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Transferts de fonds des émigrés libanais, un coup de pouce pour vivre mieux

Les flux des capitaux transférés par les émigrés Libanais à leurs proches sous forme de remises d’investissements ou de dépôts bancaires constituent une composante essentielle de l’économie libanaise. Ils représentent une part importante des ressources du pays. En publiant une étude sur cette thématique, Chogig Kasparian, professeur à l’université Saint-Joseph de Beyrouth, vient combler les lacunes en la matière. L’exploitation des données statistiques a d’ailleurs été immédiate.

Chogig Kasparian, professeur à l’université Saint-Joseph de Beyrouth,  a coordonné une étude financée par le Femise réalisée dans le cadre de l’Observatoire universitaires de la réalité socio-économique. (Photo N.B.C)

Chogig Kasparian, professeur à l’université Saint-Joseph de Beyrouth, a coordonné une étude financée par le Femise réalisée dans le cadre de l’Observatoire universitaires de la réalité socio-économique. (Photo N.B.C)

60% des émigrés Libanais expédient régulièrement de l’argent à leurs familles restées au pays. Quel est leur profil ? À quoi ces fonds sont-ils destinés ? « L’argent sert principalement à satisfaire les besoins de la vie quotidienne, les dépenses d’éducation et de santé. L’investissement dans la création d’entreprise demeure marginal », explique Chogig Kasparian. Professeur à l’université Saint-Joseph de Beyrouth, elle a coordonné une étude financée par le Femise et réalisée dans le cadre de l’Observatoire universitaires de la réalité socio-économique (OURSE). (Pour accéder à cette étude, cliquez ici)« Nous manquons de données statistiques sur ce phénomène. Cet ouvrage devrait éclairer le gouvernement sur la politique sociale à mener. Dernièrement, des représentants du Fonds monétaire international se sont rendus au Liban pour exploiter ces nouvelles données », explique l’économiste.Au terme d‘un an et demi de recherches, l’ouvrage intitulé « L’impact des transferts des émigrés sur le niveau de vie des ménages : étude comparative entre le Liban, le Maroc et l’Algérie » a été publié en octobre 2015.« L’immigration libanaise est constituée généralement de médecins, d’ingénieurs, d’informaticiens. Si historiquement, la France a accueilli beaucoup de Libanais pour des raisons de proximité culturelle, ils sont aujourd’hui attirés par les pays du Golfe. Les femmes qui auparavant suivaient leurs maris sont devenues indépendantes. Nous constatons ainsi des migrations autonomes de Libanaises qui partent faire carrière à Dubaï », souligne Chogig Kasparian qui a mené une enquête auprès de 2 000 ménages, 1 000 recevant des transferts de fonds de l’étranger et 1 000 n’en recevant pas.
 

Premier pays de la région MENA pour les transferts de fonds

Transferts de fonds des émigrés libanais, un coup de pouce pour vivre mieux
L’étude, qui intègre également un petit nombre de localités rurales ou semi rurales, souligne l’écart de revenus entre les ménages recevant des fonds (-38,4%) et les autres.

Le Liban arrive en tête des pays de la région MENA pour l’importance des transferts de fonds. Ils atteignaient 22,4% du PIB en 2009 devant le Maroc et l’Algérie. Cette étude devrait permettre d’effectuer des rapprochements avec les données déjà disponibles sur le même sujet au Maroc et en Algérie. Il s’agit en effet de faire ressortir les particularités ou similitudes s’agissant de l’impact des transferts de fonds sur le niveau de vie des ménages.

Entretien réalisé par NBC lors de la conférence annuelle du Femise (13-14 Février, 2016, Athènes, Grèce). Pour en savoir plus sur la conférence,  cliquez ici.

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Quel potentiel de croissance pour les échanges commerciaux entre l’UE et ses partenaires méditerranéens ?

photoNBC-art11-3202La suppression des barrières douanières ne suffit pas pour développer les échanges commerciaux entre l’Union européenne et ses partenaires du sud de la Méditerranée. D’autres paramètres comme la qualité du système logistique, les barrières non tarifaires, l’innovation, l’ouverture aux investissements étrangers ou encore une bonne gouvernance sont des facteurs à prendre en compte.

