Entretien avec Pr. Patricia AUGIER, dans le cadre de la prochaine Conférence Annuelle du FEMISE 2016

ENTRETIEN

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Patricia AUGIER, Présidente du Comité Scientifique et Coordonnatrice du FEMISE, Economiste à l’Institut de la Méditerranée, Professeur à Aix-Marseille Université.

Entretien avec Pr. Patricia AUGIER

(Présidente du Comité Scientifique et Coordonnatrice du FEMISE, Economiste à l’Institut de la Méditerranée – IM, Professeur à Aix-Marseille Université) dans le cadre de la prochaine Conférence Annuelle du FEMISE 2016 sur le thème « Deux décennies après Barcelone: Repenser le partenariat UE-Med ».

On entend de plus en plus parler d’un futur « Accord de Libre Echange Complet et Approfondi » (ALECA) entre la Tunisie et l’UE ? De quoi s’agit-il concrètement ?

Il s’agit tout simplement d’un choix d’intégration plus profonde de l’économie tunisienne dans l’espace euro-méditerranéen. Il a pour but de compléter et d’approfondir la zone de libre échange pour les produits industriels qui a été mise en place en 1995 avec l’entrée en vigueur de l’accord d’Association. L’Accord d’Association n’a en effet consisté qu’à réduire, de façon unilatérale, les droits de douane tunisiens sur les biens manufacturés en provenance de l’Union Européenne.

L’ALECA, en revanche, est un accord beaucoup plus ambitieux et beaucoup plus complexe, d’une part parce qu’il va concerner les droits de douane de deux secteurs sensibles, à savoir les services et l’agriculture et qu’il va impliquer aussi des baisses de tarifs appliqués par l’Union Européenne sur les produits agricoles en provenance de la Tunisie et, d’autre part, parce que l’ALECA va également concerner les obstacles non tarifaires et l’harmonisation du système réglementaire vers l’acquis communautaire.

En quoi est ce que l’ALECA peut contribuer à l’amélioration de la situation économique et sociale de la Tunisie ?

L’ALECA peut aider à mieux positionner les produits tunisiens sur le marché européen, en particulier dans l’agriculture. Mais pour anticiper les effets et mieux définir les politiques d’accompagnement à mettre en œuvre, il est nécessaire de conduire des études sérieuses et correctement ciblées selon les leviers utilisés (tarifs et/ou mesures non tarifaires et/ou convergence réglementaire) et les secteurs concernés.

Il est clair, en revanche, que les effets bénéfiques de l’ALECA seront conditionnés par les réformes et les changements qui seront menés à l’intérieur du pays. Ce serait une erreur de penser que l’ALECA puisse être le moteur du développement économique et social de la Tunisie.

De plus, il est indispensable de ne pas négliger les questions sociales. On ne peut pas avoir d’un côté, un système “sophistiqué” de règles qui convergent vers l’acquis communautaire et de l’autre, avoir une partie de la population dont les conditions de vie ne s’améliorent pas. Il sera indispensable de prendre en compte les préoccupations et les attentes du peuple tunisien.

Cet outil est-il adaptable à tous les pays partenaires Méditerranéens ?

L’UE et le Maroc sont engagés dans la négociation d’un Accord de Libre Echange Complet et approfondi depuis mars 2013. L’UE a entamé des processus de préparations avec l’Egypte et la Jordanie.

L’ALECA est typiquement un outil à géométrie variable. Chaque pays peut en faire, théoriquement, ce qu’il veut et l’adapter à sa stratégie de développement. La priorité est plutôt la nécessité pour chaque pays d’avoir une vision stratégique claire et une bonne maitrise sur la façon de mobiliser l’ALECA pour accompagner cette stratégie avec une aide réelle et conséquente de l’UE.

En quoi est ce que la conférence FEMISE 2016 peut contribuer au débat ?

La conférence FEMISE 2016 permettra le partage de points de vues d’experts internationaux des deux rives de la Méditerranée sur le nouveau paradigme à suivre dans la région. Les éléments du nouveau paradigme pourraient inclure l’ALECA. Une session de la conférence sera consacrée à l’examen des dimensions d’un tel accord, en vue d’articuler ses potentialités, ses contraintes et ses risques. Compte tenu du contexte actuel, les enjeux sont considérables et l’UE ne peut y faire face en ne faisant que proposer la poursuite du démantèlement tarifaire de ces pays et une convergence réglementaire. L’engagement de l’UE vis à vis de cette région mérite d’être beaucoup plus ambitieux.

Propos recueillis par le staff FEMISE