMISE, ont souhaité s’entourer d’experts (Service Européen d’Action Extérieure, Banque Européenne d’investissement, FEMISE, Institut de la Méditerranée) pour traiter des questions de coopération entre l’Union Européenne et les pays du Sud de la Méditerranée. Quelles sont les difficultés actuelles, quelles coopérations peut-on à présent envisager et quel avenir pour la région Euro-Med ?

Conférence PROSMED avec soutien FEMISE, Photo Univ. Toulon

Conférence PROSMED avec soutien FEMISE, Photo Univ. Toulon

Après une introduction d’accueil par Dr. Y. Kocoglu (Université de Toulon) et L. Lévêque (Université de Toulon), Dr. Constantin Tsakas (Secrétaire Général du FEMISE et Délégué Général de l’Institut de la Méditerranée) a souligné que le thème de cette conférence était au cœur des problématiques du FEMISE.

Le réseau FEMISE est un « outil » qui fait le lien entre une grande institution qui est la Commission Européenne et les pays du Sud de la Méditerranée. Les pays du Sud semblent parfois mieux apprécier les recommandations de la société civile (ex. les Universités, les centres de recherche du réseau FEMISE) qui sont issues d’une approche plus souple et avec une image parfois plus complète des réalités économiques et sociales des pays du Sud. Ainsi FEMISE, qui compte 95 membres dont à peu près la moitié au Sud et en lien permanant avec les responsables politiques, est cette « voix » commune qui représente le point de vue des deux rives et qui permet parfois de faire passer des messages plus facilement.

Des relations entre l’UE et les pays du Sud qui ce sont distendues

Pr. Jean-Louis Reiffers (Institut de la Méditerranée), Photo Univ. Toulon

Pr. Jean-Louis Reiffers (Institut de la Méditerranée), Photo Univ. Toulon

Le Professeur Jean-Louis Reiffers (Pr. Emerite Université du Sud Toulon Var, Président du Comité Scientifique de l’Institut de la Méditerranée) ouvre le débat en insistant sur l’évolution des relations entre l’UE et les pays du Sud depuis le processus de Barcelone signé en 1995. Il rappelle que ce processus visait à établir des accords commerciaux privilégiés entre l’UE et les pays du sud et que ce processus comportait également un volet de réformes institutionnelles. Le processus de Barcelone n’a pas connu le succès espéré et les relations entre l’UE et les pays du sud de la méditerranée se sont distendues avec deux glissements importants. D’une part, l’attention de l’UE a été plus orientée à l’est suite à l’élargissement de l’UE vers les pays de l’est. D’autre part, la montée des puissances régionales au Moyen-Orient (Qatar, Arabie Saoudite, Turquie) a détourné les pays du sud de la méditerranée vers de nouveaux partenaires économiques et politiques.

Le Professeur Reiffers souligne avec insistance la nécessité de prendre en compte le fait que le commerce international génère également des « perdants » ceux dont les sources de revenus vont être mis à mal par les changements consécutifs à l’ouverture commerciale et les accords signés entre l’UE et les pays du sud ne tiennent pas assez compte de ce résultat et ne prévoient donc pas des politiques de redistribution qui permettrait d’assurer une croissance soutenable pour la population.

Enfin, M. Reiffers souligne qu’un élément est systématiquement absent des accords entre l’UE et les pays du sud de la méditerranée : il s’agit du capital humain. Le facteur travail a été analysé sous l’angle sécuritaire et de la menace d’immigration par l’UE et non sous l’angle d’un potentiel à développer par les politiques de formation et de qualification.

Politique de Voisinage : Ambitions et Limites

En deuxième partie, M. Mingarelli (Service Européen d’Action Extérieure) revient également sur le processus de Barcelone qui a marqué une volonté de donner une impulsion aux relations bilatérales par des accords d’association, et un dialogue entre la Commission Européenne et les pays partenaires sur des secteurs d’intérêt commun (énergie, transport, …).

Hugues Mingarelli (Conseiller au sein du Service européen pour l'action extérieure), Photo SAEE

Hugues Mingarelli (Conseiller au SEAE), Photo SEAE

M. Mingarelli souligne qu’en 2005, la Politique européenne de voisinage couvrait l’Europe orientale, le Caucase du Sud, l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient. L’un des objectifs est d’intégrer les économies de certains pays partenaires (Maroc, Tunisie) dans le marché unique de l’UE. Puis, les mouvements sociopolitiques initiés par les « printemps arabes » ont surpris l’UE mais également les autres puissances comme les USA ou la Russie. L’UE a, durant cette phase, proposé une aide à la transition politique avec par exemple de l’assistance technique sur l’amendement/rédaction de la constitution, sur l’organisation des élections, sur la mise en place d’une justice transitionnelle, sur une aide pour promouvoir les acteurs de la société civile (presse, syndicats, associations..).

Enfin, les conflits armés (Libye, Irak, Syrie) associés aux risques terroristes, aux mouvements de révoltes sociales et à la crise des migrants créent un climat de tensions fortes dans la région dans lequel il est difficile pour l’UE de dessiner un espace de coopération clair et serein avec les pays du sud. En 5 ans, les différents conflits dans la région (notamment en Syrie) ont provoqué des millions de déplacés dont 10 millions uniquement pour le conflit syrien soit 1/3 de la population.

Le besoin de redonner une Vision Régionale

Henry Marty-Gauquié (BEI), Photo Univ. de Toulon

Henry Marty-Gauquié (BEI), Photo Univ. de Toulon

La Méditerranée est plus fragmentée que jamais. C’est le constat que dresse M. Henry Marty-Gauquié (Directeur Honoraire BEI France) soulignant que la Méditerranée est particulièrement sensible et vulnérable aux chocs et crises exogènes. Ceci tient à sa composition socio-économique (mixité et interdépendance culturelle, sociale et économique entre le Nord et le Sud ; la faible résilience à l’adversité économique[1]) et à son positionnement géostratégique.

