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Déficits Jumeaux et Viabilité des Politiques Macroéconomiques Dans Une Sélection de Pays Européens et Méditerranéens Partenaires

Nos résultats empiriques valident l’hypothèse des déficits jumeaux pour les deux échantillons de pays UE et MED, avec toutefois des résultats contrastés concernant la direction du lien de causalité. Alors que la balance commerciale semble contribuer au déficit budgétaire dans les pays MED, validant ainsi l’approche de ciblage de compte courant, la relation apparait comme étant inversée pour les pays de l’UE, où le solde budgétaire semble influencer le compte courant. Compte tenu de la dépendance avérée des pays MED au commerce avec l’UE et du fait que la plupart des pays de l’UE ont mis en œuvre des politiques d’austérité suite aux crises financières (restreignant ainsi la demande globale et les importations), nous considérons que la baisse des recettes d’exportation qui en a découlée dans les pays MED a contribué à l’augmentation du déficit budgétaire de ces pays, en vertu du lien de causalité positif entre le compte courant et le solde budgétaire. Une réponse naturelle des responsables politiques dans les pays MED serait de mettre en œuvre des politiques d’austérité, et bien que de telles politiques puissent être nécessaires, elles n’en restent pas moins socialement couteuses dans le contexte social actuel des pays MED, et ne permettraient pas pour autant de stabiliser la balance budgétaire, puisqu’elles n’affecteraient pas la balance commerciale. Par conséquent, nos résultats sont une alerte à de telles politiques macroéconomiques « toutes faites », et indiquent clairement que les politiques d’austérité dans les pays de l’UE ont des conséquences inattendues sur la stabilité financière des pays MED. Nous appelons donc à une meilleure coordination des politiques macroéconomiques entre l’UE et ces partenaires du Sud de la méditerranée.

Une question politique majeure à laquelle ces pays seront confrontés dans les années à venir, sera de savoir si les politiques macroéconomiques sont vouées à l’échec et les conduisent dans une impasse. Quant à l’introduction des programmes de stabilisation macroéconomiques dans les pays de l’UE et dans les pays MED, de toute évidence il n’y aura plus de possibilité et d’espace pour conduire de nouvelles combinaisons de politiques monétaires et fiscales afin de contrôler ces déséquilibres macroéconomiques. Pour des pays méditerranéens tels que le Liban et la Jordanie avec un espace fiscal limité, un taux de change fixe et une ouverture du compte de capital, la politique monétaire est déjà sans effets en termes de stabilisation macroéconomique. L’Egypte a pu améliorer l’efficacité de sa politique monétaire pour faire face aux chocs externes grâce à un choix stratégique de passer à un régime de change flexible. La Tunisie et le Maroc semblent également suivre cette direction. Bien que l’espace fiscal de l’UE soit également limité du fait de l’accumulation de dettes publiques considérables, l’exécution du programme d’assouplissement quantitatif (QE – Quantitatif Easing) de la Banque centrale européenne reste un outil efficace pour assurer la viabilité des politiques fiscales et prévenir le développement de nouvelles crises telle que la crise de la dette grecque.

Avec la crise de la dette actuelle qui se développe dans certains pays de l’UE, les faibles taux de croissance du PIB, les prix du pétrole et les niveaux d’endettement élevés dans plusieurs pays MED, la politique fiscale n’est clairement plus une option de politique macroéconomique eu égard à l’espace fiscal limité. Avec la politique monétaire conduite par la Banque centrale européenne et l’absence d’union politique, les pays de l’UE ont accusé d’importants déficits du compte courant et du budget au cours de ces dix dernières années. Les politiques monétaires resteront sans effet tant que les attentes du secteur privé ne seront pas comblées et que le secteur bancaire restera en mauvaise santé, tout particulièrement les banques italiennes et grecques. La crise de la dette en Grèce a un impact négatif sur le comportement et les attentes des entreprises et des consommateurs, et les mesures d’austérité affectent négativement la demande globale et le taux de croissance du PIB. Particulièrement, la stagnation des salaires et les taux élevés de chômage ont une incidence défavorable sur la demande intérieure, surtout lorsque la plupart des pays MED et de l’UE ne disposent plus d’espace fiscal suite à l’accumulation de larges dettes publiques et de déficits budgétaires et de la balance commerciale récurrents.