Les statistiques mettent en évidence que les pays du sud de la Méditerranée ne contribuent que faiblement aux exportations mondiales malgré une légère progression sur la décennie 2000/2009, passant de 1,8% à 2,9%. Durant cette même période, les exportations de ces pays vers l’Union européenne sont passées de 2,7% à 3,5%, c’est mieux mais cela reste faible.

Si la suppression progressive des barrières douanières contribue à développer le commerce entre l’Union européenne et ses partenaires méditerranéens, y-a-t-il des marges de manœuvre pour accroître les échanges?

« Ce n’est pas parce que le niveau des échanges est faible que le potentiel de développement est important » prévient Nicolas Peridy, directeur du « Laboratoire d’économie appliquée au développement » de l’Université du Sud Toulon-Var, il a contribué aux travaux du FEMISE sur cette question souvent débattue.

La plupart des analyses classiques réalisées jusqu’ici ont conclu à un réel potentiel de croissance des échanges entre l’UE et ses partenaires du sud de la Méditerranée, estimant que les exportations de ces pays vers l’Europe restent inférieures en moyenne de 10 à 20%, selon les pays concernés, à ce qu’elles pourraient être.

« Ce n’est pas notre conclusion » précise Nicolas Peridy. « Nous avons travaillé différemment, en élargissant notre champ d’études pour prendre en compte d’autres variables que les seuls obstacles tarifaires ce qui permet de mieux expliquer ces échanges. Il en ressort que le potentiel de croissance, en l’état actuel, reste limité mais qu’il peut être développé si l’on agit pour modifier ces autres variables ».

La gouvernance est déterminante

Quelles sont ces variables ? En premier lieu la qualité des infrastructures et du système logistique. Les pays du sud de la Méditerranée font preuve d’une moindre efficacité logistique comparée aux autres pays émergents, ce qui constitue un véritable handicap. Leurs efforts doivent donc viser à se rapprocher des standards internationaux.

Autre point sensible, l’innovation. Peu développée au sud de la Méditerranée, à la différence d’autres régions intégrées comme l’ASEAN (Association des Nations de l’Asie du Sud-est), elle limite à certaines catégories de produits les exportations possibles, le pétrole ou  les produits manufacturés à faible valeur ajoutée.

Les travaux des économistes du Femise montrent encore que les mouvements migratoires entre les pays du sud de la Méditerranée et l’UE sont aussi facteurs de croissance des échanges commerciaux, tout comme le niveau des investissements directs étrangers, qui, s’ils sont favorisés, peuvent contribuer à changer la donne.

Enfin, la gouvernance est déterminante. La corruption et les entraves à la démocratie qui sévissent au sud de la Méditerranée sont autant d’obstacles qui viennent limiter les possibilités d’échanges. A cet égard, le printemps arabe ouvre de nouvelles perspectives.

Article de Christiane Navas, Econostrum. L’article fait partie d’une série d’articles conjoints réalisés dans le cadre d’un partenariat entre Femise et Econostrum pour l’année 2012, qui alimentent également la rubrique « Grand Angle»  du site d’information Econostrum. Vous pouvez retrouver cette rubrique et toutes les informations à l’adresse suivante:www.econostrum.info. L’inscription à la newsletter d’econostrum est accessible par: http://www.econostrum.info/subscription/

La jeunesse, clé de la Méditerranée

diplomés d'Euromed Management MarrakechYusuf Kocoglu, Maître de Conférences au Laboratoire d’économie appliquée au développement (LEAD), à l’Université du Sud Toulon-Var a contribué à la rédaction du rapport annuel 2011 sur le partenariat Euro-Méditerranéen du Femise. Dans le document intitulé « Une nouvelle région méditerranéenne : vers la réalisation d’une transition fondamentale », il analyse les difficultés de l’emploi des jeunes dans les pays du bassin Méditerranéen.

Quelle place occupent les jeunes dans la société dans les pays de la région MENA ?

Pas très importante comparée à leur poids démographique. Les pays MENA ont une structure sociale très patriarcale qui laisse peu de place aux nouvelles générations. La progression sociale y est lente (hormis quelques passes droits). Les dirigeants ont néanmoins compris à la suite des mouvements du printemps arabe qu’il était nécessaire de donner plus de place, sur le plan économique, mais aussi politique à la jeunesse.