Au cours des 15 dernières années, la Méditerranée a subi une accumulation de chocs, souvent d’origine non méditerranéenne, mais ayant particulièrement atteint la région (ex. les attentats du 11 septembre avec diabolisation de l’islam, le contrecoup de la crise économique mondiale en 2008 et les tensions résultant de ses ampliations successives, le sursaut démocratique arabe et la guerre en Libye avec des conséquences sur le Sahel et le Machrek etc)

Pour M. Henry Marty-Gauquié, deux facteurs ont eu un effet particulièrement aggravant sur l’acuité des tensions en Méditerranée ? Il s’agit i. de la conflictualité généralisée générée par la mondialisation : crises économique, tensions sociétales, incapacité des nations occidentales à anticiper et gérer les crises etc et ii. de l’incapacité du monde arabe à gérer sa transition démocratique et à assurer son redressement économique.

Cela a contribué à une perte de vision sur les objectifs régionaux de coopération et de développement, au retour au bilatéral et aux relations différenciées entre l’UE et ses partenaires du Sud. Cela a induit la disparition de l’intérêt mutuellement avantageux à coopérer et à atteindre des objectifs d’intégration régionale.

Henry Marty-Gauquié, souligne que l’Union européenne reste un acteur majeur, mais qui n’est plus décideur en Méditerranée. Après 8 années de crise économique et de mise en danger de la cohésion européenne, l’UE semble donner la priorité à l’amélioration de sa stabilité économique et à la survie du projet européen, plutôt qu’au développement de son espace économique extérieur (Politique de voisinage).

Pour M. Henry Marty-Gauquié , l’UE ne sera capable de reprendre une position de leadership sur son voisinage Sud qu’à moyen ou long terme, lorsque des progrès auront été réalisés dans les domaines suivants :

  • Que la situation intérieure de l’UE se soit stabilisée (économiquement et politiquement) et que les opinions publiques se soient à nouveau emparées du désir d’intégration européenne, permettant la définition de nouvelles priorités pour la gestion de son voisinage (Sud et Oriental), ainsi que des instruments pour incarner la réalisation de ces objectifs (politiques et financiers) ;
  • Que la situation conflictuelle au Machrek, ainsi que la gestion des flux migratoires, aient trouvé des solutions stabilisatrices, permettant de diminuer la conflictualité dans la région (et dans les opinons européennes) ;
  • Que la volonté de coopérer autour de la gestion des « biens publics régionaux » en Méditerranée ait repris forme, au moins à l’échelle sous-régionale, par la prise d’une initiative politique majeure, intelligible pour les opinions et dotée de moyens politiques et financiers crédibles ;
  • Qu’une telle initiative intègre les dimensions régaliennes que les séquences conflictuelles ont fait émerger ces dernières années en Méditerranée : sécurisation contre les risques essentiels (alimentaire, sanitaire, énergétique et climatique), gestion des frontières, des flux migratoires, de l’équilibre des territoires, des générations et des genres. Ce qui suppose en préalable que les Etats membres de l’Union définissent entre eux un nouveau « pacte social » (ou constitutionnel) sur la gestion partagée de ces objectifs.
Conférence PROSMED avec soutien FEMISE, Photo Univ. Toulon

Conférence PROSMED avec soutien FEMISE, Photo Univ. Toulon

En dernière partie, le professeur Philippe Gilles (Professeur, Université de Toulon), après avoir synthétisé les débats, termine en mettant en perspective l’évolution des relations entre l’UE et les pays du sud par l’apport de la théorie économique. Il insiste sur la nécessité de considérer la redistribution des gains à l’échange et sur l’effritement des accords de partenariats qui ne seraient plus perçus comme mutuellement avantageux. Les pays du sud ne voient pas bien les avantages qu’ils pourraient tirer des accords proposés par l’UE alors que les contraintes en termes réglementaires et changements institutionnels sont fortes avec des conséquences immédiates notamment sur les normes de production. La question du conflit entre la souveraineté nationale et les accords régionaux, qui est présente également en Europe avec la montée de mouvements eurosceptiques, est très forte dans les pays du sud confrontés à des risques plus importants sur le plan sécuritaire. Aussi, avant même de penser aux perspectives d’intégration commerciale et financière, qui sont aujourd’hui vecteurs d’incertitudes, la priorité reste la consolidation de l’ordre intérieur.

En conclusion, il ressort de la conférence que les relations entre l’UE et ses voisins du Sud auraient fort besoin d’un nouveau souffle porté par une vision (un projet) politique de moyen-long terme.

[1] La société méditerranéenne est organisée autour du lien familial qui assure la solidarité face à l’adversité. Les politiques publiques de redistribution sont faibles et peu différenciées. Ces caractéristiques expliquent la vulnérabilité des sociétés méditerranéennes à la corruption et à l’économie souterraine.

* Le FEMISE a participé à cette manifestation avec l’aide financière de l’Union Européenne dans le contexte du projet UE-FEMISE sur: « Support to economic research, studies and dialogue of the Euro-Mediterranean Partnership”.

Quels espaces de coopération entre institutions européennes et États du bassin méditerranéen ?

Hugues Mingarelli, Conseiller au sein du Service européen pour l’action extérieure (SEAE) a présenté son analyse sur les différentes formes de coopération entre l’UE et le sud de la Méditerranée le 3 juin 2016 lors d’un cycle de conférences PROSMED organisé à l’Université de Toulon avec le soutien du Femise *.

Hugues Mingarelli, Conseiller au sein du Service européen pour l'action extérieure. Photo SAEE

Hugues Mingarelli, Conseiller au sein du Service européen pour l’action extérieure. Photo SAEE

Quels outils l’UE peut-elle partager avec les pays du Sud  de la Méditerranée pour favoriser leur intégration ? 

Hugues Mingarelli : L’UE peut partager son expérience en matière de transition politique et économique, et les faire bénéficier de toute l’expérience qu’elle possède en matière de coopération régionale. Elle peut également mettre à disposition son expertise pour favoriser une presse indépendante, pour garantir une justice efficace, la tenue d’élections décentes, pour que les droits de l’homme soient pris en compte dans le travail de la police.

Est-ce que l’Accord de Libre Echange Complet et Approfondi (ALECA) envisagé entre la Tunisie et l’UE semble adaptable à d’autres pays? 

Hugues Mingarelli : Il faut chercher des solutions taillées sur mesure pour chacun des pays partenaires. L’idée de l’ALECA est de se libérer des bannières douanières généralement peu élevées pour les pays déjà membres de l’OMC. Il s’agit également de donner l’occasion aux pays qui le souhaitent la possibilité d’intégrer notre marché intérieur par la reprise des normes et standards de l’Union. Actuellement, des négociations avec la Tunisie et le Maroc se poursuivent, mais si d’autres pays du Moyen-Orient sont intéressés par ce genre d’approches, c’est-à-dire par une insertion progressive dans le marché de l’Union, je crois qu’ils ont tout intérêt à discuter avec l’UE de la possibilité d’accords de ce type-là.

