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Analyse de l’impact d’un ALECA entre l’UE et la Tunisie (rapport FEM43-16)

Du point de vue des politiques, que concluons-nous de ces résultats: l’ouverture
des marchés crée des opportunités et la possibilité de gains nets en bien-être.
Ce résultat est bien établi par la théorie du commerce international et par un large éventail de
preuves empiriques. Il existe de nombreuses sources de gains, mais seules certaines
sont comptabilisés dans un cadre de modélisation tel que celui que nous avons utilisé.
L’ampleur des gains dépendra essentiellement du niveau des obstacles non tarifaires
entre l’UE et la Tunisie et sur l’ampleur des éventuelles réductions tant tarifaires que
de barrières non tarifaires. Il est donc extrêmement important que davantage de travail soit entrepris pour mieux comprendre l’ampleur de ces obstacles et quelles mesures spécifiques
des politiques sont nécessaires pour assurer leur suppression.

Convergence des revenus et impact de l’intégration commerciale et financière EU-Med sur la volatilité macro

Les efforts d’intégration économique et financière entre les pays Partenaires Méditerranéens (MPs) et l’Union Européenne (EU) ont été initialement introduits par les accords de coopération qui garantissaient une exemption totale de tarifs douaniers sur les produits industriels. Ces efforts ont ensuite été consolidés par les Accords d’association introduits dans le cadre de la déclaration de Barcelone en 1995, qui ont eu pour effets de réduire ou éliminer les droits de douanes sur les importations industrielles européennes. Parallèlement, les MPs se sont considérablement ouverts aux autres pays, que ce soit dans le cadre des accords commerciaux euro-méditerranéens (MED) ou dans le contexte d’une réduction élargie des droits de douanes via les accords signés avec l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Au début des années 2000, le processus de Barcelone fut remplacé par la politique européenne de voisinage (PEV) qui fut modifiée en 2015 et devient la nouvelle politique de voisinage. C’est dans ce cadre que les relations économiques entre l’Union Européenne et ces partenaires méditerranéens sont désormais redéfinies.

La nouvelle politique de voisinage offre une plateforme solide d’assistance financière par une intégration financière plus poussée, un meilleur accès au marché commun, et une amélioration de l’institutionnalisation des relations commerciales et financières. L’Union Européenne propose également un accord de libre-échange complet et approfondi (ALECA) concernant l’agriculture, les services et les mesures non tarifaires. Les négociations pour l’ALECA sont en cours avec le Maroc et la Tunisie. Dans le cadre de cette nouvelle politique européenne de voisinage et du rôle facilitateur de l’Union Européenne pour la modernisation, la transition et l’ouverture internationale des pays Méditerranéens, cette étude évalue le degré de convergence des économies résultant de ces accords commerciaux entre deux groupes de pays (EU et MED). Nous utilisons dans un premier temps les concepts de s-convergence et b-convergence pour une évaluation empirique du phénomène de convergence économique parmi ces pays sur la période 1980-2015. Nous présentons ensuite une analyse approfondie des implications des accords de partenariats Euro-MED sur la croissance économique et la volatilité macroéconomique dans un échantillon de pays méditerranéens (MPs). Afin de tenir compte à la fois du lancement du processus de Barcelone et de la politique de voisinage en 2000, l’analyse empirique est traitée de façon séquentielle sur des périodes de 5 et 10 ans, puis sur l’ensemble de la période 1980-2015.

Les résultats empiriques montrent une évidence faible de convergence des économies pour le groupe de pays EU-MED analysé à intervalles partiels de 5 ou 10 ans de 1980 à 2000 dans une régression de type transversale. Toutefois, nous avons trouvé un résultat statistiquement significatif de convergence du PIB par tête, que l’analyse porte sur l’ensemble de la période 1980-2015 ou sur des sous périodes de 10 ans regroupées et estimées en données de panel par régressions de croissance. Ces résultats sont plus probants, puisque la croissance économique et la convergence sont tous deux des phénomènes de long terme et que les méthodes d’analyse en données de panel donnent de meilleures estimations. Sur la période 1980-2000, nous trouvons une évidence faible de convergence conditionnelle dans le groupe de pays EU-MED (16), et cette évidence est encore plus faible pour le groupe de pays MED de 2000 à 2015. Ces résultats s’expliquent par les effets négatifs de la crise financière et de la crise de la dette en Europe sur la région Euro-MED en générale et sur la région MED en particulier. La stabilité macroéconomique et l’ouverture économique se sont avérées être des facteurs statistiquement importants et ont l’effet positif attendu sur la croissance économique dans les pays MED. Effectivement, dans la majorité des modèles estimés, la variable qui est systématiquement la plus significative est l’ouverture commerciale. Parmi les autres variables, la croissance de la population a l’effet théorique négatif attendu sur la croissance économique, comme trouvé dans d’autres études empiriques sur la croissance. Les dépenses du gouvernement ont également un effet négatif sur la croissance économique et cette variable est statistiquement significative tout comme l’est la croissance de la population.

