Archives du Tag : MENA

La complexification des systèmes productifs comme vecteur de transition économique et le rôle des politiques de court terme

FEMISE a le plaisir d’annoncer la publication de son projet de recherche FEM42-07, « La complexification des systèmes productifs comme vecteur de transition économique dans les MENA et le rôle des politiques de court terme”, coordonné par Pr. Nicolas Peridy (LEAD, Université de Toulon).

Notre travail montre que la complexité économique d’un pays peut être affectée par la performance de ses voisins puis influencée par sa propre position géographique. Toutefois, ce processus peut masquer des phénomènes régionaux de divergence qu’il faut mettre en relation avec les rôles joués par les politiques publiques nationales et/ou régionales, ainsi que les dynamiques économiques, structurelles et démographiques (Pib/tête, éducation, innovation, ressources naturelles, urbanisation, …).

Les principales recommandations sont :

  • Soutenir le développement des produits nouveaux et hautement sophistiqués commençant par fournir des incitations pour produire ces nouveaux produits, et cibler les activités qui ont des effets d’entrainement. En particulier, la Tunisie et les EAU devraient développer des produits complexes comme les machines, les clusters industriels chimiques et électriques
  • Mettre rapidement en place des formations adaptées aux changements technologiques
  1. Développer les formations en alternance dans les filières techniques, technologiques, industrielles et de services sur les secteurs innovants et à forte valeur ajoutée
  2. Développer la formation continue dans ces mêmes secteurs
  3. Ouvrir les formations des entreprises dans l’acquisition de compétences spécifiques dans ces domaines (en incluant des formations OMC sur le rôle du commerce international comme vecteur de sophistication technologique)
  • Réformer l’enseignement supérieur et professionnel
  1. Renforcer l’adéquation des formations par rapport aux nouveaux métiers
  2. Développer les partenariats avec les universités européennes, asiatiques ou américaines
  3. Développer les partenariats public/privé
  4. Utiliser le système des diplômes délocalisés professionnalisés
  • Développer des secteurs innovants (soutien à certaines start-up, aux IDE, développement de zones franches ou de zones d’entreprises technologiques) notamment par une politique d’incitation fiscale
  • Améliorer la liberté économique notamment grâce à des lois de simplification administrative. Cela contribuera à l’amélioration de l’environnement des affaires en lien avec une réforme du marché du travail visant à le rendre plus flexible, transparent et compétitif (loi travail)
  • Développer ou renforcer les partenariats commerciaux avec les pays partenaires avancés technologiquement afin de développer les effets de diffusion spatiale (UE, ALENA, etc…), y compris entre régions frontalières (effets de diffusion territoriale) ; renforcer le partenariat GAFTA afin de bénéficier d’économies d’échelle dans les secteurs technologiques
  • Améliorer la performance logistique avec des investissements appropriés mais surtout des réformes adéquates (facilitation commerciale dans les ports, réduction et simplification des procédures administratives, amélioration de l’efficacité des contrôles douanier, automatisation des procédures, lutte efficace contre la corruption, etc.…)
  • Améliorer la gouvernance afin notamment de lutter efficacement contre la corruption et favoriser la transparence.
  • Réforme de la fiscalité afin de la rendre plus simple, plus efficace et plus incitative
  • Utiliser des politiques macroéconomiques saines afin notamment de réduire la vulnérabilité économique des pays MENA (politiques budgétaires et fiscales durables, gestion de la dette, politiques monétaires contrôlées)
  • Améliorer la gestion des ressources naturelles (gaz, pétrole, etc..) :
  1. utiliser les bénéfices des ressources naturelles pour diversifier l’économie et la sophistiquer
  2. développement de zones industrielles basées sur l’avantage comparatif dans les ressources naturelles
  3. octroi de facilités de financement aux PME et renforcement des capacités des entreprises locales pour accélérer la transformation structurelle
  4. poursuite de l’amélioration des politiques macroéconomiques pour gérer efficacement les risques associés au syndrome hollandais et à la volatilité des recettes en provenance des ressources naturelles
  5. créer un environnement favorable à l’investissement privé

Ces recommandations peuvent être initiées et mises en œuvre rapidement par les Etats qui doivent envoyer un signal fort à destination des acteurs économiques afin d’accélérer ce processus de sophistication des économies méditerranéennes, dans le but de favoriser la croissance et l’emploi, notamment qualifié.