Comment l’actualité et les changements politiques au  Sud influent-ils sur le processus d’intégration ?

Hugues Mingarelli : L’aspiration à la démocratie a provoqué dans un certain nombre de pays un désir redoublé de profiter de l’expérience que peut avoir l’UE en matière de transition démocratique. Mais dans certains pays cela a débouché sur une grande instabilité, comme par exemple en Libye. Et lorsque l’instabilité atteint un certain niveau, il devient difficile de promouvoir la transition et de profiter de ce que l’UE peut proposer comme expérience dans ce domaine.

Quel rôle les institutions de la société civile, à l’exemple du FEMISE, peuvent-elles jouer ? 

Hugues Mingarelli : Nous avons compris depuis longtemps déjà que nous ne pouvons plus nous contenter de rapports d’Etat à Etat, d’organisations internationales à Etat mais qu’il est important justement que la société civile prenne sa place dans les processus de transition politique et économique. Il faut continuer à travailler dans cette direction.

 

* Le FEMISE a participé à cette manifestation avec l’aide financière de l’Union Européenne dans le contexte du projet UE-FEMISE sur: « Support to economic research, studies and dialogue of the Euro-Mediterranean Partnership”.

 Propos recueillis par Laetitia Moreni, Econostrum.

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Plus productives, les entreprises du Moyen-Orient exportent-elles davantage ?

Comment se comportent les Pme du Maghreb et du Moyen-Orient à l’export ? Une entreprise productive, exporte-t-elle davantage ? Alfred Tovias, professeur en relations internationales à l’université hébraïque de Jérusalem et Jan Michalek, professeur d’économie à l’université de Varsovie, ont livré les résultats préliminaires de leur étude lors de la conférence annuelle du Femise le 14 février dernier à Athènes*.


Alfred Tovias, professeur en relations internationales à l’université hébraïque de Jérusalem. (Photo N.B.C)

Alfred Tovias, professeur en relations internationales à l’université hébraïque de Jérusalem. (Photo N.B.C)

Alfred Tovias et Jan Michalek ont choisi la productivité comme variable principale d’une étude à paraître à la fin de l’été 2016 et financée par le Forum euro-méditerranéen des instituts de sciences économiques (Femise).Productivité de la main d’œuvre, taille et ancienneté de l’entreprise, niveau de recherche et de développement, composition du capital social déterminent la capacité des entreprises à positionner leurs produits sur les marchés étrangers. Lors de la conférence annuelle du Femise, le 14 février 2016, Alfred Tovias, professeur en relations internationales à l’université hébraïque de Jérusalem et Jan Michalek, professeur d’économie à l’université de Varsovie, ont présenté les résultats préliminaires de leurs travaux.« Nous travaillons sur les déterminants des exportations des entreprises dans les pays MENA en utilisant comme critère de comparaison les pays d’Europe centrale et de l’Est (qui ont rejoint l’Union européenne), la Turquie et Israël. Nous voulons savoir si les exportations sont une fonction de la productivité des entreprises. Dans les pays de l’Est et en Israël, la productivité des firmes est déterminante sur leur capacité à exporter », explique Alfred Tovias.

« Dès leur création, les entreprises tunisiennes sont tournées vers l’export »

« Dans les pays MENA (Egypte, Israël, Maroc, Jordanie), l’utilisation de technologies étrangères joue un rôle important dans la capacité à exporter », précise Jan Michalek.Ce phénomène s’explique par les innovations de ces entreprises. Elles ont introduit des nouveaux produits et investissent énormément en recherche et développement. « Nous notons également qu’elles font appel à des universitaires », fait remarquer Alfred Tovias qui soulève une particularité. « En Tunisie et au Maroc, ce ne sont pas des entreprises nouvellement créées qui exportent. Ces start-ups tunisiennes aux capitaux étrangers sont intégrées à la chaîne de production internationale. Elles exportent des produits fini et semi-finis. Les entreprises traditionnelles d’avant la transition étaient orientée vers le marché domestique », analyse Alfred Tovias.Spécialiste des relations économiques dans les pays méditerranéens Alfred Tovias a rejoint le Femise dès sa création en 1996. Dans le cadre des études réalisées pour le Femise, il a coopéré avec les universités européennes (française, polonaise) et du sud de la Méditerranée (Maroc et Turquie).

Aux côtés d’économistes des deux rives de la Méditerranée, il a publié en 2005 une étude sur l’économie israélienne.

* Entretien réalisé par NBC lors de la conférence annuelle du Femise (13-14 Février, 2016, Athènes, Grèce). Pour en savoir plus sur la conférence,  cliquez ici.

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Les changements structurels, base du développement économique en Méditerranée

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Le passage vers une économie de service assure un levier au développement économique (photo F.Dubessy)

Pour assurer son développement économique et améliorer sa productivité globale, un pays doit s’engager dans une stratégie de réaffectation des ressources, associée ou non à une politique industrielle. Une étude du Femise analyse la portée de ces changements structurels dans quatre pays : Maroc, Tunisie, Égypte et Turquie.

Réalisée avec le soutien financier de la Banque européenne d’investissement et de la Commission européenne, la dernière étude du FEMISE se penche sur les résultats des stratégies de réaffectation des ressources du Maroc, de la Tunisie, de l’Égypte et de la Turquie. Tous ont connu une transformation structurelle en passant d’une économie basée sur l’agriculture à une économie orientée vers les services et les secteurs industriels.

Cette évolution a connu des rythmes de changements structurels très inégaux. L’agriculture représentait 50% du PIB de la Turquie dans les années 60. Aujourd’hui, les services assurent plus de 60% de son PIB. Le Maroc a connu un développement plus lent, avec une industrialisation par petites touches (25 à 30% d’emplois en plus dans l’industrie dans les vingt dernières années).

D’importants écarts de productivité persistent en raison d’une transformation encore insuffisante. La Turquie se distingue avec une forte croissance de la productivité globale. Alors que le changement structurel peine à produire ses effets sur les économies égyptienne et tunisienne.