La révolution provenant de la jeunesse, pensez-vous qu’ils aient une place dans les gouvernances qui sont en train de se mettre en place peu à peu dans les différents pays du bassin Méditerranéen ?

Il semble très difficile de dire quelle place va occuper la jeunesse qui a été le moteur de ces révoltes. Les élections en Tunisie n’ont pas débouché sur un bouleversement radical pour la jeunesse hormis quelques postes pour les meneurs. Les mouvements actuels en Égypte montrent que le changement a du mal à se faire. Un premier pas a néanmoins été effectué au Maroc avec une participation importante des jeunes aux élections du 25 novembre (un quart des candidats a moins de 35 ans) et l’entrée prévue par quotas au parlement des moins de 40 ans.

Repenser le système de formation à l’université

Quelles sont les pistes pour réduire le chômage chez les 20-25 ans et en particulier l’exclusion sociale des diplômés ?

Comme indiqué dans le rapport annuel du Femise, cette question nécessite des mesures systémiques et de longs termes. Il faut revoir à la fois le système productif pour monter en gamme dans la chaine de production et ainsi susciter une demande de travailleur plus qualifiés. Car l’un des problèmes majeurs de ces pays reste la faible demande d’emplois qualifiés par le secteur privé. Il faut également repenser le système de formation à l’université pour l’orienter plus vers les besoins des entreprises, valoriser les formations courtes et professionnelles, revoir le système de financement des micro-entreprises, etc.

S’agissant des non qualifiés vous évoquez dans le rapport annuel l’école de la deuxième chance. Quel en serait le principe ?

Les jeunes qui quittent le système de formation sans diplôme connaissent d’importantes difficultés d’insertion. Les écoles de la deuxième chance dont le concept a été proposé dans le Livre blanc européen « Enseigner et apprendre, vers la société cognitive » ciblent ces jeunes adultes sortis du système scolaire sans diplôme.

Il s’agit, à travers un espace commun regroupant un pôle de formation, un pôle d’entreprises et pôle social, de permettre à ces jeunes de se remettre à niveau sur les connaissances de base de la scolarité obligatoire et de les aider à développer un projet professionnel correspondant à leurs capacités. Les entreprises partenaires leur offrent des expériences via des stages ou des formations en alternance et le pôle social gère leurs problèmes sociaux. En France 30 écoles fonctionnent sur 100 sites avec 60% de succès en recherches d’emplois et reprises de formations qualifiantes.

Quelle est votre analyse des systèmes éducatifs et universitaires ? Vous semblent-t-ils inadaptés aux besoins des entreprises ?

Le système universitaire en particulier est resté trop figé et n’a pas suivi l’évolution rapide de l’environnement économique des pays MENA. La massification des formations universitaires ne pouvait plus cadrer avec le modèle qui formait des fonctionnaires d’État, en particulier depuis la décennie 1990 et l’instauration de politiques publiques visant à réduire ou du moins contrôler le poids du secteur public dans l’économie. La qualité de la formation universitaire est également un enjeu important dans la mesure où les chefs d’entreprises n’accordent que peu de crédit à la valeur des diplômes universitaires.

La jeunesse n’a-t-elle pas un rôle central dans le cadre de l’économie de la connaissance ?

Nous voulions justement souligner avec ce rapport Femise le rôle primordial de la jeunesse pour accéder à l’économie de la connaissance et faire monter en gamme la production nationale. Cependant, il faut que cette jeunesse soit convaincue que faire des études débouchera bien sur un emploi de qualité avec des perspectives d’évolution positives. La politique doit rendre crédible cette perspective en favorisant l’insertion des jeunes diplômés et nous retombons sur les questions relatives aux développements des secteurs à forte valeur ajoutée.

Pourriez-vous nous dire quelques mots du cas de la Turquie ?

Il s’agit d’un cas un peu à part dans la mesure où la production économique est plus diversifiée que dans les pays du sud de la méditerranée avec des secteurs dynamiques qui emploient des cadres moyens.

De plus, le système éducatif est jalonné de sélections. Dès la sortie du collège, les élèves passent des tests dont les résultats vont leur donner ou non l’accès aux lycées les plus prestigieux. Il en va de même pour l’entrée à l’université.