 

Les investissements directs étrangers victimes collatérales du Printemps Arabe

Moteur de la croissance économique, les investissements directs étrangers (IDE) au Moyen-Orient et en Afrique du Nord (MENA) ont connu leur apogée en 2006. Fragilisées par la crise financière mondiale, les économies occidentales ont mis un coup d’arrêt à leurs investissements dans les pays MENA. La transition démocratique a, dans la foulée, accéléré la chute des IDE dans un contexte de climat des affaires dégradé, d’insécurité juridique et d’instabilité politique. Le FEMISE analyse les incidences du processus de libéralisation politique et commerciale dans l’évolution des investissements directs étrangers. (Rapport FEMISE FEM41-07)

Le lancement du nouveau port de Tanger Med en 2007 illustre l’exemple d’un PPP réussi et le rôle capital des IDE. (Photo F. Dubessy)

Le lancement du nouveau port de Tanger Med en 2007 illustre l’exemple d’un PPP réussi et le rôle capital des IDE. (Photo F. Dubessy)

Créateur de richesse et d’emplois, l’investissement direct étranger (IDE) a connu des années fastes entre 2005 et 2008, en particulier au Maroc et en Tunisie avec des croissances de 50 et 252% respectivement. Les bases de grands projets structurants pour ces deux pays étaient jetées, l’état souverain ayant pris conscience de l’enjeu stratégique des partenariats publics privés (PPP).  Le lancement du nouveau port de Tanger Med en 2007 illustre l’exemple d’un PPP  réussi et le rôle capital des IDE. 

Sans grande surprise, ces pays, mais également l’ensemble de la région, ont dès 2009 et jusqu’en 2012 enregistré une chute drastique des IDE. Le Femise, dans le rapport FEM 41-07, pointe plusieurs critères déterminants dans la décision d’investir dans un pays étranger : proximité géographique, liens culturels, langue et religion. D’autres facteurs tels que la qualité des institutions et la situation économique jouent un rôle également déterminant.Ainsi, lors des événements du printemps arabe, les pays du Maghreb se sont engagés dans la transition démocratique, avec cependant au passage une instabilité politique et judiciaire, avec aussi des craintes d’expropriation ou l’insécurité quant à la propriété intellectuelle. Les investisseurs ont également besoin d’être rassurés sur l’absence de corruption, de violence (attentats terroristes, violences civiles, guerre).

Situations disparates entre les pays producteurs et non producteurs de pétrole

Les investissements directs étrangers victimes collatérales du Printemps Arabe
Selon les chiffres de l’OCDE, les flux entrants chutent de 27% en moyenne entre 2008 et 2009 et de 13% entre 2009 et 2010, pour atteindre 11 milliards de dollars en 2010. En 2009, ils se contractent de 15% en Jordanie, de 22% au Maroc et  de 39% en Tunisie.  « Tous les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord sont en dessous de leur potentiel sur la période 2009-2012, à l’exception de l’Irak, d’Oman, de l’Égypte et de la Jordanie », note le Femise, dans un rapport placé sous la coordination de Juliette Milgram, économiste à l’université de Grenade. Le document analyse les pays sources et de destination. Il met en lumière des situations sensiblement différentes concernant les pays producteurs de pétrole. « De toute évidence, la région MENA ne devrait pas être considérée comme un bloc homogène. Les exportateurs de pétrole peuvent attirer des investissements dans les ressources naturelles (…) », fait remarquer le rapport Femise.

 

Pour sa part, l’OCDE note que « Pour que les pays maintiennent les taux de  croissance obtenus avant la crise financière mondiale et les bouleversement survenus en 2011 et qu’ils stimulent la compétitivité économique, l’écart dans les investissements d’infrastructure qui doit être comblé dans la région MENA est évalué à environ 75-100 milliards USD par  an ».L’organisation a mis en place, au lendemain du sommet G8 de Deauville, un programme de soutien à la Sécurité des investissements  dans la région Méditerranée (ISMED) dans les pays arabes en transition.

Accédez au rapport FEMISE en cliquant ici .

Article réalisé par en partenariat avec Econostrum 

S’inscrire à la Newsletter de Econostrum : http://www.econostrum.info/subscript

IDE dans la région MENA: impact du processus de libéralisation politique et commerciale

Cette étude porte sur les IDE dans les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord (MENA). Dans ce but, nous utilisons des données sur les IDE nouvelles (« greenfields », GI) de la base de données FDI Markets qui contient des informations sur le nombre et le volume de projets par pays de provenance et par destination pour la période 2003-2012.

Dans un premier temps, nous fournissons une vue d’ensemble de la nature et de la tendance des IDE vers la région MENA. Dans une deuxième étape, nous estimons une équation de gravité pour expliquer les GI de 160 pays.Troisièmement, nous étudions le rôle de la qualité institutionnelle comme facteur d’attraction des IDE.