Inadéquation entre l’offre et la demande

Le rapport identifie une cause majeure à cette carence : le changement structurel assurant un passage vers une économie de services s’est traduit en Turquie par une réaffectation vers les secteurs à haute productivité, comme la finance et l’assurance. Dans le même temps, en Égypte, ce transfert s’effectuait vers des industries de services à faible productivité. Entre les deux, la Tunisie bénéficie de deux leviers de développement, le tourisme et la finance.

Le rapport du Femise relève aussi, malgré de gros efforts portés sur l’éducation, l’inadéquation entre l’offre et la demande: « Le marché du travail ne prévoit pas pour la population instruite des possibilités d’emploi appropriées.» précise le rapport. Ceci démontre la lenteur du changement structurel et la difficulté à passer à une industrie génératrice de produits à forte valeur ajoutée.

Depuis le début du siècle, ces quatre pays se tournent vers des politiques industrielles ciblées, incluant le soutien à la R&D, la protection de l’environnement et les incitations aux Pme, notamment par des régimes d’exonérations. Utilisé avec une orientation régionale comme levier de développement, ce dernier outil assure également un rééquilibre entre les différentes régions. L’Égypte favorise fiscalement les entreprises s’implantant dans les nouvelles zones industrielles ou communautés urbaines ainsi que dans les régions défavorisées. La Turquie cible les Provinces les plus pauvres en accordant aux entreprises des mesures incitatives d’investissement allant jusqu’à l’exonération totale d’impôt sur le revenu.

* Le rapport thématique a été produit en collaboration avec l’Economic Research Forum sous le titre : Structural transformation and industrial policy: A comparative analysis of Egypt, Morocco, Tunisia and Turkey.  Téléchargez le rapport (anglais seulement, pdf, p.268, 7.2MB)

Article par Frédéric Dubessy, Econostrum. www.econostrum.info.

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Photos par Econostrum

Rapport sur: « Eléments Pour Une Stratégie de Développement Economique & Social à Moyen Terme en Tunisie »

Tunisie_Final_V4-coverCet ouvrage est une étude inédite sur l’économie tunisienne qui analyse ses principaux vecteurs de développement économique et social pour la période de post-transition. L’ouvrage propose en outre un programme de réformes économiques et sociales avec, en appui, divers scénarii de cadrage macroéconomique.

Téléchargez tout le rapport (pdf, 467p, 9.7MB)

Le présent travail a cherché à approfondir les contraintes de la croissance, de l’équilibre macroéconomique et social de la Tunisie et à proposer une stratégie détaillée pour les prochaines années. Après les évènements de janvier 2011, il est apparu nécessaire de réunir et d’approfondir les différents travaux qui ont été conduits, de façon à voir si un consensus se dégage permettant d’orienter une politique de développement à moyen terme et à cibler les principaux points critiques permettant de hiérarchiser une politique.

 Le constat général que l’on peut faire aujourd’hui est que si on s’accorde sur les limites et difficultés du modèle de croissance actuel, sur la nécessité impérieuse de préparer les conditions d’une reprise de l’économie tunisienne et d’obtenir dans les 10 prochaines années un saut qui permette de faire accéder la Tunisie au rang de pays émergent de première catégorie (avec une croissance de l’ordre de 7% l’an contre près de 4% obtenus dans la période 2000-2010 et de 2% depuis lors), les politiques opérationnelles ne sont pas suffisamment à l’oeuvre car l’urgence a imposé des solutions de court terme qui ont permis de maintenir la paix sociale. Or de nombreuses difficultés se cachent dans les détails et chaque mesure véritablement progressive implique des choix politiques lourds et difficiles à mettre en oeuvre.

 C’est ce souci d’approfondissement qui explique le détail des analyses contenues dans ce travail qui, d’une certaine façon, rassemble la pensée économique et sociale sur la Tunisie d’aujourd’hui.

 Le travail a été réalisé, sous la direction du Professeur Chedly Ayari (Professeur Emérite de l’Université de Tunis El Manar) et du Professeur Jean Louis Reiffers (Président des comités scientifiques de l’Institut de la Méditerranée – Marseille et du Femise, et Professeur Emérite de l’Université de Toulon). La coordination scientifique de l’ouvrage a été réalisée par le Professeur Sami Mouley (Université de Tunis), en collaboration avec une équipe de contributeurs qui comprend des professeurs universitaires tunisiens et français ainsi que des experts du FEMISE.

 Téléchargez tout le rapport (pdf, 467p, 9.7MB)

De deux décennies de «libéralisation dévoyée» vers «un développement démocratiquement organisé»: Etude des cas de l’Egypte, du Maroc et de la Tunisie

  1. L’ensemble des pays de la Méditerranée, rive Nord et rive Sud, exception faite de la Turquie, constitue aujourd’hui une des régions du monde les plus en crise, et cette crise en Europe est telle qu’elle accroît sensiblement les difficultés des pays méditerranéens et du Moyen-Orient. Certes, les « révolutions arabes », en particulier celles qui ont été observées et qui ont semblé couronnées de succès, pour les pays qui nous intéressent dans cette étude, en Tunisie et en Egypte, auxquelles il faut joindre l’évolution démocratique spécifique en cours au Maroc, ont des causes multiples, mais pour nous, économistes, les déterminants « économiques » de ces mouvements sociaux et politiques ont eu (et continuent à avoir) un rôle majeur.

Pourtant, le « Processus de Barcelone » de partenariat euro-méditerranéen avait inauguré, de façon formelle, en novembre 1995, une politique de coopération de l’Union européenne porteuse de promesses de plus de croissance et de développement, vis-à-vis de douze pays des rives Sud et Est de la Méditerranée ; cette politique avait comme contenu essentiel, outre les propositions de coopération et d’assistance au plan politique, l’instauration d’une Zone de Libre Echange (ZLE) encadrée par la mise en œuvre d’Accords d’Association devant respecter les règles de l’Organisation mondiale du Commerce (OMC).

L’idée de base de ces Accords et le principe du partenariat Euro-méditerranéen reposaient donc sur la même perspective que celle de la création de l’OMC : la libéralisation raisonnée des échanges commerciaux par la suppression progressive des tarifs douaniers et des contingentements, conformément aux analyses de la théorie libérale du Commerce International, serait avantageuse pour les pays des deux rives de la Méditerranée.