La sélection ainsi opérée limite le problème d’orientation massive dans quelques filières comme dans les pays du Maghreb par exemple. En revanche, le système turc produit d’importantes inégalités dans l’accès à l’éducation, les jeunes qui réussissent le mieux sont issus des familles les plus riches qui ont notamment pu financer des cours complémentaires privés.

Télécharger le rapport annuel du FEMISE

Photo Econostrum-MPV

Article de Nathalie Bureau du Colombier, Econostrum. L’article fait partie d’une série d’articles conjoints réalisés dans le cadre d’un partenariat entre Femise et Econostrum pour l’année 2011, qui alimentent également la rubrique « Grand Angle»  du site d’information Econostrum. Vous pouvez retrouver cette rubrique et toutes les informations à l’adresse suivante:www.econostrum.info. L’inscription à la newsletter d’econostrum est accessible par: http://www.econostrum.info/subscription/

La transition démocratique, gage de stabilité économique pour la zone euro-med

Photo CTLe traditionnel rapport annuel du FEMISE a revêtu cette année un écho tout particulier. Publié dix mois après les premières révoltes du Printemps arabe, ce rapport revient sur les facteurs ayant conduit à la révolution dans les pays méditerranéens et analyse l’impact économique de cette année de transition vers la démocratie.

Ben Ali en cavale, Hosni Moubarak malade… Les grands leaders du Maghreb sont tombés, cédant sous le poids de la clameur populaire. La flambée du prix des matières premières (farine, sucre, huile), conséquence des agissements d’une poignée de spéculateurs de Chicago, a affamé Tunisiens, Egyptiens et autres peuples voisins. Le chômage, la corruption ont eu raison de ces gouvernements autoritaires.

Dans son rapport annuel intitulé « Une nouvelle région méditerranéenne : vers la réalisation d’une transition fondamentale », le Femise fait état des relations très étroites qu’entretenaient les chef d’entreprises tunisiens et égyptiens avec le pouvoir législatif. Certains siégeaient d’ailleurs au Parlement. Près de 180 entreprises tunisiennes étaient contrôlées par le clan Ben Ali !

La transition démocratique dans la région euroméditerranéenne est en chemin avec la Tunisie comme chef de file. La deuxième République tunisienne est en marche. Au même titre que les pays de l’Est dans les années 90, ces révolutions impactent l’économie avec une production industrielle à l’arrêt durant plusieurs semaines et des exportations affaiblies alors que depuis 2008 les pays méditerranéens connaissaient des taux de croissance de près de 5%.

NÉCESSITÉ DE ROMPRE AVEC LES ANCIENNES PRATIQUES

Les premières semaines d’émeutes en Tunisie ont coûté 1,6 milliard d’euros au pays soit près de 4% du PIB. Le cas égyptien est similaire avec des pertes dans la production industrielle et un coup d’arrêt de la fréquentation touristique. Le Maroc bénéficie d’un report de la clientèle se traduisant par une hausse de 8,5 % de ses revenus touristiques en dépit du Printemps Arabe et de l’attentat de Marrakech.

Les Investissements directs étrangers (IDE) orientés à la hausse ces dernières années, accusent le coup avec une fuite des capitaux dès les premiers jours de janvier. « Les IDE ont chuté de 21% en Tunisie au début de l’année 2011 et en Egypte le recul estimé a été de 68% ! Lors de  la crise économique de 2008, nous avions noté un ralentissement des IDE et  une reprise au bout d’un an. A présent, les investisseurs ont besoin d’être convaincus que ces pays ont rompu avec les anciennes pratiques. Sur le court terme, ces Etats vont traverser une période d’instabilité. L’expérience empirique démontre que l’ouverture démocratique apporte de la stabilité sur le long terme. Il faut recréer de la confiance dans les Etats », commente Constantin Tsakas, économiste du Femise et contributeur au rapport.

Il est également urgent de résoudre la question du chômage chez les jeunes et de l’inadaptation des formations aux besoins du monde industriel. L’arrêt de la production a contraint les employeurs à licencier avec un impact non négligeable sur le nombre de chômeurs qui devrait augmenter de 6,5% dans toute la région. Ainsi, le taux de chômage  régional devrait atteindre 10,3% et avoisiner les 12,2% en Egypte et 16% en Tunisie.