Les principales implications politiques qui se dégagent des résultats empiriques de cette étude sont que les pays MED, s’ils souhaitent atteindre une croissance économique élevée, doivent poursuivre des politiques promouvant encore davantage le libre-échange et l’ouverture économique avec l’UE, tout en assurant une stabilité macroéconomique au moyen de politiques qui garantissent le contrôle des politiques fiscales et monétaires. Aussi bien l’agitation politique et sociale, que la crise financière et la crise de la dette ont un effet négatif sur la croissance économique et la convergence dans la région, et doivent être traitées si possible prioritairement par le biais d’actions politiques et de politiques macroéconomiques appropriées. D’autres résultats empiriques montrent que les pays MED seraient moins affectés par les chocs financiers provenant de l’UE, si le marché domestique MED était plus grand et/ou mieux régulé. Ceci est en cohérence avec ce que suggère la théorie économique et a des implications politiques. En fait, certains pays MED ont choisi d’imposer un contrôle du capital pour gérer les crises du marché financier puisqu’il semble que les « coupables » soient les flux de capitaux internationaux, et ce, malgré les conséquences économiques indésirables sur le long terme de ces pratiques politiques. Nous avons montré que les pays MED doivent améliorer la coordination de leurs politiques macroéconomiques et financières pour relever plus efficacement le défi d’une plus grande intégration commerciale et financière avec l’UE. Cet objectif peut par exemple être atteint en renforçant l’intégration économique et financière régionale. La création d’une zone de libre échange MED n’aurait pas pour seul effet de stimuler et de renforcer la croissance, mais pourrait également renforcer le commerce intra-MED, réduisant ainsi considérablement l’exposition aux cycles économiques européens, tout en contrôlant les expositions excessives de ces petites économies ouvertes (MED) aux développements macroéconomiques de l’Union Européenne.

La littérature établie que les plus grandes économies ont une meilleure capacité d’absorption et de neutralisation quant aux effets négatifs des chocs externes. Contrôler leurs effets reste toutefois une tâche beaucoup plus délicate qu’il n’y parait lorsqu’il s’agit de pays MED en développement, qui sont de plus petite taille, n’exportent que peu de produits sur le marché européen et dépendent d’un très grand nombre de produits d’importations européennes. Une conséquence directe d’un marché des capitaux intégré au sein de la région MED serait de diminuer les risques associés à une plus grande intégration EU-MED, ainsi que de rendre les MPs moins vulnérables aux fluctuations des taux d’intérêts des pays de l’UE, en particulier pour ceux ayant un niveau de dette élevé, comme le Liban, la Jordanie et l’Egypte. Un plus grand marché financier MED donnerait la possibilité de baisser les coûts de financement, et de rembourser leurs dettes importantes des gouvernements MED à moindre coût. D’autre part les entreprises MED pourraient s’appuyer plus sur le marché local que sur le marché de l’UE pour la levée de capitaux. La baisse du coût de la mobilisation des capitaux peut ensuite se traduire par plus d’investissements, de consommation et une augmentation des taux croissance économique dans la région. La région MED doit accélérer le processus d’intégration commerciale, financière et économique avec l’UE pour une meilleure absorption des effets négatifs liés aux politiques externes, financières et/ou aux chocs économiques. Il faudrait redoubler d’efforts pour accélérer la mise en place de réformes fiscales et monétaires afin d’améliorer l’entrée de nouveaux investissements de portefeuille et d’IDE dans la région.

En résumé, pour plus d’intégration commerciale et financière avec l’UE, les MPs doivent consacrer davantage d’efforts individuels pour mener des politiques macroéconomiques saines. A ces mesures, devront s’ajouter des réformes institutionnelles de soutien au développement du secteur financier dans les économies MED en question. Ensuite, les MPs devront essayer de s’intégrer horizontalement tout en s’ouvrant plus verticalement (à l’UE). Il a été montré que l’ouverture financière, mesurée par le rapport formation brute de capital/PIB, est associée à une augmentation de la volatilité de la consommation, contrairement à la notion établie d’opportunité de partage des risques internationaux via l’intégration financière. L’environnement macroéconomique et politique de nature instable et les conflits militaires, ainsi que les politiques fiscales et monétaires inappropriées dans la région MED peuvent expliquer cette irrégularité empirique. Une recommandation politique de cette étude est que les MPs ont besoin d’être plus, et non pas moins, intégrés avec le marché financier de l’UE pour pouvoir tirer avantage de l’intégration financière en termes d’amélioration du partage des risques, et de stabiliser la consommation. Cette conclusion peut toutefois nécessiter une analyse plus poussée, puisqu’il faut considérer que l’intégration financière régionale est également associée à divers risques dans la région EU-MED. Pour minimiser ces risques, les MPs devront mettre en œuvre des cadres macro-économiques et structurels sains en tandem avec une plus grande intégration. Par exemple, nos résultats ont mis en évidence le rôle clé des politiques fiscales et monétaires saines pour mieux contrôler la volatilité macroéconomique. Concernant les réformes structurelles, il s’agit de développer le secteur financier intérieur, puisqu’un haut degré de développement du secteur financier est associé à une diminution de la volatilité macroéconomique.

Finalement, la nouvelle politique européenne de voisinage offre une plateforme solide d’assistance commerciale et financière par une intégration financière plus poussée, un meilleur accès au marché commun et une meilleure institutionnalisation des relations commerciales et financières entre les pays MED et de l’UE. Ce projet de recherche aidera les décideurs politiques et les chercheurs académiques dans la région Euro-méditerranéen, à redéfinir leurs priorités en matière de commerce, de finance et de macroéconomie lors de l’élaboration de nouvelles politiques de voisinage européennes qui doivent répondre aux défis économiques actuels. La nouvelle politique de voisinage européenne va produire un volume important de littérature sur ces conséquences. Cette étude fait partie intégrante de cette littérature en identifiant les points communs et les différences entre les composantes de cette analyse, en mettant un accent particulier sur les changements de paradigme concernant la politique macroéconomique dans les pays MED et l’UE.