En particulier, les pays des rives Sud et Est, compte-tenu de leurs dotations naturelles en facteur travail et du niveau attractif de leurs salaires, étaient considérés comme en mesure de devenir rapidement compétitifs, une fois effectuée la « mise à niveau » de leurs entreprises situées dans les activités manufacturières. L’espoir mis dans l’afflux des investissements étrangers (les IDE) ainsi que dans les entrées de capitaux sous forme de prêts bancaires ou d’aides publiques devant aller aux secteurs d’activité prometteurs, constituait le point d’appui des choix politiques favorables à cette ouverture.

Cette ouverture devait entrainer une dynamisation de la croissance économique et les retombées de celle-ci (via le mécanisme du « trickle down ») devaient être bénéfiques pour tous ; en particulier, la création d’un nombre d’emplois capables d’absorber la main d’œuvre des jeunes générations arrivant de plus en plus nombreuses sur le marché du travail, était le but indirect mais attendu de cette libéralisation.

 

  1. Qu’en est-il donc, aujourd’hui, dix-sept ans « après Barcelone », des effets de ces politiques successives de libéralisation et de coopération économiques, et pourquoi faut-il s’interroger sur les « dévoiements » qui les ont accompagnées et qui sont à l’origine des « révolutions du printemps arabes» ?

Pour répondre à cette double question, il faut d’abord rappeler l’extrême fragilité de la théorie académique libérale du Commerce International : en effet, en dehors des hypothèses simplificatrices du « twoness », c’est à dire des modèles «2 ;2 ;2», deux pays, deux produits, deux facteurs, qui sont l’alpha et l’oméga de cette théorie, il est impossible de démontrer la validité analytique des quatre grands théorèmes sur lesquels elle repose (les théorèmes de Hecksher-Ohlin, Samuelson, Stolper–Samuelson et Rybczinsky) et qui sont considérés comme validant scientifiquement la doctrine libérale selon laquelle la libéralisation totale des échanges apporte le maximum de bien-être aux (habitants des) pays partenaires[1].

Il n’est donc pas surprenant que, la plupart du temps, l’ouverture ne débouche pas sur le « cercle vertueux » : {libéralisation du commerce extérieur → rééquilibrage du solde commercial via la hausse des exportations → hausse de l’emploi dans les secteurs exportateurs → augmentation des revenus distribués → hausse de la demande intérieure → hausse de l’investissement induit → hausse généralisée de l’emploi →… et ainsi de suite} prévu par la doctrine libérale.

Dès lors, il est nécessaire d’étudier au cas par cas pourquoi la « libéralisation commerciale », lorsqu’elle est mise en œuvre, réussit ou ne réussit pas ; c’est ce qui a motivé notre étude, compte tenu de l’échec relatif du « Processus de Barcelone », échec qui fait certainement partie des causes (multiples) des « révolutions » du printemps arabe.

 

  1. Le problème majeur qui affecte les trois économies de l’Egypte, du Maroc et de la Tunisie, étant celui du chômage, et notamment du chômage des jeunes, nous avons ciblé notre recherche sur les effets sur l’emploi de la libéralisation des échanges extérieurs dans les trois pays, au cours des deux dernières décennies, en procédant, dans une première étape, à trois études monographiques. Pour ce faire, nous avons analysé les conséquences du « Processus de Barcelone » sur le commerce extérieur et les « performances » des trois pays en matière de croissance et d’emploi, « avant » et « après » la mise en œuvre des Accords d’Association.

Il est apparu, si on résume à grands traits, les résultats de cette Première Partie de notre Rapport, que, loin de se résorber, les déficits commerciaux n’ont cessé de se creuser dans les trois pays, jusqu’à aujourd’hui. Ils n’ont donc pas bénéficié des bénéfices attendus de la mise en œuvre des Accords d’Association, que cette mise en œuvre ait eu lieu en 1998 (Tunisie), en 2000 (cas du Maroc) ou en 2004 (cas de l’Egypte) ; de ce fait, la croissance n’a pas été stimulée à la hausse comme attendu, ce qui s’est traduit par une hausse dans les trois pays du chômage, notamment du chômage des jeunes, des femmes et des diplômé(e)s, et cela dans le contexte d’une croissance démographique continue, même si on a observé des phénomènes intéressants de transition démographique dans la deuxième moitié des années 1990 (natalité en baisse, notamment au Maroc et en Tunisie avant l’Egypte).

En d’autres termes, la croissance n’a été inclusive ni « avant », ni « après Barcelone » malgré l’ouverture. Il est donc clair que le processus de libéralisation a été dévoyé de ses objectifs.

 

  1. Pour contrôler la crédibilité de ces constatations établies dans la première partie de notre étude, à partir de statistiques purement descriptives, et pour leur trouver des éléments analytiques d’explication, on a fait appel à l’économétrie afin d’évaluer le rôle de l’ouverture commerciale à côté des autres variables habituellement reconnues comme agissant directement sur la croissance et donc indirectement sur l’emploi si les modalités de cette croissance la rendent inclusive. Ces développements font l’objet de la deuxième partie de notre Rapport.

Cette démarche économétrique a procédé en deux étapes.

4.1.            Nous avons d’abord étudié le rôle de l’ouverture commerciale (à partir de la variable exportations) sur la dynamique de l’emploi, à côté d’autres déterminants de cette dynamique pour un ensemble de PVD ou émergents réunis dans un panel de 60 pays ayant choisi de libérer leurs relations commerciales ; dix pays de la région MENA figurent dans cet échantillon. Cette étude a mobilisé l’économétrie des panels dynamiques pour estimer les coefficients d’élasticité de l’emploi des personnes actives d’âge compris entre 24 et 65 ans, par rapport à plusieurs variables dont la technique économétrique utilisée permet d’identifier les variations comme ayant un rôle significatif sur l’accroissement de l’emploi. Les variables qui sont ressorties comme déterminantes de l’emploi sont la croissance (du Pib per capita), l’investissement, le capital humain (mesuré à partir des dépenses de santé), la productivité agricole et les exportations ; l’accès au financement (mesuré par le rapport au Pib du crédit bancaire) est apparu comme ayant un rôle ambigu : sa contribution marginale à l’emploi, estimée via une relation non linéaire (en fait « quadratique »), est positive en dessous d’un certain seuil (seuil de l’ordre de 21%) ; elle est négative au dessus. Quant au coefficient d’élasticité de l’emploi par rapport aux exportations (pour l’ensemble de l’échantillon), il est apparu comme relativement faible.