D’après les résultats de notre étude, l’amélioration de la qualité institutionnelle est plus susceptible de favoriser les IDE dans les pays MENA producteurs de pétrole, alors que la présence de ressources naturelles pourrait compromettre l’impact positif que la qualité institutionnelle pourrait avoir sur les IDE. Cela s’explique peut-être par le fait que la production de pétrole de ces pays MENA est si élevée et que leur dépendance aux IDE est si faible que les gouvernements n’ont pas développé de liens particuliers avec les multinationales alors que dans d’autres pays abondants en ressources naturelles, les gouvernements non-démocratiques ont accordé un traitement spécial aux investisseurs étrangers.

FEMISE MED BRIEF no3 : IDE en MENA et impact du contexte institutionnel

FEMISE inaugure le lancement de sa nouvelle série de Policy Briefs MED BRIEF qui ambitionne de fournir une réflexion novatrice  pour la région euro-méditerranéenne. Les Policy Briefs contiennent une analyse succincte et politiquement pertinente sur d’importantes questions EuroMed et présentent aux décideurs politiques les points de vue des chercheurs FEMISE et des partenaires du réseau.

Le troisième numéro de MED BRIEF (L’investissement direct étranger dans la région MENA: l’impact du contexte institutionnel) est disponible ici (en GB).

 

Pr. Juliette Milgram Baleix (University of Granada, FEMISE)

Ce Policy Brief, écrit par Pr. Juliette Milgram Baleix (University of Granada) résume les conclusions d’une étude sur les déterminants de l’investissement greenfield dans la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA). Les résultats soulignent que les déficiences institutionnelles découragent les investissements directs étrangers dans la région et, en particulier, pour les principaux producteurs de pétrole. Des améliorations dans les domaines de la démocratisation, de la qualité institutionnelle et de la réduction de la violence pourraient rendre la région plus attrayante pour les investisseurs étrangers.

La liste des FEMISE MED BRIEF est disponible ici.

 

Le Policy Brief a été réalisé avec l’aide financière de l’Union européenne dans le cadre du programme FEMISE. Le contenu de ce document relève de la seule responsabilité des auteurs et ne peut en aucun cas être considéré comme reflétant la position de l’Union européenne.

La sélection culturelle des émigrés: Résultats pour les pays du MENA

La sélection des migrants par la culture, les normes et les croyances est une question sous-étudiée dans la littérature existante. Cet article analyse les liens entre les traits culturels, les aspirations migratoires, les projets d’émigration à court terme, et les choix de destination au départ des pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord (MENA). Nous utilisons les enquêtes Gallup World Poll (GWP) qui documentent les aspirations migratoires, les opinions et les caractéristiques personnelles des répondants. Notre échantillon est limité à 17 pays du MENA dans lesquels une enquête GWP (au minimum) a été réalisée entre les années 2007 et 2016.

En guise de prémisse, nous montrons que les aspirations migratoires sont corrélées avec les flux migratoires réels. Ceci suggère que les déterminants des aspirations migratoires sont susceptibles d’être similaires à ceux des migrations effectives. La proportion moyenne de migrants potentiels dans notre échantillon est de 24%. La proportion la plus élevée est observée en Syrie (35%); elle est proche de 30% en Jordanie et en Algérie ; au Niger, en Azerbaïdjan et au Tchad, cette part est d’environ 20%. En raison de la proximité culturelle et des effets de réseau qu’ils engendrent, les anciens liens coloniaux continuent d’influencer les destinations préférées des migrants potentiels. En moyenne, 52,3% des migrants potentiels du MENA souhaitent migrer vers un pays de destination de l’OCDE. Cette part s’élève à 90% au Maroc et en Algérie, alors qu’elle ne représente que 10% au Yémen et au Niger.

Nous menons ensuite une analyse de composante principale en deux étapes sur un ensemble de 12 questions pour extraire quatre indicateurs synthétiques de traits culturels. Nous constatons que le Liban et l’Azerbaïdjan sont les plus progressistes en termes d’inégalités hommes-femmes. L’Iran et l’Azerbaïdjan sont les plus progressistes en matière de religiosité ; au contraire, les pays d’Afrique subsaharienne (le Tchad, la Mauritanie, le Mali et le Niger) présentent un haut niveau de religiosité. L’Iran, l’Afghanistan et la Syrie présentent les niveaux de générosité les plus élevés. Enfin, les cinq pays du MENA ayant connu des turbulences et des émeutes pendant le printemps arabe (l’Algérie, l’Égypte, l’Irak, la Tunisie et le Yémen) présentent les opinions les plus progressistes concernant l’utilisation de la violence sur les civils. Dans ces pays, une grande partie de la population soutient qu’il est indéfendable d’utiliser toute forme de violence contre les civils.

