Dynamique des investissements, mutations sectorielles et convertibilité du compte de capital : impacts des mesures de libéralisation et expériences comparées Tunisie – Maroc

Le Maroc et la Tunisie connaissent des performances en terme de croissance économique supérieures
à la moyenne de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA) et des pays à revenu
intermédiaire. Il faut dire que les efforts, en terme de réformes et de restructuration de l’économie et
d’assainissement du cadre macroéconomique, fournis au début des années 80, ont commencé à
apporter leur fruit : inflation jugulée, déficits publics maîtrisés, politique de change prudente…. Les
deux pays ont aussi des traditions d’ouverture bien ancrées, en particulier vers le vieux continent,
comme en témoigne leur taux d’ouverture qui s’est accentué avec la signature d’une multitude
d’accords d’association dont le plus important est celui qui concerne la zone de libre-échange avec
l’Union Européenne.
Pour importants qu’ils soient, ces progrès ne doivent pas passer sous silence les obstacles inhérents à
la croissance et au développement de ces deux pays. Sans être exhaustif, on peut citer l’endettement
extérieur qui reste préoccupant, surtout dans le cas tunisien. De même, la qualité des ressources
humaines, en particulier en termes de cadres intermédiaires, n’est pas au rendez-vous. Les politiques
de R&D et d’innovation sont encore balbutiantes. En tout cas, beaucoup de ressemblances existent
entre les deux pays, mais il faut préciser d’emblée que le Maroc et la Tunisie ne se situent pas sur le
même sentier de croissance. Ainsi, la richesse par habitant en Tunisie est-elle le double de celle du
Maroc.
L’objectif de ce rapport est de déceler les leviers sur lesquels le Maroc et la Tunisie peuvent s’appuyer
pour asseoir leur croissance sur des bases solides et pérenniser leur développement. Nous en avons
recensé deux. Le premier s’appuie sur une gestion de change plus flexible que ce que pratique
actuellement les deux pays. Le second levier est relatif aux effets induits des investissements directs
étrangers sur la productivité. Dans un troisième temps, nous essayons de lier les deux leviers ; il s’agit
de déterminer l’impact des politiques de change sur les flux des IDE (et sur la productivité).
L’originalité de notre démarche se situe à deux niveaux. Tout d’abord, au niveau de la problématique
concernant la liaison IDE – politique de change, nous proposons une estimation du mésalignement qui
est définie comme étant l’écart du taux de change réel par rapport à sa valeur d’équilibre.
Contrairement à la volatilité, les distorsions du taux de change réel peuvent avoir des conséquences
beaucoup plus importantes sur l’économie de petits pays comme le Maroc et la Tunisie. En effet, des
écarts soutenus du taux de change réel par rapport à sa tendance d’équilibre modifient les prix relatifs
internes et induisent des coûts d’ajustement importants. Ces distorsions peuvent engendrer au moins
quatre phénomènes de déséquilibre importants : i) déséquilibre externe débouchant sur une crise de
change, ii) un effet de désindustrialisation suivi d’une croissance faible sur une longue période, iii) des
poussées inflationnistes et des iv) pressions protectionnistes qui ont tendance à perdurer. Le
mésalignement sera mis en relations avec les entrées des IDE dans les deux pays. Ensuite, au niveau
méthodologique, et pour capter les effets des IDE sur la productivité, nous estimons une fonction de
production en utilisant l’approche proposée par Olley et Pakes (1996) qui corrige le biais de
simultanéité dû à la corrélation instantanée qui existe entre les chocs de productivités inobservables et
les facteurs de production. Nous proposons enfin des préconisations avec des profilages sectoriels et
de recentrage des spécialisations des deux pays en question.