Avec la rente pétrolière, l’Algérie reste un cas à part, tandis que la Jordanie et le Maroc ont su très vite « recadrer » leur régime en tenant compte de la clameur de la rue. Les efforts de ces deux pays ainsi que ceux entrepris dans le passé par la Turquie, aujourd’hui pays relativement avancé sur la « courbe en J », pourraient servir d’exemple dans la région méditerranéenne.

Afin de soutenir les Etats à stabiliser leurs économies et les aider à passer le cap de la transition économique, les Etats occidentaux ont décidé, lors du sommet de Deauville en septembre dernier, d’accorder 40 mds € à la Tunisie et à l’Egypte. Aide à laquelle le FMI est venu abonder de 40 mds € pour la région euro-med.

Lire le rapport annuel

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Article de Nathalie Bureau du Colombier, Econostrum. L’article fait partie d’une série d’articles conjoints réalisés dans le cadre d’un partenariat entre Femise et Econostrum pour l’année 2011, qui alimentent également la rubrique « Grand Angle»  du site d’information Econostrum. Vous pouvez retrouver cette rubrique et toutes les informations à l’adresse suivante:www.econostrum.info. L’inscription à la newsletter d’econostrum est accessible par: http://www.econostrum.info/subscription/

Une transition difficile mais si fondamentale pour la Méditerranée

imagesL’espoir d’une vie meilleure renaît pour les habitants des pays méditerranéens. La rupture avec les anciens régimes autoritaires consommée, les États traversent à présent une phase de transition au cours de laquelle ils vont expérimenter l’ouverture démocratique et devront réduire les inégalités.

C’est inéluctable, le chômage va augmenter, le PIB et les investissements directs étrangers vont faire un bond en arrière. La phase de transition amorcée en 2011 par les pays méditerranéens du printemps arabe sera un long parcours semé d’embûches tout comme la Pologne et autres pays de l’Est l’avaient expérimenté dans les années 90 lors de l’effondrement du bloc communiste.

« Les pays du sud vont entrer dans une phase de transition et passer d’un régime captateur et autoritaire à la démocratie. Une élite d’hommes d’affaires, très proches du pouvoir politique a engendré des rentes de situation. La connivence était de mise lors des appels d’offres. La corruption s’est peu à peu généralisée jusqu’au point d’obtenir une autorisation pour exercer une activité de commerce ambulant !», explique Jean-Louis Reiffers dans le rapport annuel 2011 du forum Euroméditerranéen des Instituts de Sciences économiques (FEMISE) intitulé « Une nouvelle région méditerranéenne : vers la réalisation d’une transition fondamentale ».

Un document dans lequel, le président du Conseil scientifique de l’Institut de la Méditerranée et coordinateur du FEMISE, aux côtés d’Ahmed Galal, président du Forum de recherche économique en Égypte, pointe du doigt les déficiences des États méditerranéens et surtout en appelle à la création d’un fonds de stabilisation des prix des denrées alimentaires de base (huile, farine et sucre).

Inscrit au rang des priorités lors de la réunion du G8 à Marseille, ce fonds de compensation sera abondé par la communauté internationale qui s’est engagée à débloquer 27 mrds € pour la Tunisie, l’Égypte, le Maroc et la Jordanie d’ici 2013.

« Le prix du blé avait augmenté de 15% en trois mois. Et n’allez pas expliquer à la ménagère tunisienne que les incendies en Russie et la spéculation des acheteurs à terme du marché de Chicago sont à l’origine de cette flambée du prix du blé tendre ! », indique Jean-Louis Reiffers.

Réduire les inégalités entre les régions côtières et les campagnes

Le Femise pointe du doigt l’accroissement des inégalités entre les régions côtières, portées par le tourisme notamment, et les régions rurales où le taux de pauvreté est supérieur, comme l’analphabétisme et où un système de santé déficient se traduit par un taux de mortalité supérieur en particulier chez les petites filles. « Le modèle de croissance est non inclusif. La réduction de la pauvreté est inférieure au rythme de croissance. Celle-ci bénéficie aux gagnants marginalisant encore un peu plus les pauvres », insiste Jean-Louis Reiffers.

Le développement économique des pays méditerranéens passe donc par la mise en place de systèmes de transfert plus efficaces et la dynamisation de secteurs pourvoyeurs de main d’œuvre pour les populations pauvres.