Dans notre analyse empirique, nous nous concentrons sur les deux indicateurs culturels les plus corrélés avec le niveau de développement économique, les attitudes par rapport aux inégalités hommes-femmes et la religiosité. Afin d’identifier l’effet de ces traits culturels sur les aspirations migratoires, nous estimons des modèles logit avec effets fixes sur plusieurs sous-échantillons. Dans l’échantillon complet, les aspirations migratoires varient positivement avec les vues progressistes en matière de religiosité ; elles ne varient pas avec les opinions quant aux inégalités hommes-femmes. Lorsqu’on distingue les aspirations migratoires vers les pays-membres de l’OCDE et vers les autres destinations, les résultats révèlent que les traits culturels n’exercent pas d‘effet significatif sur les intentions migratoires à destination des pays non-membres de l’OCDE. En revanche, la progressivité en termes de religiosité et d’égalité entre les sexes affecte positivement les aspirations à migrer vers les pays-membres de l’OCDE. Nous analysons également si les traits culturels affectent les projets migratoires concrets pour les 12 prochains mois. L’effet de la religiosité reste significatif ; il est même plus important que pour les aspirations migratoires. L’effet des attitudes vis-à-vis des inégalités hommes-femmes est non significatif.

Ces résultats sont soumis à une large batterie de tests de robustesse. Premièrement, nous distinguons les trois catégories de pays de l’OCDE qui sont fréquemment renseignés comme destination préférée dans les données, les pays de l’Union européenne, l’Amérique du Nord et la Turquie. Nos résultats confirment que les attitudes vis-à-vis des inégalités hommes-femmes demeurent non significatives ou marginalement significatives quel que soit le groupe de destination ; l’effet de la religiosité demeure très significatif pour les destinations européennes ou l’Amérique du Nord, alors qu’il ne l’est pas pour la Turquie. Deuxièmement, nous considérons différents sous-échantillons de répondants en fonction de leur niveau de diplôme. Les résultats révèlent que la sélection par la culture affecte tous les niveaux d’éducation. Troisièmement, nous considérons différents sous-échantillons de répondants en fonction de l’âge. L’effet de la religiosité est significatif pour tous les groupes, tandis qu’une sélection positive selon les attitudes vis-à-vis des inégalités hommes-femmes est obtenue pour les individus âgés de 15 à 30 ans. Cette catégorie d’âge est celle au sein de laquelle les migrants potentiels sont les plus susceptibles de réaliser leurs aspirations migratoires. Quatrièmement, nous testons si l’intensité de la sélection par la culture varie avec les caractéristiques macroéconomiques du pays d’origine, telles que les parts des sunnites et des chiites dans la population musulmane, le PIB par habitant, la qualité des institutions, et la proportion de migrants installés dans les pays de l’OCDE. Ces interactions révèlent que la sélection par la culture est plus forte dans les pays à majorité sunnite ; la progressivité en matière d’inégalités hommes-femmes devient significative lorsqu’on contrôle pour le réseau migratoire. Cinquièmement, nous analysons si l’effet de la culture a été affecté par le printemps arabe. Nous distinguons l’échantillon complet des pays MENA, les 5 principaux acteurs du printemps arabe, et les autres pays. Dans toutes les spécifications, la sélection par la religiosité est positive et significative. De plus, le printemps arabe n’a pas affecté l’intensité de la sélection culturelle dans la plupart des pays, mais il l’a considérablement réduit dans les 5 principaux pays concernés.

Enfin, sur le plan méthodologique, nous explorons si nos résultats peuvent être induits par des différences de composition entre les groupes de migrants potentiels et de non-migrants. En utilisant la technique de Mahalanobis Metric Matching, nous construisons des sous-échantillons de migrants potentiels et de non-migrants partageant des caractéristiques observables similaires. Tous nos résultats subsistent lorsqu’on utilise des échantillons appariés. De façon robuste, nous concluons que les jeunes migrants potentiels de la région MENA sont plus progressistes en termes de religiosité et d’égalités hommes-femmes que le reste de la population. Dans l’ensemble, le printemps arabe a diminué l’intensité de cette sélection selon la culture dans les principaux pays concernés. L’émigration du MENA vers les pays riches de l’OCDE engendre des effets directs sur la distribution des traits culturels dans les pays d’origine, et sur la distance culturelle dans les pays de destination. Néanmoins, ces effets ne doivent pas être surestimés. Premièrement, l’émigration engendre des effets limités sur la distribution des traits culturels dans les pays du MENA. Elle peut même conduire à des effets opposés si la diaspora renvoie des normes progressistes vers leur pays d’origine. Deuxièmement, la sélection par la culture ne réduit que faiblement la distance culturelle entre immigrés et natifs dans les pays de l’OCDE.