4.2.            Mais, le résultat le plus utile de cette première étape est que, dans une des spécifications économétriques testée découplant en cinq grandes régions géographiques le panel global initial de soixante pays, les coefficients d’élasticité de l’emploi par rapport au Pib obtenus pour les pays de la Région MENA ont semblé sensiblement différents de ceux obtenus pour le panel global ; cette particularité nous a incités à procéder à une étude spécifique pour cette région dans laquelle sont inclus les trois pays qui nous intéressent, étude qui a porté sur un panel réduit à dix pays[2].

Les résultats de cette étude empirique complémentaire font ressortir les spécificités des pays MENA en matière de dynamique de l’emploi. Ainsi, pour ces pays, si l’amélioration de la productivité agricole apparaît encore comme jouant un rôle significatif sur l’emploi, le signe de cette élasticité est, ici, négatif, contrairement au résultat observé pour le panel global ; il en est de même pour l’accès au financement : sa contribution marginale à l’emploi (testée sous forme linéaire) est fortement négative ; et, si on procède, comme pour l’échantillon global, au test d’une relation non linéaire, cette contribution reste négative en dessous d’un certain seuil, et positive au dessus, ce qui est le résultat exactement inverse de celui observé pour le panel complet ; on relève enfin que le coefficient d’élasticité de l’emploi par rapport à l’accroissement de l’investissement privé, s’il est positif, est très faible (il est quasiment nul).

 

  1. Face à ces résultats confirmant la spécificité des pays de la région MENA, il était indispensable d’étudier séparément la dynamique de l’emploi pour chacun des trois pays, sujets de notre étude, sur une plus longue période (en fait plus de trois décennies) englobant l’« avant » et l’« après Barcelone » ; pour ce faire, ce sont les développements les plus récents de l’économétrie des séries temporelles qui ont été mobilisés pour cet approfondissement de l’analyse.

Les résultats de ces estimations menées de façon très rigoureuse ont donné les coefficients d’élasticité suivants :

Elasticités de l’emploi par rapport aux cinq variables identifiées comme significatives

pays

PIB/cap

Capitalhumain Fbcf privée Exports  IDE Trend Constante

 

Egypte

 

0,786

 

0,263

 0,451

  

 0,441  0,438 193 1983
Maroc

 

 1,191  0,079 0,001    1,003

  

 0,079 6,710 3291
Tunisie

 

 0,134  0,677 0,004    0,283

  

 2,319 ns 187,41

 

La hausse du PIB par tête, c’est-à-dire la croissance, apparaît, pour l’Egypte et le Maroc, comme le premier déterminant de l’emploi mais ce n’est pas le cas pour la Tunisie ; le développement du capital humain(mesuré ici par le taux de scolarisation dans l’enseignement secondaire) est le deuxième déterminant de l’emploi pour ce pays, la Tunisie, après les IDE, alors qu’il est le moins bon déterminant pour l’Egypte, pays pour lequel les trois autres déterminants (la Fbcf dans le secteur privé, les exportations et les IDE) semblent avoir une influence assez voisine. En revanche, la « Fbcf privée » semble jouer un rôle quasiment nul sur la dynamique de l’emploi au Maroc et en Tunisie. Ce pays, au contraire, devrait compter sur les IDE (et sur l’éducation, ce qui donne une idée sur le type d’IDE qui sont attirés par ce pays) pour développer les opportunités d’emploi.

Les investissements directs étrangers sont considérés, en effet, eux aussi, d’habitude, comme des déterminants de l’emploi. Nos tests vérifient cette hypothèse : les coefficients d’élasticité calculés sont significatifs et positifs pour les trois pays. Mais les ordres de grandeurs de ces coefficients estimés sont extrêmement différents : la création d’emploi en Tunisie est « cinq fois plus élastique » aux IDE qu’en Egypte et presque « trente fois plus élastique » qu’au Maroc.

Revenons, un instant, sur l’investissement privé : le fait que cet investissement apparaisse, dans cette analyse en séries temporelles, comme n’étant pas un déterminant vraiment efficace de l’emploi, joint au constat résultant de l’étude en panel effectuée pour les pays MENA, selon lequel que le crédit bancaire apparait comme ayant une influence négative sur le développement de l’emploi [sauf au delà d’un seuil relativement élevé], est révélateur de l’inadéquation des systèmes financiers, dans les trois pays, face aux besoins de financement des entreprises ; or, celles-ci qui, pour la plupart, sont des PME, pourraient être fortement créatrices d’emplois si elles arrivaient à trouver aisément à se financer.

Ce résultat met en lumière un problème structurel majeur qui est l’échec de l’investissement privé à créer assez d’emplois et donc à contribuer à une croissance inclusive robuste dans ces trois pays.

Enfin, les performances à l’exportation, cinquième déterminant de la croissance de l’emploi, si elles jouent un rôle intéressant au Maroc, ont un rôle tout à fait mineur dans le cas de la Tunisie et elles jouent un rôle mitigé dans le cas de l’Egypte.

 

Conclusion 

Pour remettre sur la bonne voie le processus de libéralisation, il apparaît qu’un ensemble de mesures de politique économique d’accompagnement sont indispensable ; celles-ci se répartissent entre des mesures à prendre à court terme (il s’agit, en quelque sorte, de mesures conjoncturelles) et des mesures plus substantielles, à savoir des mesures à portée structurelle indispensables pour rendre « inclusif », en matière d’emploi, le processus de développement ; il s’agit donc d’une véritable politique d’engagement de l’Etat à moyen et long termes.

Ces mesures sont énoncées sous forme d’un ensemble de propositions, dans les dernières pages du Rapport ; elles sont aussi reprises dans le « Policy Brief » joint au dossier.

 

[1] Dès qu’on passe à trois pays, et/ou à trois produits, ou que l’on considère qu’il y a des « facteurs (de production) spécifiques », aucun de ces « grands » théorèmes « fondateurs de la doctrine libérale » ne tient…

[2] Cet échantillon regroupe l’Algérie, l’Egypte, la Jordanie, le Liban, la Mauritanie, le Maroc, la Syrie, la Tunisie, la Turquie et le Yémen.

