Tant que le développement des pays du Sud de la Méditerranée sera lent, les migrations continueront

photo-econostrumDRMaryse Louis, secrétaire générale du Femise et directrice de programme de l’ERF (*), a contribué à la rédaction rapport annuel «Partenariat Euro-Méditerranéen à la croisée des chemins » dans un chapitre consacré aux migrations dans la région Euromed.

Econostrum : Pourquoi les habitants du Sud de la Méditerranée migrent-ils ?

Maryse Louis : Les motivations apparaissent multiples. Les raisons politiques, sociales ou économiques dominent actuellement dans le contexte euromed. Les pays du Sud de la Méditerranée se caractérisent par un fort taux de chômage, une faible activité avec moins d’une personne sur deux possédant un emploi formel et une inégalité flagrante dans la distribution des salaires.

Les personnes diplômées perçoivent souvent un salaire formel moindre que ceux œuvrant dans le secteur informel. Le médecin égyptien gagne moins que le plombier. En Europe, ce même médecin gagne beaucoup plus avec de bien meilleures perspectives de carrière !

Econostrum : Pourquoi les Tunisiens se sont-ils rendus aussi massivement sur l’île italienne de Lampedusa ?

Maryse Louis : Il suffit de parcourir seulement 300 km pour que l’espérance de vie soit rallongée de sept ans et qu’un Tunisien bénéficie d’un PIB par personne cinq fois supérieur à celui de son pays. Il existe un écart important au niveau des salaires et dans la qualité de vie.

Cette dernière influe sur la santé et sur la carrière d’une personne. Tant que le développement des pays du Sud de la Méditerranée sera lent, surtout du point de vue social, les migrations continueront. A ces raisons de fond s’ajoute un phénomène conjoncturel : les tensions en Tunisie suite à la révolution et au moindre contrôle de la police aux frontières ont créé un effet d’aubaine présumé, les candidats au départ tentant de profiter d’une période qui apparaît propice…

Econostrum : Quelles sont les grandes tendances des flux migratoires Nord-Sud ?

Maryse Louis : 82 % des migrants du Maghreb se rendent dans des pays européens et 13% migrent vers les pays arabes tandis que les Egyptiens privilégient les pays du Golfe arabe. 90% des migrants turcs se rendent en Allemagne. Les pays du Sud ont su nouer des accords avec l’UE s’agissant du commerce et des capitaux. Je ne vois pas pourquoi il n’est pas possible de faire de même s’agissant des migrants. Il faudrait des accords régionaux généraux, complétés par des accords bilatéraux et faire coïncider l’offre et la demande sans toutefois que le Sud n’exporte tous ses cerveaux dont ils ont besoin pour leur développement. Les transferts d’argent des migrants aident les pays à se développer. Ils représentent aujourd’hui environ 15% des revenus à l’export. En Jordanie, au Liban et en Egypte, ils dépassent l’investissement privé.

Econostrum : Quels sont les bénéfices de ces migrations pour les pays européens ?

Maryse Louis : Les migrations atténuent les effets négatifs du vieillissement de la population européenne. D’ici vingt à trente ans, l’Europe aura besoin de main d’œuvre du fait de la baisse des effectifs âgés de 15-65 ans à moins que les Européens soient d’accord pour travailler jusqu’à 80 ans ! Les questions de politique migratoire, taboues au sein de l’Union Européenne la dernière décennie, émergent et désormais nous sentons une prise de conscience.

(*) Economic Research Forum au Caire

Télécharger le rapport « Partenariat Euro-Méditerranéen à la croisée des chemins » sur le site du Femise.

Photo Econostrum-DR

Article de Nathalie Bureau du Colombier, Econostrum. Vous pouvez retrouver la rubrique « Grand Angle»  et les articles correspondant à l’adresse suivante :www.econostrum.info. L’inscription à la newsletter d’econostrum est accessible par :http://www.econostrum.info/subscription/