Déficits Jumeaux et Viabilité des Politiques Macroéconomiques Dans Une Sélection de Pays Européens et Méditerranéens Partenaires

Nos résultats empiriques valident l’hypothèse des déficits jumeaux pour les deux échantillons de pays UE et MED, avec toutefois des résultats contrastés concernant la direction du lien de causalité. Alors que la balance commerciale semble contribuer au déficit budgétaire dans les pays MED, validant ainsi l’approche de ciblage de compte courant, la relation apparait comme étant inversée pour les pays de l’UE, où le solde budgétaire semble influencer le compte courant. Compte tenu de la dépendance avérée des pays MED au commerce avec l’UE et du fait que la plupart des pays de l’UE ont mis en œuvre des politiques d’austérité suite aux crises financières (restreignant ainsi la demande globale et les importations), nous considérons que la baisse des recettes d’exportation qui en a découlée dans les pays MED a contribué à l’augmentation du déficit budgétaire de ces pays, en vertu du lien de causalité positif entre le compte courant et le solde budgétaire. Une réponse naturelle des responsables politiques dans les pays MED serait de mettre en œuvre des politiques d’austérité, et bien que de telles politiques puissent être nécessaires, elles n’en restent pas moins socialement couteuses dans le contexte social actuel des pays MED, et ne permettraient pas pour autant de stabiliser la balance budgétaire, puisqu’elles n’affecteraient pas la balance commerciale. Par conséquent, nos résultats sont une alerte à de telles politiques macroéconomiques « toutes faites », et indiquent clairement que les politiques d’austérité dans les pays de l’UE ont des conséquences inattendues sur la stabilité financière des pays MED. Nous appelons donc à une meilleure coordination des politiques macroéconomiques entre l’UE et ces partenaires du Sud de la méditerranée.

Une question politique majeure à laquelle ces pays seront confrontés dans les années à venir, sera de savoir si les politiques macroéconomiques sont vouées à l’échec et les conduisent dans une impasse. Quant à l’introduction des programmes de stabilisation macroéconomiques dans les pays de l’UE et dans les pays MED, de toute évidence il n’y aura plus de possibilité et d’espace pour conduire de nouvelles combinaisons de politiques monétaires et fiscales afin de contrôler ces déséquilibres macroéconomiques. Pour des pays méditerranéens tels que le Liban et la Jordanie avec un espace fiscal limité, un taux de change fixe et une ouverture du compte de capital, la politique monétaire est déjà sans effets en termes de stabilisation macroéconomique. L’Egypte a pu améliorer l’efficacité de sa politique monétaire pour faire face aux chocs externes grâce à un choix stratégique de passer à un régime de change flexible. La Tunisie et le Maroc semblent également suivre cette direction. Bien que l’espace fiscal de l’UE soit également limité du fait de l’accumulation de dettes publiques considérables, l’exécution du programme d’assouplissement quantitatif (QE – Quantitatif Easing) de la Banque centrale européenne reste un outil efficace pour assurer la viabilité des politiques fiscales et prévenir le développement de nouvelles crises telle que la crise de la dette grecque.

Avec la crise de la dette actuelle qui se développe dans certains pays de l’UE, les faibles taux de croissance du PIB, les prix du pétrole et les niveaux d’endettement élevés dans plusieurs pays MED, la politique fiscale n’est clairement plus une option de politique macroéconomique eu égard à l’espace fiscal limité. Avec la politique monétaire conduite par la Banque centrale européenne et l’absence d’union politique, les pays de l’UE ont accusé d’importants déficits du compte courant et du budget au cours de ces dix dernières années. Les politiques monétaires resteront sans effet tant que les attentes du secteur privé ne seront pas comblées et que le secteur bancaire restera en mauvaise santé, tout particulièrement les banques italiennes et grecques. La crise de la dette en Grèce a un impact négatif sur le comportement et les attentes des entreprises et des consommateurs, et les mesures d’austérité affectent négativement la demande globale et le taux de croissance du PIB. Particulièrement, la stagnation des salaires et les taux élevés de chômage ont une incidence défavorable sur la demande intérieure, surtout lorsque la plupart des pays MED et de l’UE ne disposent plus d’espace fiscal suite à l’accumulation de larges dettes publiques et de déficits budgétaires et de la balance commerciale récurrents.

