Inégalité, pauvreté et libéralisation commerciale dans les pays du MENA

Les performances en termes de croissance économique de la région Moyen-Orient-Afrique-du-Nord (MENA) sont demeurées très modestes pendant longtemps. La région était aussi très peu intégrée au reste du monde durant les trente dernières années. Alors que les échanges internationaux croissaient rapidement aussi bien dans les pays  développés que dans les pays en transition ou émergents de l’Asie de l’est et d’Amérique Latine, dans la région MENA une croissance similaire n’a pas été observée avant le milieu des années 90 ; et ce à cause d’une politique commerciale très protectionniste. Dans ce contexte plusieurs institutions internationales comme l’UE ont pressé les pays de la région à adopter des réformes économiques drastiques visant à accroitre la croissance économique et réduire la pauvreté.  Paradoxalement, ces pays enregistrent des performances importantes en termes de pauvreté absolue. Sur base de la définition de la Banque Mondiale (un revenu inferieur à 1$ ou 2$ par personne par jour), la région MENA enregistre un des plus faibles pourcentages de pauvreté absolue dans le monde  (Page et al, 2002).

Ce rapport examine les performances en termes de croissance économique et de réduction de la pauvreté de la région après l’adoption d’une politique commerciale plus libéral. Le rapport comporte 2 grandes parties. La première présente une analyse macroeconomique de la relation entre ouverture, croissance et pauvreté. La deuxième traite de la même problématique dans 2 études de cas relatives à Israël et au Maroc.

 

Partie Macroéconomique

L’ouverture commerciale pourrait affecter la pauvreté directement  et indirectement. L’effet direct a lieu si l’ouverture favorise la catégorie la plus pauvre de la population comme par exemple les travailleurs non-qualifiés. L’effet indirect joue à travers l’impact de l’ouverture sur la croissance économique qui se transmettrait aux pauvres. Les deux types d’effets sont examinés dans cette partie.

Pour se faire deux équations sont estimées : l’une examine le lien entre l’ouverture et la croissance du revenu réel par tête et l’autre examine la relation entre la croissance de ce dernier et la croissance du revenu moyen des 20% les plus pauvres de la population. La combinaison des deux estimations donne l’effet indirect. L’effet direct est estimé en ajoutant à la deuxième équation l’indicateur d’ouverture comme variable explicative.

Pour l’équation de croissance nous utilisons la spécification désormais traditionnelle (Barro, 1990 ; Islam, 1995 et Mankiw, Romer et Weil, 1992) ou le taux de croissance du revenu réel par tête est expliqué en termes du revenu réel par tête retardé, du capital physique, du capital humain, du taux de croissance de la population et d’un indicateur d’ouverture commerciale. La deuxième équation explique la croissance du revenu moyen des 20% les plus pauvres par le taux de croissance du revenu réel par tête, l’indicateur de l’ouverture et d’autres variables de contrôle (Dollar et Kraay, 2002). Dans le but de faire ressortir les spécificités potentielles du MENA par rapport au reste du monde, les 2 spécifications permettent d’avoir un impact différent pour chacune des variables explicatives : Des termes d’intéraction entre chaque variable explicative et une variable binaire pour le MENA ont été introduits.

Les résultats d’estimation de la première équation montrent, notamment, que dans le MENA le capital physique est moins efficient que dans les autres régions du monde mais que l’ouverture commerciale a un effet positif semblable a celui des autres régions. Les résultats d’estimation de la deuxième équation montrent que, comme dans le reste de l’échantillon, une augmentation du revenu réel par tête de 1% entraine une augmentation de 1% du revenu moyen de  la population la plus pauvre. L’ouverture commerciale a donc un effet indirect positif sur le revenu des pauvres. Les résultats ne permettent, cependant, pas d’identifier un effet direct de l’ouverture sur la pauvreté.

 

Etudes de cas

L’économie Isrealiénne semble avoir beneficié de l’ouverture commerciale. Elle a pu se spcecialiser dans les industries porteuses de croissance; notamment les High-tec. Ceci s’est fait, cependant, au prix d’une plus grande sensibilité aux chocs exterieurs.

Les mesures les plus importantes de la politique économique Israélienne récentes sont la réduction des impôts et des allocations sociales. Ces mesures ont été inities au début de la décennie 2000 mais certaines sont encore en voix d’implémentation car faisant partie d’un programme de reformes a long terme.  En conséquence les impacts de ces mesures en termes de croissance et de réduction du sous-emploi ne se sont pas encore manifestés dans la réduction de la pauvreté.

Auparavant les politiques du marche du travail étaient dans un cercle vicieux à cause de l’aspect peu contraignant du droit du travail et de la perte d’accessibilité des travailleurs, même les plus pauvres, aux avantages sociaux. Deux programmes ont été lancés par le gouvernement dans le but de réduire le délaissement du travail par les travailleurs les moins bien payés, l’impôt négatif sur le revenu (crédit d’impôt) et le « Israel Wisconsin Plan» .

Face a la crise financière et économique globale, le gouvernement israélien offre des incitations et des facilité de crédit pour plusieurs industries y compris les High-tech, et les entreprises dans le besoin. L’objectif est d’éviter la détérioration de l’emploi pour les travailleurs les moins qualifies. Cependant aucun effet en termes de réduction de la pauvreté et des inégalités n’est attendu. En réalité ces mesures représentent surtout un “package deal” visant a inciter les entreprises et les travailleurs de permettre au gouvernement de poursuivre les reformes dans un climat social apaisé.

A l’instar de beaucoup de pays en développement, le Maroc est passé d’une stratégie de développement basée sur la substitution aux importations à une stratégie basée sur l’ouverture commerciale et la libéralisation de l’économie à partir du milieu des années 1980. Le processus a reçu un coup d’accélérateur depuis les années 1990. Cette période de libéralisation a coïncidé avec une aggravation du problème du chômage. Mais les recherches menées à cet égard rejettent l’idée que l’ouverture commerciale, en elle-même, soit responsable des problèmes de l’emploi au Maroc. Il semble que l’effet de la libéralisation sur l’emploi pourrait être positif ou négatif en fonction d’un certain nombre d’autres facteurs comme le cycle économique, le fonctionnement du marché du travail, le progrès technique et la capacité des entreprises à s’adapter à leurs environnements. Cette partie se concentre sur la dernière question: la capacité des entreprises à s’adapter à leurs environnements. Plus précisément, l’analyse examine dans quelle mesure les entreprises ayant investit en capital humain sont à même d’améliorer leur productivité et, donc, de préserver leur compétitivité ; condition nécessaire au maintien ou la création d’emplois

L’analyse part d’un modèle théorique décrivant le comportement de l’entreprise. La production de celle-ci est déterminée par le travail, le capital et le progrès technique selon une fonction Cobb-Douglas. Une originalité de l’approche adoptée dans cette étude est de considérer que le progrès technique n’est pas exogène mais dépend de la protection commerciale et de l’investissement de l’entreprise en capital physique et humain. ,

L’analyse empirique est menée en combinant les données provenant du recensement des entreprises manufacturières effectué par le Ministère du Commerce et de l’Industrie et des données de l’enquête FACS (2000) réalisée par la Banque Mondiale et le gouvernement marocain. Les résultats montrent que les entreprises qui investissent en capital humain sont capables d’améliorer, significativement leur productivité. Cette conclusion résiste aux différents tests de robustesse que ce soit en termes de variables explicatives additionnelles, de méthodes d’estimation ou de taille des entreprises.