 

Décentralisation et Performance Economique dans les Pays Sud-Méditerranéens

Le déficit démocratique qui caractérise les pays au Sud de la Méditerranée a engendré, entre autre, de grandes inégalités spatiales et de multiples formes d’exclusion économique et sociale qui ont, in fine, conduit aux révoltes arabes. Dans le contexte historique qu’offre les changements en cours dans la région, les peuples aspirent à une participation plus importante à la vie politique avec plus de voix et de meilleures opportunités économiques tant au niveau central qu’au niveau régional et local. Passer d’un gouvernement centralisé qui s’accapare le pouvoir et les ressources à celui qui partage avec les communautés locales est un des piliers de la transition politique pour répondre aux aspirations de la population. Toutefois, la décentralisation n’est pas une réponse magique à tout; elle a besoin d’être soigneusement conçue et mise en place. La décentralisation peut produire des problèmes de coordination, augmenter les coûts administratifs ou subir les effets négatifs d’un manque de professionnalisme des bureaucrates et représentants locaux. La décentralisation sans garde-fous risque aussi de créer davantage de corruption et de népotisme et de miner les gains potentiels de ce mode alternatif de gouvernance.

Les pays du sud de la méditerranée ont des administrations plus centralisées en comparaison avec d’autres pays émergents et en voie de développement. Les régimes autocratiques qui ont gouverné depuis que les pays ont obtenu leur indépendance n’ont pas favorisé le partage du pouvoir et a inhibé la participation politique efficace. Les trois pays (Egypte, Maroc et Tunisie) sont des états unitaires avec de multiples niveaux d’administration territoriale. Le système de gouvernance dans ces pays s’apparente davantage à une forme déconcentration et pas un transfert du pouvoir central vers des collectivités locales. Les trois pays sont dotés d’un système bicéphale d’autorité élue et nommée à chaque niveau de l’administration territoriale.

Avant l’effondrement de régime de Moubarak en Egypte, le Parti National Démocratique (NDP) dominait les conseils populaires locaux. Des anciens officiers de l’armée ont souvent été nommés à la tête de Conseils Exécutifs Locaux (LEC). En Tunisie, avant la révolution, le parti de Ben Ali (RCD) a joué un rôle important dans la politique locale. L’absence de perspective financière et de carrière dans l’administration n’a pas attiré des individus qualifiés et intègres. Au Maroc, la fragmentation du paysage politique et le mode d’élection au niveau local n’ont pas permis l’émergence de majorité fortes et stables au sein des conseils élus et limité les gains potentiels de la décentralisation.

L’éventail d’activités dévolues à l’administration territoriale semble être plus large au Maroc et en Tunisie qu’en Egypte. La décentralisation dans les trois pays est handicapée par les ressources financière limitées de l’administration territoriale. De plus l’essentiel du budget est alloué au paiement des salaires et autres dépenses courantes.

Les trois pays ont de faibles revenus locaux en raison de la décentralisation fiscale limitée. Les entités locales dans les trois pays dépendent excessivement des transferts du gouvernement. Malgré la multitude de critères sophistiqués utilisés, la répartition des transferts entre les différentes collectivités locales est contestée et ne semble pas répondre aux objectifs annoncés.

Le projet de recherche a été une opportunité pour sensibiliser les politiques sur le rôle fondamental de la disponibilité de données détaillées et précises au niveau territorial dans les domaines économiques et financiers. Le projet –à notre connaissance– est la première tentative empirique d’évaluer l’impact spécifique de la décentralisation sur certains indicateurs économiques et sociaux dans les pays du sud de la méditerranée. Le manque de données disponibles a limité l’étendue de l’exercice économétrique. A cette étape, la conclusion clé de notre partie empirique que le modèle de décentralisation comme il a été adopté dans les pays examinés ne semble avoir d’effet significatif ni sur les taux de chômage régionaux ni sur la localisation des entreprises.

Les soulèvements arabes ont donné lieu à une plus grande liberté d’expression des peuples y compris dans les régions excentriques d’habitude marginalisées par la politique nationale. Le débat politique naissant de la transition vers la démocratie dans le sud de la Méditerranée devrait mener à une ère nouvelle dans les relations entre l’état central et les territoires. Des recherches plus approfondies doivent être menées afin de déterminer, pour chaque pays, la combinaison adéquate entre les incitations à offrir en vue d’une meilleure prestation de service par le biais de la décentralisation politique et fiscale, et la place de la solidarité nationale a travers les transferts de l’Etat afin de réduire les disparités régionales.

La crise financière affecte l’économie réelle des pays Méditerranéens

Samy MouleyCrise financière internationale et printemps arabe, comment les pays Méditerranéens ont-ils été touchés par ces deux phénomènes simultanés ? Le Femise vient de publier une étude au terme d’une enquête de conjoncture menée auprès des PME et PMI en Algérie, Tunisie et Maroc. Diagnostic comparé et préconisations…

À la différence des économies occidentales, la crise financière internationale a eu davantage d’effets sur les économies réelles du Maghreb que sur le système financier à proprement parler.

Cela s’est traduit de façon contrastée selon les pays par un ralentissement du commerce international, un impact sur les transferts de revenus, une perte des réserves de change, un déficit de la balance des paiements et une augmentation de la dette publique.

« La crise a entraîné des difficultés d’accès aux financements bancaires et aux marchés boursiers. Les crédits ne représentent pas plus de 19% des sources de financement des PME et PMI. Les entreprises ont recours pour 51% à leur propre capacité d’autofinancement et le marché boursier atteint péniblement 2% ! Le pays le plus touché a été la Tunisie avec de fortes tensions inflationnistes. L’indice des prix à la consommation a grimpé de 2,2 points en un an. En revanche, la dynamique économique au Maroc a été soutenue à la faveur de la diminution des collatéraux exigibles (garanties hypothécaires). Les trois pays subissent de plein fouet les conséquences de la crise de la zone euro », souligne Sami Mouley Professeur de finance internationale à l’université de Tunis et coordonnateur du rapport de recherche Femise (FEM34-09, disponible sur le site du FEMISE).

Impact sur l’industrie textile et mécanique

Intitulé « Perspectives économiques des pays méditerranéens dans la post crise financière globale : Enquête de conjoncture auprès des PME-PMI en Tunisie et diagnostics comparés Algérie – Maroc », le rapport du Femise rappelle que les PME-PMI de la zone représentent 95% du tissu économique des entreprises. Avec l’octroi de crédits conditionnés à des garanties hypothécaires et non sur la rentabilité des projets, les entreprises, faute de crédit, ont dû renoncer à leurs investissements, freinant la croissance.