Dans la région MENA, l’inefficacité de la politique monétaire est attribuable à la présence de taux de change fixes et à la libre circulation des capitaux. En conséquence, les politiques gouvernementales (fiscales et monétaires) sont dans l’impossibilité de faire face aux déséquilibres macroéconomiques actuels, ouvrant ainsi la voie à de futures crises financières et monétaires. Par conséquent, les gouvernements européens et méditerranéens devront : (1) réduire le la taille du secteur public en faveur du secteur privé ; (2) canaliser les liquidités vers le secteur privé par des prêts et en encourageant les investissements pour des entreprises productives ; (3) réduire les dépenses du gouvernement et augmenter les taxes du côté de l’offre. Enfin, et étant donné l’inefficacité tant des politiques fiscales que monétaires, le secteur public doit exercer un rôle central pour faire face aux défis d’envergure que représentent les déséquilibres macroéconomiques, en améliorant en premier lieu ces attentes en Europe comme en Méditerranée. Ceci devrait avoir pour effet d’augmenter le taux de croissance du PIB et de rendre la dette plus viable. Ensuite, les mesures d’austérité et d’ajustement structurel pourront être introduites. Cela assurera alors une croissance économique durable, et réduira grandement les risques de futures crises de la dette et de crises monétaires.

Les déterminants des performances à l’exportation des entreprises de certains pays de la région MENA

Dans ce papier, nous étudions de façon conjointe et séparée les déterminants des performances à l’exportation des entreprises de pays de la région MENA et les comparons aux performances des entreprises des pays d’Europe centrale et orientale.

L’analyse est produite à partir d’informations sur les entreprises individuelles, contenues dans la base de données BEEPS V et couvrant la période 2011-2014. Nous estimons la probabilité des exportations en contrôlant les effets spécifiques aux pays et aux secteurs en utilisant le modèle probit. Nous constatons que, dans les deux groupes de pays, des variables similaires influent sur le rendement des exportations.

Nos résultats empiriques obtenus pour les pays MENA et CEE indiquent que la probabilité d’exporter est positivement liée au niveau de productivité, à la taille de l’entreprise, aux dépenses en recherche et développement, à la part des diplômés universitaires dans l’emploi productif et à l’internationalisation des entreprises.

L’appartenance à l’Etat et la perception de la corruption par les entreprises ne sont généralement pas statistiquement significatives. Les résultats obtenus pour les deux groupes de pays ne sont pas très statistiquement différents, mais suffisamment pour dégager des implications politiques, tandis que les résultats pour certains pays spécifiques et pour des sous-groupes de pays révèlent une grande hétérogénéité.

Ce document est organisé comme suit. Dans la section 1, la littérature existante sur les déterminants de la performance à l’exportation est examinée. Dans la section 2, notre méthodologie de recherche et l’ensemble de données sont présentées. Dans la section 3, nos résultats empiriques sont présentés. Enfin, la dernière section résume et conclut avec des recommandations politiques et des orientations de recherche futures.

La Performance des Entreprises dans le Processus de Transition: le Rôle des Contraintes d’Affaires et des Institutions dans la Région Sud-méditerranéenne

Note: Le projet de recherche comprend trois papiers (en anglais)

Paper 1. Compétences professionnelles, institutions et performance des entreprises dans les pays en développement

Paper 2. Les contraintes environnementales des entreprises dans les pays de la région MENA, avec un accent particulier sur l’Egypte

Paper 3. Exportations et gouvernance: La région MENA est-elle différente?

Ce rapport vise à analyser les tendances récentes de la performance de l’entreprise et le succès économique dans les pays situés au Sud de la Méditerranée au niveau de l’entreprise et du pays. Plus précisément, il vise à identifier et évaluer les facteurs potentiels qui peuvent déclencher et favoriser les changements économiques dans la région, tout en mettant l’accent sur le rôle joué par l’environnement commercial et le cadre institutionnel pour expliquer la performance économique, mesurée par la productivité, la croissance des ventes et les exportations, ainsi que de quantifier leur importance relative. Tout d’abord, nous étudions les différentes sources de la performance économique à partir des facteurs internes et externes à l’entreprise. Au niveau de l’entreprise, l’environnement commercial englobe les caractéristiques du système juridique, réglementaire, financier et institutionnel d’un pays et, par conséquent, il a un impact sur la performance des entreprises et des industries.

Deuxièmement, étant donné que l’environnement commercial affecte la performance des entreprises et des pays, donc, nous procédons à une enquête empirique de ces conjectures au niveau des pays aussi. L’hypothèse sous-jacente commune est que les entreprises et les pays exposés à de «meilleurs» environnements et institutions commerciaux peuvent être tenus d’accomplir mieux.

La principale nouveauté de ce rapport est de développer des données empiriques portant sur la période de transition sur les conditions qui influent la performance du secteur privé et au niveau des pays exportateurs dans la région sud de la Méditerranée par rapport à d’autres régions/pays qui avaient déjà passé par une transition économique et institutionnelle dans le passé. En conséquence, l’étude fournit les outils pour construire les politiques de développement appropriées.