Le Femise suggère également le soutien à la création de PME et PMI afin que les IDE puissent se diffuser dans toutes les couches de l’économie et ne pas seulement bénéficier aux grands groupes. La décentralisation intelligente favoriserait également un meilleur équilibre économique et une répartition équitable des ressources. Envisagée comme principal moyen d’action, une libéralisation des échanges supplémentaire ne pourra contribuer à régler les principaux problèmes posés par la transition en Méditerranée.

Lire le rapport

Article de Nathalie Bureau du Colombier, Econostrum. L’article fait partie d’une série d’articles conjoints réalisés dans le cadre d’un partenariat entre Femise et Econostrum pour l’année 2011, qui alimentent également la rubrique « Grand Angle»  du site d’information Econostrum. Vous pouvez retrouver cette rubrique et toutes les informations à l’adresse suivante: www.econostrum.info. L’inscription à la newsletter d’econostrum est accessible par: http://www.econostrum.info/subscription/

Grandeur et décadence des régimes autoritaires en Méditerranée

Photo LacenLes têtes sont tombées en Méditerranée signant la fin de plusieurs décennies de régimes autoritaires et d’une corruption infiltrée dans toutes les couches de la société. À présent, le challenge consiste à définir de nouvelles règles du jeu sur des bases assainies. L’espoir se fait jour d’une gouvernance empreinte de transparence et assortie d’organismes de contrôle.

Pas si simple de tirer un trait sur cinquante années de régimes autoritaires… Pas si simple non plus de se défaire d’une culture basée sur la peur, l’oppression, l’interdiction de la liberté d’expression, les bakchichs et la corruption. Égypte, Tunisie, Libye et peut-être demain Syrie et Algérie, vont expérimenter les balbutiements d’une démocratie.

« Les peuples aspirent à se forger une nouvelle identité. Ils sont en rupture avec les systèmes occidentaux qu’ils considèrent comme complices des régimes autoritaires dans le but d’assouvir leurs intérêts. Répression et abus persistent dans certains pays. Les nouvelles constitutions permettront d’expérimenter la démocratie. Les peuples regardent le régime turc et se disent qu’Islam et démocratie ne sont pas incompatibles », souligne Lahcen Achy, professeur d’économie à l’INSEA (Institut National de Statistiques et d’Économie appliquée à Rabat).

Contributeur au dernier rapport annuel sur le partenariat Euro-Méditerranéen du Femise « Une nouvelle région méditerranéenne : vers la réalisation d’une transition fondamentale », Lahcen Achy rappelle que les régimes autoritaires étaient assis sur un fort interventionnisme étatique calqué sur le modèle socialiste : gratuité des transports, de la santé, accès aux universités, aux fonctions militaires, subventions à la consommation… Le tout dans un contexte où les expropriations de grands propriétaires terriens et anciens colons étaient courantes.

L’Algérie, un cas à part

Le vent a tourné fin des années 90 avec les grandes vagues de privatisation. Les régimes socialistes découvrent alors la dure loi de la globalisation et de la concurrence internationale. Les salaires dans la fonction publique fondent comme neige au soleil et la corruption devient un sport national en Égypte, au Maroc, en Algérie, car elle permet d’arrondir les fins de mois. Dans l’administration le laxisme domine. La productivité est alors un terme inconnu des fonctionnaires.

La corruption s’organise à grande échelle au sein de la Sonatrach par exemple. Les appels d’offres pour la réalisation de grandes infrastructures sont truqués. Le fossé des inégalités se creuse.

« Ces régimes ont de nombreux points communs basés sur le partage des rentes avec l’autoritarisme en contrepartie. La Libye se démarque. Le pays ne possède pas d’administration, tout était concentré entre les mains de Khadafi. La Syrie a multiplié les services de sécurité et le pays n’a pas de réelle gouvernance. L’Algérie semble plus complexe. Pétrole et gaz font de l’Algérie un pays indépendant et riche sans pour autant que le peuple en perçoive les fruits. La situation sociale apparaît préoccupante. Les militaires détiennent le pouvoir et faire tomber Abdelaziz Bouteflika ne changera rien », analyse Lahcen Achy qui rappelle que les manifestations en début d’année ont été violemment réprimées.