« Nous avons mené une enquête de terrain par secteur d’activité. Paradoxalement, il s’avère que les secteurs les plus touchés par la crise sont ceux régis par le démantèlement tarifaire avec l’Union européenne comme par exemple les industries manufacturières », souligne encore le professeur Mouley. La période post-crise a eu un impact significatif sur l’industrie textile et mécanique.

En Algérie, le climat de post crise financière a induit le développement de pratiques anticoncurrentielles rattachées à la corruption, en particulier dans l’octroi de licences et brevets. L’avenir ? Sami Mouley estime que de nouvelles modalités opérationnelles de coopération Euromed doivent se mettre en place, dépassant le dispositif de l’Union pour la Méditerranée.

Les mécanismes de gestion anticipée de crise, à définir pour les pays de la zone euro, devraient être étendus aux pays méditerranéens. « Il faudrait réfléchir à introduire un régime de change commun entre l’euro et ces trois pays, avec des mécanismes de viabilité des positions extérieures (protection de la balance des paiements) », suggère encore Sami Mouley afin de prévenir de nouvelles crises financières.

Photo :

Article de Nathalie Bureau du Colombier, Econostrum. L’article fait partie d’une série d’articles conjoints réalisés dans le cadre d’un partenariat entre Femise et Econostrum pour l’année 2012, qui alimentent également la rubrique « Grand Angle»  du site d’information Econostrum. Vous pouvez retrouver cette rubrique et toutes les informations à l’adresse suivante : www.econostrum.info. L’inscription à la newsletter d’econostrum est accessible par : http://www.econostrum.info/subscription/

La transition démocratique, gage de stabilité économique pour la zone euro-med

Photo CTLe traditionnel rapport annuel du FEMISE a revêtu cette année un écho tout particulier. Publié dix mois après les premières révoltes du Printemps arabe, ce rapport revient sur les facteurs ayant conduit à la révolution dans les pays méditerranéens et analyse l’impact économique de cette année de transition vers la démocratie.

Ben Ali en cavale, Hosni Moubarak malade… Les grands leaders du Maghreb sont tombés, cédant sous le poids de la clameur populaire. La flambée du prix des matières premières (farine, sucre, huile), conséquence des agissements d’une poignée de spéculateurs de Chicago, a affamé Tunisiens, Egyptiens et autres peuples voisins. Le chômage, la corruption ont eu raison de ces gouvernements autoritaires.

Dans son rapport annuel intitulé « Une nouvelle région méditerranéenne : vers la réalisation d’une transition fondamentale », le Femise fait état des relations très étroites qu’entretenaient les chef d’entreprises tunisiens et égyptiens avec le pouvoir législatif. Certains siégeaient d’ailleurs au Parlement. Près de 180 entreprises tunisiennes étaient contrôlées par le clan Ben Ali !

La transition démocratique dans la région euroméditerranéenne est en chemin avec la Tunisie comme chef de file. La deuxième République tunisienne est en marche. Au même titre que les pays de l’Est dans les années 90, ces révolutions impactent l’économie avec une production industrielle à l’arrêt durant plusieurs semaines et des exportations affaiblies alors que depuis 2008 les pays méditerranéens connaissaient des taux de croissance de près de 5%.

NÉCESSITÉ DE ROMPRE AVEC LES ANCIENNES PRATIQUES

Les premières semaines d’émeutes en Tunisie ont coûté 1,6 milliard d’euros au pays soit près de 4% du PIB. Le cas égyptien est similaire avec des pertes dans la production industrielle et un coup d’arrêt de la fréquentation touristique. Le Maroc bénéficie d’un report de la clientèle se traduisant par une hausse de 8,5 % de ses revenus touristiques en dépit du Printemps Arabe et de l’attentat de Marrakech.

Les Investissements directs étrangers (IDE) orientés à la hausse ces dernières années, accusent le coup avec une fuite des capitaux dès les premiers jours de janvier. « Les IDE ont chuté de 21% en Tunisie au début de l’année 2011 et en Egypte le recul estimé a été de 68% ! Lors de  la crise économique de 2008, nous avions noté un ralentissement des IDE et  une reprise au bout d’un an. A présent, les investisseurs ont besoin d’être convaincus que ces pays ont rompu avec les anciennes pratiques. Sur le court terme, ces Etats vont traverser une période d’instabilité. L’expérience empirique démontre que l’ouverture démocratique apporte de la stabilité sur le long terme. Il faut recréer de la confiance dans les Etats », commente Constantin Tsakas, économiste du Femise et contributeur au rapport.

Il est également urgent de résoudre la question du chômage chez les jeunes et de l’inadaptation des formations aux besoins du monde industriel. L’arrêt de la production a contraint les employeurs à licencier avec un impact non négligeable sur le nombre de chômeurs qui devrait augmenter de 6,5% dans toute la région. Ainsi, le taux de chômage  régional devrait atteindre 10,3% et avoisiner les 12,2% en Egypte et 16% en Tunisie.

Avec la rente pétrolière, l’Algérie reste un cas à part, tandis que la Jordanie et le Maroc ont su très vite « recadrer » leur régime en tenant compte de la clameur de la rue. Les efforts de ces deux pays ainsi que ceux entrepris dans le passé par la Turquie, aujourd’hui pays relativement avancé sur la « courbe en J », pourraient servir d’exemple dans la région méditerranéenne.

Afin de soutenir les Etats à stabiliser leurs économies et les aider à passer le cap de la transition économique, les Etats occidentaux ont décidé, lors du sommet de Deauville en septembre dernier, d’accorder 40 mds € à la Tunisie et à l’Egypte. Aide à laquelle le FMI est venu abonder de 40 mds € pour la région euro-med.

Lire le rapport annuel

Photo Econostrum-MPV

Article de Nathalie Bureau du Colombier, Econostrum. L’article fait partie d’une série d’articles conjoints réalisés dans le cadre d’un partenariat entre Femise et Econostrum pour l’année 2011, qui alimentent également la rubrique « Grand Angle»  du site d’information Econostrum. Vous pouvez retrouver cette rubrique et toutes les informations à l’adresse suivante:www.econostrum.info. L’inscription à la newsletter d’econostrum est accessible par: http://www.econostrum.info/subscription/