Ce rapport est structuré en trois parties: la première partie se concentre sur les compétences et les caractéristiques des ressources des entreprises et le rôle des principales contraintes perçues pour faire du commerce au niveau de l’entreprise. Des micro données d’enquête sont utilisées pour explorer l’impact des compétences de la main-d’œuvre et d’autres caractéristiques propres à l’entreprise sur sa performance, mesurée par la croissance des ventes, dans 135 pays en voie de développement. L’analyse utilise un ensemble de données cohérentes et grandes à partir des enquêtes auprès des entreprises de la Banque mondiale. Les résultats montrent que les compétences de la main-d’œuvre et des caractéristiques propres à l’entreprise sont des prédicteurs significatifs de la performance des entreprises. Cependant, le pouvoir prédictif des compétences de la main-d’œuvre et des caractéristiques propres à l’entreprise est affecté de manière significative par des facteurs nationaux économiques et non-économiques. En effet, les niveaux nationaux de développement économique, financier et humain, l’inégalité des revenus, les conditions internes de gouvernance réglementaire et d’autres institutions ainsi que l’hétérogénéité juridique et sociale, ont tous un rôle à jouer dans la détermination de la performance des entreprises. Les résultats montrent que la classification des entreprises par les compétences limitées de la main d’œuvre ou leur absence dans les pays en voie de développement peut être mieux évaluée sur la base de facteurs à la fois aux niveaux micro et macro.

La deuxième partie du rapport se concentre spécifiquement sur les principaux obstacles les entreprises de la région MENA, et notamment les entreprises égyptiennes face afin de réaliser des activités commerciales dans leur pays et examine dans quelle mesure ces contraintes affectent-elles la performance des entreprises. La performance de la firme est mesurée en productivité totale des facteurs (PTF). Notre analyse évalue les effets des différents indicateurs d’activité, obtenus à partir de l’Enquête sur l’entreprise de la Banque mondiale en utilisant des données au niveau des entreprises d’entreprises manufacturières, sur la PTF. Un certain nombre de variables de contrôle utilisées couramment dans la littérature empirique sont également inclus dans le modèle. Pour vérifier la robustesse de nos résultats, des mesures alternatives de rendement de l’entreprise sont utilisées, tels que les ventes totales et le nombre moyen de travailleurs. Les principaux résultats indiquent que l’accès et le coût de financement, les taux d’imposition, la politique d’incertitude réglementaire, le prix des terrains et des infrastructures de base, comme l’accès à l’eau et l’électricité, sont parmi les facteurs les plus pertinents. Ces résultats ont des implications politiques importantes, en particulier pour les créateurs de politiques et les aideront à décider du type d’actions spécifiques qui pourront être prises afin de réduire les principaux obstacles et par conséquent à encourager les entreprises manufacturières égyptiennes à devenir plus compétitives. L’analyse est également étendue à d’autres pays de la région, à savoir le Liban, la Jordanie, le Maroc et la Tunisie et les contraintes environnementales avant et après le printemps arabe sont comparées. Les principaux résultats indiquent que l’incertitude réglementaire et politique, la corruption et la criminalité sont devenues des obstacles plus aggravés après 2011 pour la plupart des entreprises de ces pays.

La troisième partie porte sur l’analyse au niveau des pays et étudie le rôle de la qualité des institutions et de ses différentes dimensions dans les pays sélectionnés pour expliquer la performance de l’exportation. Elle vise à analyser si une meilleure qualité de gouvernance économique récompense la performance de l’économie et facilite l’intégration de la région MENA dans l’économie mondiale. Un modèle de gravité du commerce accompagné par des indicateurs de gouvernance est estimé à l’aide des exportations bilatérales entre 189 partenaires commerciaux et également 19 MENA exportateurs au cours de la période de 1996 à 2013. Les principaux résultats montrent que, individuellement, chacun des six indicateurs de gouvernance dans les pays exportateurs et importateurs considérés ont un effet positif sur le commerce bilatéral. Cependant, les résultats pour la région MENA exportateur diffèrent légèrement. La gouvernance dans les pays importateurs semble moins pertinente pour les exportateurs de la région MENA que pour le reste des exportateurs. L’effet de similitude des pays par paire dans les indicateurs de gouvernance indiquent des niveaux similaires dans la qualité de la réglementation et la primauté du droit dans les pays exportateurs et importateurs favorise les exportations des pays de la région MENA. Similitudes dans la voix et la responsabilité de même favorisent des exportations dans les pays exportateurs en moyenne, mais cela ne semble pas pertinent pour les exportateurs de la région MENA.

Transitions Démocratiques dans le Monde Arabe

Le FEMISE est heureux d’annoncer la publication du livre «Democratic Transitions in the Arab World» édité par Ibrahim Elbadawi (Economic Research Forum) et Samir Makdisi (Université américaine de Beyrouth) publié par l’Université de Cambridge.