Les Algériens gardent en mémoire les années de terreur et les 100 000 victimes du Front islamique du Salut dans les années 90, arrivé au pouvoir… après des élections.

Télécharger le rapport annuel du Femise

Photo Econostrum-MPV

Article de Nathalie Bureau du Colombier, Econostrum. L’article fait partie d’une série d’articles conjoints réalisés dans le cadre d’un partenariat entre Femise et Econostrum pour l’année 2011, qui alimentent également la rubrique « Grand Angle»  du site d’information Econostrum. Vous pouvez retrouver cette rubrique et toutes les informations à l’adresse suivante:www.econostrum.info. L’inscription à la newsletter d’econostrum est accessible par: http://www.econostrum.info/subscription/

Santé et éducation attirent les investisseurs étrangers sur le long terme dans les pays MENA

Photo by DR/Econostrum

Le développement social de la population influence-t-il les performances économiques? Une étude du Femise, financée par l’Union européenne, met en lumière la corrélation entre libertés individuelles, degré d’ouverture au commerce et investissements directs étrangers dans les pays de la région MENA (Afrique du Nord et Moyen-Orient).

L’ouverture d’un pays sur l’extérieur et l’attrait qu’il suscite auprès des investisseurs étrangers sont des facteurs de croissance économique. Dans les pays de la région MENA, commerce et investissements directs étrangers (IDE) font bon ménage : ces pays doivent donc poursuivre leurs réformes pour s’ouvrir davantage vers l’extérieur, notent des chercheurs de l »université de Varsovie et de l »université hébraïque de Jérusalem, dans une étude réalisée sous l »égide du Femise (FEM33-11 ).

En revanche, relèvent-ils, « de gros efforts devraient être portés sur le maintien de l’élargissement du degré d’ouverture au commerce et aux libertés individuelles. Un niveau plus élevé de libertés individuelles associé à une mise en application rigoureuse des contrats et de hauts standards dans l’application de la loi promeuvent les IDE« .  A l’inverse, l’instabilité sociale et le désordre politique les repoussent.

Santé et éducation stimulent les IDE

Qu’en est-il alors des facteurs humains? Les chercheurs ont déterminé une série de critères susceptibles d »avoir un impact sur ces IDE, tels que l »espérance de vie, l »égalité des sexes et le niveau d’éducation. Ils constatent ainsi qu’une vie longue et saine et un niveau élevé d’éducation sont des facteurs clés pour stimuler les IDE. « Cela laisse penser que les investissements de santé et d’éducation contribueraient à accroître le capital humain et, par conséquent, le niveau d’exportations des pays méditerranéens se verrait lui aussi augmenté« , souligne l »étude.

Le rôle de l’éducation apparait plus prononcé lorsqu’il est couplé à une croissance positive des revenus, tandis que la distribution équitable des revenus stimulerait exportations et importations. A l’inverse, des conditions de vie décentes ne sont pas un critère important pour les investisseurs, estiment les chercheurs.

Influence sur le long terme

L »attrait exercé par le niveau de développement humain sur les investisseurs étrangers se mesure sur plusieurs années, relève par ailleurs l »étude. « Notre analyse a montré que l’Indice de développement humain influence les décisions des investisseurs étrangers sur le long terme, et non sur une année déterminée« , concluent les experts.

A travers l’indice de discrimination de genre, ils sont également arrivés au constat que le niveau d’exportation des pays méditerranéens est d’autant plus élevé qu’il règne davantage d’égalité dans la participation économique et dans la prise de décision. Sachant que la part des importations et exportations dans le PIB joue un rôle moteur dans l’attraction des investisseurs étrangers, les pays de la zone MENA vont devoir faire de gros efforts pour stabiliser leur environnement macroéconomique tout en promouvant l’égalité des sexes s’ils veulent améliorer durablement leur croissance économique.

Photo by DR/Econostrum

*L’article de Marie Pierre Vega fait partie d’une série d’articles conjoints réalisés dans le cadre d’un partenariat entre Femise et Econostrum pour l’année 2010, qui alimenteront également la rubrique « Réflexion Méditerranéenne»  du site d’information Econostrum. Vous pouvez retrouver cette rubrique et toutes les informations à l’adresse suivante : www.econostrum.info. L’inscription à la newsletter d’econostrum est accessible par : http://www.econostrum.info/subscription/