Dans la région MENA, l’inefficacité de la politique monétaire est attribuable à la présence de taux de change fixes et à la libre circulation des capitaux. En conséquence, les politiques gouvernementales (fiscales et monétaires) sont dans l’impossibilité de faire face aux déséquilibres macroéconomiques actuels, ouvrant ainsi la voie à de futures crises financières et monétaires. Par conséquent, les gouvernements européens et méditerranéens devront : (1) réduire le la taille du secteur public en faveur du secteur privé ; (2) canaliser les liquidités vers le secteur privé par des prêts et en encourageant les investissements pour des entreprises productives ; (3) réduire les dépenses du gouvernement et augmenter les taxes du côté de l’offre. Enfin, et étant donné l’inefficacité tant des politiques fiscales que monétaires, le secteur public doit exercer un rôle central pour faire face aux défis d’envergure que représentent les déséquilibres macroéconomiques, en améliorant en premier lieu ces attentes en Europe comme en Méditerranée. Ceci devrait avoir pour effet d’augmenter le taux de croissance du PIB et de rendre la dette plus viable. Ensuite, les mesures d’austérité et d’ajustement structurel pourront être introduites. Cela assurera alors une croissance économique durable, et réduira grandement les risques de futures crises de la dette et de crises monétaires.

L’Europe se transforme en forteresse, or elle a besoin de main-d’œuvre

Tsakaonas« Irakiens, Syriens, Pakistanais… Ils sont des millions à avoir quitté leur pays sans perspective de retour. Un phénomène d’ampleur historique auquel l’Europe n’était pas préparée », annonce Panayotis J. Tsakonas, professeur des relations internationales, études sécuritaires et analyse de la Politique étrangère à l’université d’Egée. (Photo a gauche par Photo N.B.C)

Tsakonas2Traverser la Méditerranée devient un risque sans précédent : 3 200 hommes, femmes et enfants ont péri en mer en tentant de rejoindre les côtes en 2014. Cette même année, 219 000 migrants sont parvenus à rejoindre l’Europe sains et saufs. Ce flot d’immigrés connaît une croissance exponentielle.
En 2015, ils étaient plus d’un million dont 972 551 arrivés par la mer (818 654 en Grèce et 150 200 en Italie). Le nombre de personnes qui a péri en mer cette année est encore plus important. Pour les demandeurs d’asile, la Suède, l’Allemagne et la France arrivent en tête des destinations favorites.
Double peine pour la Grèce, qui supporte le poids de la crise économique et celui des migrants. Elle est pourtant mise au ban de l’espace Schengen. Des remarques présentées par Panayotis J. Tsakonas, Professeur des relations internationales, études sécuritaires et analyse de la Politique étrangère à l’université d’Egée lors  de son intervention lors de la session plénière de la conférence annuelle du FEMISE (13-14 Février, 2016, Athènes, Grèce)*.

Faire appliquer le Traité de Lisbonne

Que faire face à ce drame humain ? « La politique européenne vis-à-vis des immigrés clandestins s’avère inefficace. Nous assistons à la montée des partis d’extrême droite en Europe avec des gouvernements qui resserrent leurs contrôles aux frontières. L’Europe se transforme en forteresse. Aujourd’hui, la Turquie compte 2,5 millions de réfugiés. En Jordanie, ils sont 800 000, soit 1/5ème de la population. Leur intégration pose problème »,  explique Prof. Panayotis J. Tsakonas.Il rappelle que les États signataires du traité de Lisbonne doivent accepter la relocalisation des migrants au sein de l’Union européenne. Or, sur les 1,6 millions de migrants, seulement 400 000 ont été effectivement placés.

Pour une approche holistique et structurée

Tsakonas3aPanayotis J. Tsakonas préconise une approche holistique et structurée. « Nous devons élaborer une stratégie au regard de la crise des réfugiés sans chercher à résoudre les conflits dans la région. Nous n’avons pas de solution au problème », admet l’économiste grec qui entrevoit une opportunité pour l’Europe vieillissante. « Dans le cadre d’une économie globalisée, nous pouvons faire appel à 200 000 immigrés. Parmi eux se trouvent des personnes qualifiées », ajoute-t-il en se félicitant de l’attitude d’Angela Merkel.Le changement climatique pourrait exacerber le phénomène avec un flot d’immigrés croissant. Selon Panayotis J. Tsakonas, cette nouvelle menace plane sur les pays du sud. La désertification en Afrique du Nord risque d’aggraver les conflits. Réduction de la ressource hydrique, pénurie énergétique, sécurité alimentaire, catastrophes naturelles pourraient déstabiliser les États dans une région déjà si fragile. « Cela crée une interdépendance avec d’autres défis auxquels doivent faire face les pays arabes »,  conclut le professeur Tsakonas.
*Pour en savoir plus sur la conférence et l’intervention de Prof. Tsakonas intitulée : « The Migration/Refugees crisis in the Mediterranean : EU perspectives and strategies », veuillez cliquer ici.
Interview  par Nathalie Bureau du Colombier, Econostrum lors de la Conference 2016 du FEMISE, Athenes, Grece.

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