À la suite des soulèvements sans précédent qui ont frappé l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient à la fin de 2010 et 2011, il y a eu beaucoup de spéculations sur le fait que ces événements annonçaient le début d’une nouvelle ère de transition démocratique dans la région. Résultat d’un projet de recherche de quatre ans, ce livre propose une analyse transversale de la dynamique de la transition démocratique et de l’état de démocratie et d’autoritarisme allant de la Tunisie, du Soudan et de l’Egypte à la Syrie, au Koweït et au Liban. Elbadawi et Makdisi identifient les conditions économiques, politiques et sociales spécifiques qui influencent la transition dans la région et dans chacun des pays, ainsi que les conditions requises pour consolider la démocratie une fois le processus amorcé. Ils examinent les transitions difficiles, interrompues et douloureuses, là où celles-ci ont momentanément échoué, ainsi que les cas où la consolidation démocratique peut être observée. Il s’agit d’un examen unique et vaste du développement arabe et de la démocratie pour ceux qui examinent le sort des régimes autoritaires.

Le lancement du livre aura lieu à SOAS, Université de Londres le 27 février 2017.

Pour plus d’informations et pour commander le livre en ligne, veuillez cliquer ici.

Plus productives, les entreprises du Moyen-Orient exportent-elles davantage ?

Comment se comportent les Pme du Maghreb et du Moyen-Orient à l’export ? Une entreprise productive, exporte-t-elle davantage ? Alfred Tovias, professeur en relations internationales à l’université hébraïque de Jérusalem et Jan Michalek, professeur d’économie à l’université de Varsovie, ont livré les résultats préliminaires de leur étude lors de la conférence annuelle du Femise le 14 février dernier à Athènes*.


Alfred Tovias, professeur en relations internationales à l’université hébraïque de Jérusalem. (Photo N.B.C)

Alfred Tovias, professeur en relations internationales à l’université hébraïque de Jérusalem. (Photo N.B.C)

Alfred Tovias et Jan Michalek ont choisi la productivité comme variable principale d’une étude à paraître à la fin de l’été 2016 et financée par le Forum euro-méditerranéen des instituts de sciences économiques (Femise).Productivité de la main d’œuvre, taille et ancienneté de l’entreprise, niveau de recherche et de développement, composition du capital social déterminent la capacité des entreprises à positionner leurs produits sur les marchés étrangers. Lors de la conférence annuelle du Femise, le 14 février 2016, Alfred Tovias, professeur en relations internationales à l’université hébraïque de Jérusalem et Jan Michalek, professeur d’économie à l’université de Varsovie, ont présenté les résultats préliminaires de leurs travaux.« Nous travaillons sur les déterminants des exportations des entreprises dans les pays MENA en utilisant comme critère de comparaison les pays d’Europe centrale et de l’Est (qui ont rejoint l’Union européenne), la Turquie et Israël. Nous voulons savoir si les exportations sont une fonction de la productivité des entreprises. Dans les pays de l’Est et en Israël, la productivité des firmes est déterminante sur leur capacité à exporter », explique Alfred Tovias.

« Dès leur création, les entreprises tunisiennes sont tournées vers l’export »

« Dans les pays MENA (Egypte, Israël, Maroc, Jordanie), l’utilisation de technologies étrangères joue un rôle important dans la capacité à exporter », précise Jan Michalek.Ce phénomène s’explique par les innovations de ces entreprises. Elles ont introduit des nouveaux produits et investissent énormément en recherche et développement. « Nous notons également qu’elles font appel à des universitaires », fait remarquer Alfred Tovias qui soulève une particularité. « En Tunisie et au Maroc, ce ne sont pas des entreprises nouvellement créées qui exportent. Ces start-ups tunisiennes aux capitaux étrangers sont intégrées à la chaîne de production internationale. Elles exportent des produits fini et semi-finis. Les entreprises traditionnelles d’avant la transition étaient orientée vers le marché domestique », analyse Alfred Tovias.Spécialiste des relations économiques dans les pays méditerranéens Alfred Tovias a rejoint le Femise dès sa création en 1996. Dans le cadre des études réalisées pour le Femise, il a coopéré avec les universités européennes (française, polonaise) et du sud de la Méditerranée (Maroc et Turquie).

Aux côtés d’économistes des deux rives de la Méditerranée, il a publié en 2005 une étude sur l’économie israélienne.

* Entretien réalisé par NBC lors de la conférence annuelle du Femise (13-14 Février, 2016, Athènes, Grèce). Pour en savoir plus sur la conférence,  cliquez ici.

S’inscrire à la Newsletter de Econostrum : http://www.econostrum.info/subscription/